Un entraînement avec rest pause est une technique d’intensification qui consiste à effectuer plusieurs séries jusqu’à l’échec, avec moins de 30 secondes de repos entre les séries jusqu’à ce qu’un nombre de répétitions fixé soit atteint.
Quels sont les résultats obtenus en termes d’hypertrophie et de force musculaire par rapport aux schémas de séries et de répétitions traditionnels ? C’est ce que nous allons voir ici grâce au décryptage d’une étude(1) publiée en 2019 dans le journal préféré des athlètes de force : The Journal of Strength & Conditioning Research.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Les participants étaient 18 hommes et femmes qui s’entraînaient depuis au moins un an et qui ont déclaré faire entre 3 et 5 séances par semaine en effectuant généralement 3 ou 4 séries de 8-12 RM. Les spécificités des différents participants et la répartition des groupes sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Crédit tableau © Docteur-fitness.com
Protocole d’entraînement, tests de force et d’endurance musculaire
Le protocole d’entraînement a duré six semaines, et le 1RM au développé couché, au curl à la barre et à la presse à cuisses ont été testés avant et après cette expérience.
Petite parenthèse : il n’est pas précisé combien de temps avant ou après le programme d’entraînement les tests ont été effectués. Comme la fatigue occasionnée par l’entraînement peut avoir un impact sur ces tests, il apparaît important de savoir combien de temps avant ou après le programme d’entraînement les tests ont été effectués. En effet, si une personne s’entraîne pendant six semaines et effectue un test de force 48 heures après la dernière séance d’entraînement, la fatigue de la dernière semaine d’entraînement peut affecter ses performances (fin de la parenthèse).
Après avoir testé leur 1RM pour chaque exercice, les sujets ont effectué un maximum de répétitions jusqu’à l’échec avec 60 % de leur 1RM au développé couché, au curl à la barre et à la presse à cuisses pour évaluer leur endurance musculaire.
Pendant les six semaines du programme d’entraînement, les participants des deux groupes se sont entraînés au total 4 fois par semaine. Ils ont travaillé les muscles pectoraux, les épaules et les triceps les lundis et mercredis, et les jambes, le dos et les biceps les mardis et les jeudis. Chaque groupe a utilisé une charge correspondant à 80 % de 1RM pour chaque séance d’entraînement.
Lors de chaque séance :
- Le groupe Série Multiple Traditionnelle (SMT) a effectué 3 × 6 à 80 % de 1RM pour chaque exercice avec 2 à 3 minutes de repos entre les séries.
- Le groupe Rest Pause (RP) a fait des répétitions à 80 % de leur charge 1RM pour chaque exercice, jusqu’à l’échec musculaire. Après l’échec, les personnes pouvaient se reposer pendant 20 secondes avant de recommencer à faire des répétitions, jusqu’à atteindre à nouvel échec. Ce processus a été répété jusqu’à ce qu’ils atteignent un total de 18 répétitions pour un exercice afin de passer à l’exercice suivant.
Les deux groupes avaient une durée de repos de 2 à 3 minutes entre les différents exercices.
Composition corporelle et hypertrophie musculaire
La composition corporelle a été évaluée avant et après l’étude à l’aide de la méthode du pli cutané sur trois points, permettant d’estimer le pourcentage de graisse corporelle, la masse graisseuse (kg) et la masse maigre (kg).
Pour évaluer l’hypertrophie musculaire, des mesures de la taille des muscles (sous échographique) et de la circonférence des membres ont été prises avant et après l’étude, au niveau de la poitrine, de la cuisse et du bras.
Résultats de l’étude
La force sur 1RM
Il n’y a pas eu de différences significatives entre les groupes en ce qui concerne la prise de force (p>0,05). Les auteurs soulignent que pour le groupe RP, il y avait une petite taille d’effet pour le développé couché et le curl biceps par rapport à une taille d’effet négligeable pour le groupe SMT ; cependant, comme dit dans un précédent article, une comparaison des tailles d’effet entre les groupes est plus appropriée qu’une comparaison des tailles d’effet dans un même groupe.
Par conséquent, il est un peu exagéré de dire que les résultats concernant la force sont plus élevés dans le groupe RP en se fondant sur cette analyse.
Par ailleurs, cette étude n’indique pas les moyennes exactes pour chaque groupe. D’après les données présentées dans cette étude, il semble que les 1RM au développé couché avant l’étude étaient d’environ 80 kg pour le groupe SMT et de 90 kg pour le groupe RP, ce qui indique que les personnes participant à cette étude avaient un niveau débutant. Toutefois, comme cette étude combinait des hommes et des femmes et que la force relative (formule de Wilks) n’a pas été rapportée, il est difficile de déterminer un véritable niveau d’entraînement en dehors du fait qu’ils avaient plus d’un an d’expérience à leur actif.
Prise de muscle
En ce qui concerne la croissance musculaire, il n’y a pas eu d’augmentation significative pour l’un ou l’autre groupe, de différences au sein des groupes, ni de changements de taille d’effet pertinents pour l’hypertrophie des pectoraux et des bras entre la période précédant et suivant l’étude (p>0,05).
Par contre, l’épaisseur musculaire de la cuisse était significativement plus importante après l’étude dans le groupe RP (+11 %, étendue sur l’ensemble des sujets : 0-22 %) par rapport au groupe SMT (+1 %, étendue sur l’ensemble des sujets : -5-7 %). Le graphique ci-dessus présente les variations moyennes et les tailles d’effet pour la circonférence musculaire.
Par ailleurs, même s’il n’y a pas eu de changements statistiquement significatifs pour les muscles pectoraux et les biceps. Pour informations, les étendues de variation en pourcentage pour les pectoraux étaient les suivants : SMT : -4 à +15 % et RP : -10 à +10 % et pour les biceps : SMT : -5 à +7 % et RP : -8 à 17 %.

* Significativement supérieure
SMT : Série Multiple Traditionnelle , RP : Rest Pause
Crédit graphique © Docteur-fitness.com
Endurance musculaire
Il n’y a pas eu de différence entre les deux groupes, ni dans un même groupe, pour l’endurance musculaire au développé couché ou au curl biceps (p>0,05) ; cependant, le groupe RP a obtenu des changements significativement plus importants (p<0,05) dans l’endurance à la presse à cuisses (+27±8 % ; étendue : 21-33 %) par rapport au groupe SMT (+8±23 % ; étendue : -9-25 %).
Les variations moyennes et les tailles d’effet entre avant et après l’étude pour l’endurance musculaire à la presse à cuisses à 60 % de 1RM sont présentées dans le graphique ci-dessous.

* Significativement supérieure
SMT : Série Multiple Traditionnelle , RP : Rest Pause
Crédit graphique © Docteur-fitness.com
Composition corporelle
Aucune différence significative n’a été constatée, quelles que soient les mesures effectuées (p>0,05), et il n’y a pas eu de différences avant ou après l’étude au sein des groupes ou entre les groupes en ce qui concernait le poids total ou la masse maigre (p>0,05). Cependant, le groupe SMT (-11 % ; ES=0,43) avait un taux de masse grasse significativement plus faible (p<0,05) après l’étude par rapport au groupe RP (0 % de changement ; ES=-0,05). Malgré cette diminution significative de la masse grasse dans le groupe SMT, la taille d’effet était négligeable d’après les interprétations de magnitude utilisées dans cette étude.
Alimentation
Aucune différence (p>0,05) n’a été constatée entre les groupes concernant l’apport moyen en macronutriments ou en kcal, de la période pré-étude à la période post-étude.
Mes commentaires et interprétations
Globalement, il ne semble pas y avoir de différence significative pour la force maximale entre l’entraînement de type RP et SMT d’après les résultats présentés.
En revanche, l’entraînement avec RP a permis d’obtenir une hypertrophie musculaire et une endurance musculaire significativement plus importantes par rapport à l’entraînement avec des SMT pour le bas du corps.
L’entraînement avec rest pause est donc une stratégie pertinente pour maximiser l’hypertrophie et l’endurance musculaire.
Ceci dit, avant de poursuivre cette interprétation, je voudrais vous citer la partie de l’étude concernant la méthode : “chaque protocole d’entraînement impliquait l’exécution de 18 répétitions, à une intensité de 80 % de 1RM, avec un volume de charge similaire. Pour le programme avec plusieurs séries traditionnelles, les exercices ont été effectués en 3 séries de 6 répétitions avec 80 % de 1RM et 2-3 min de repos entre les séries et les exercices ; pour le groupe rest-pause, une première série avec 80 % de 1RM a été effectuée jusqu’à l’échec, les séries suivantes ont été effectuées avec un intervalle de repos de 20 sec entre les séries jusqu’à ce qu’un total de 18 répétitions soit effectué ; et avec 2-3 min de repos entre les exercices”.
Comme vous pouvez le constater, il n’y a eu aucune mention de progression dans le groupe SMT.
Pourquoi est-ce important ? Eh bien, dans le groupe RP, il n’est pas nécessaire de prévoir une progression des charges, car les participants s’entraînent jusqu’à l’échec sur chaque série.
Par conséquent, dans le groupe RP, la progression (d’une certaine manière) est intégrée.
Par exemple, si une personne dans le groupe RP effectue 7 répétitions à 80 % pour la première série lors de la première semaine et ensuite 8 répétitions à 80 % pour la première série lors de la deuxième semaine, il s’agit d’une forme de progression.
En revanche, pour les SMT, il est indiqué dans la méthodologie que 3 × 6 reps ont été effectués à 80 % et ceux pour chacune des semaines sans augmentation de la charge. Il est possible que les auteurs aient simplement omis de mentionner l’augmentation de la charge, et si c’est le cas, il s’agit d’un manque de clarté dans la publication (pour être honnête, je pense que c’est le scénario le plus probable).
Cependant, s’il n’y avait effectivement aucune progression des charges, il est alors extraordinairement difficile d’accepter avec certitude le fait que le RP offre un plus grand avantage pour l’hypertrophie et l’endurance musculaire du bas du corps (comme le suggèrent les résultats) comparé au SMT, puisque la conception était biaisée dans le sens où il y avait une surcharge dans un groupe, mais pas dans l’autre.
Logiquement, 3 × 6 à 80 % de 1RM deviendraient plus facile au cours des semaines suivantes au fur et à mesure de la progression en force ; par conséquent, la difficulté perçue pour chaque série ou évaluation de l’effort perçu (RPE) diminuerait.
Si la moyenne des RPE après les 6 répétitions à 80 % de la semaine 1 était de 8-10 (0-2 répétitions en réserve), il est raisonnable de penser que les RPE diminueraient au fur et à mesure que la force augmenterait au cours de l’étude (et la force a effectivement augmenté entre avant et après l’étude).
Par conséquent, les participants du groupe SMT auraient connu une diminution de la difficulté dans leur entraînement à chaque séance, tandis que les participants du groupe RP auraient eu la possibilité d’atteindre une sorte de surcharge progressive en faisant davantage de répétitions lors de la première série de chaque exercice. Si tel était le cas, ce défaut de conception entraîne un biais inhérent en faveur du rest pause.
Concernant la force, il n’est pas trop surprenant qu’il n’y ait pas eu de différences entre les groupes. Le volume global et l’intensité ont été mis sur un pied d’égalité, et même si le groupe RP s’est entraîné à l’échec sur chaque “série”, des données récentes suggèrent que 7-8 répétitions sont possibles à 80 % de 1RM(2), il est donc raisonnable de penser que la plupart des séries de 6 reps du groupe SMT étaient proches de l’échec (c’est-à-dire avec un RPE = 8-10).
Cependant, sur la base de ce que je viens d’évoquer ci-dessus, nous ne pouvons pas être sûrs qu’il y ait eu une progression pour maintenir les RPE autour de 8-10. S’il n’y avait pas de progression et que les RPE avaient en fait diminué dans le groupe SMT, il est alors possible qu’avec une surcharge progressive classique, le groupe SMT ait augmenté sa force dans une plus large mesure ; c’est une spéculation de ma part, mais c’est possible.
De plus, il est bien établi que les adaptations de force dépendent principalement de la charge(3)(4) et (dans une moindre mesure) du volume(5), et chaque groupe s’est entraîné à 80 % de 1RM pour 18 répétitions, donc la charge et le volume relatif étaient les mêmes entre les groupes.
En ce qui concerne la prise de muscle, il est bien établi que le volume d’entraînement est la variable la plus étroitement associée aux résultats obtenus(6). Sur le plan mécanique, trois facteurs semblent jouer un rôle dans l’hypertrophie des muscles squelettiques : 1) la tension mécanique, 2) les lésions musculaires et 3) le stress métabolique(7).
Certaines données montrent que des intervalles de repos courts ne sont pas considérés comme des facteurs déterminants de l’hypertrophie(8) ; cependant, il ne faut pas exclure complètement que le stress métabolique puisse être un médiateur de l’hypertrophie.
Concrètement, dans l’étude examinée ici, les intervalles de repos de 2 à 3 minutes du groupe SMT permettaient à l’acide lactique de se dissiper, alors que l’accumulation d’acide lactique a sans doute augmenté de façon constante dans le groupe RP avec seulement 20 secondes de repos.
Bien que l’acide lactique ne soit pas le seul métabolite en jeu (ni le seul facteur causal de la croissance musculaire), il illustre le fait que le groupe RP a probablement augmenté son stress métabolique dans une plus grande mesure par rapport au groupe SMT. Ainsi, ces données suggèrent que le stress métabolique a pu jouer un certain rôle dans l’hypertrophie.
Toutefois, il convient également de souligner que les différences entre les groupes pour l’hypertrophie ne concernaient que le bas du corps. De plus, s’il y avait effectivement eu une absence de progression dans le cas du groupe SMT et que les RPE avaient en fait diminué tout au long de l’étude, la différence entre les groupes en matière de stress métabolique pourrait même être plus importante, ce qui contribue à expliquer la différence d’hypertrophie du bas du corps.
Comme pour l’hypertrophie, des différences d’endurance musculaire ont été observées pour le bas du corps (avec la presse à cuisses), mais pas pour le haut du corps (avec le développé couché et le curl à la barre).
Pour l’endurance musculaire, de courts intervalles de repos (30 secondes) et un entraînement jusqu’à l’échec sont généralement recommandés(9). Ainsi, le repos de 2-3 minutes du groupe SMT contre 20 secondes du groupe RP semble expliquer les meilleurs résultats obtenus.
On peut penser que les exercices du bas du corps permettent plus de répétitions par série que les exercices du haut du corps, ce qui pourrait éventuellement permettre plus de répétitions sur la première série à la presse dans le groupe RP par rapport au groupe SMT et expliquer la différence dans les résultats obtenus en matière d’endurance musculaire pour le bas du corps par rapport au haut du corps. Néanmoins, la présente étude n’a pas mentionné le nombre de répétitions pour les premières séries d’exercices du groupe RP, cela n’est donc que spéculatif.
Dans toute étude, nous analysons surtout la moyenne des résultats, ce qui donne une idée assez précise des principes de l’entraînement pour le plus grand nombre. Cependant, lorsque des données individuelles ou une série de données sont présentées, il est préférable d’analyser les résultats. Par exemple, les augmentations moyennes obtenues par le groupe SMT et le groupe RP au développé couché étaient respectivement de +30 et +25 %, avec une étendue de 14 à 45 % pour le groupe SMT et de 12 à 37 % pour le groupe RP pour les 9 personnes de chaque groupe. Ces chiffres révèlent ces renseignements :
- La variation moyenne d’au moins 25 % dans les deux groupes dans un protocole d’entraînement non périodisé démontre un niveau d’entraînement relativement faible des individus ;
- L’étendue des résultats obtenus est assez large et correspond à la variation individuelle précédemment établie pour un entraînement de musculation
Qui plus est, la présente étude portait sur 14 hommes et 4 femmes, mais rien n’a été entrepris pour analyser les variations liées au sexe, ce qui aurait également pu expliquer les écarts importants entre les individus. Par conséquent, ce décryptage illustre l’impossibilité d’affirmer qu’il existe des différences entre les groupes en termes de prise de force.
Cet article révèle concrètement que le stress métabolique peut être plus élevé avec un entraînement avec rest pause par rapport à un entraînement avec un schéma classique de séries et répétitions, pouvant également entraîner des dommages musculaires plus importants.
Un entraînement avec rest pause devrait dont être effectué au moment de la semaine où vous aurez un temps de repos suffisant avant la prochaine séance, afin que la fatigue résultant de l’entraînement avec RP n’affecte pas négativement vos performances ultérieures.
Par ailleurs, l’entraînement avec RP devrait être utilisé de préférence pour les exercices qui requièrent le moins de techniques.
Si vous utilisez systématiquement le RP sur des mouvements avec barre (squat, développé couché et soulevé de terre), cela pourrait affecter votre exécution en raison du repos minimal et de l’accumulation de métabolites importante, ce qui pourrait augmenter le risque de blessure.
Les exercices d’isolation sont donc plus adaptés au rest pause par rapport aux exercices polyarticulaires lourds.
Ce qu’il faut retenir
- Un entraînement avec rest pause ne permet pas de gagner plus de force qu’un entraînement traditionnel avec des séries multiples.
- Le rest pause est une stratégie viable dans un programme périodisé pour maximiser l’hypertrophie et l’endurance musculaire du bas du corps.
- Cette technique d’intensification entraînant davantage de lésions musculaires, il faudra être vigilant sur votre état de récupération et ne pas enchaîner trop rapidement une séance pour le ou les muscles venant d’être sollicités.
Références