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Il existe de nombreuses discussions sur la question de savoir s’il est préférable de s’entraîner avec différentes intensités dans une même séance ou de les séparer sur plusieurs séances. L’étude que nous allons décrypter a montré que ce débat a peut-être fait beaucoup de bruit pour rien.
Est-il préférable de combiner plusieurs séries avec des fourchettes de répétitions différentes au sein d’une même séance d’entraînement, ou de les séparer en séances spécifiques (séance force, hypertrophie, endurance de force, etc.) ? Ces différents stimuli au sein d’une même séance ont-ils un effet additif ou interfèrent-ils les uns avec les autres ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre grâce au décryptage cette étude(1) publiée dans l’International Journal of Sports Science & Coaching.
Objectif de l’étude
Le but de cette étude était de comparer un programme d’entraînement utilisant la méthode Hatfield* à un programme d’entraînement impliquant une périodisation ondulatoire hebdomadaire, en examinant leurs effets sur la force, l’hypertrophie et la hauteur de saut.
*La méthode porte le nom de Frederick Hatfield (également appelé Dr Squat de par son passé de grand Powerlifter). La méthode proposée par cet athlète fait partie des techniques appelées holistiques, car c’est un protocole qui permet de stimuler tous les différents types de fibres musculaires lors d’une même séance.
Questions de recherche
- Un programme utilisant la méthode Hatfield conduirait-il à une plus grande hypertrophie et à des gains de force plus importants qu’un programme utilisant une périodisation ondulatoire hebdomadaire lorsque l’on fait correspondre le volume et l’intensité ?
- Un programme utilisant la méthode Hatfield conduirait-il à des gains plus importants en termes d’endurance (répétitions au leg press avec 40 % de 1RM) qu’un programme utilisant une périodisation ondulante hebdomadaire avec un volume et une intensité équivalents ?
- Un programme utilisant la méthode Hatfield entraînerait-il une augmentation plus importante de la hauteur des squats sautés et des sauts avec contre-mouvement qu’un programme utilisant une périodisation ondulatoire hebdomadaire lorsque le volume et l’intensité sont égaux ?
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Les sujets étaient 26 hommes pratiquants de la musculation. Ils devaient avoir au moins un an d’expérience en matière d’entraînement pour pouvoir participer (la durée réelle était de 1 à 10 ans). Les caractéristiques des sujets sont présentées dans le tableau ci-dessous.
Présentation du protocole
L’étude a commencé par une semaine de familiarisation afin d’habituer les participants aux exercices et aux tests utilisés dans l’étude. Après cette phase de familiarisation, des tests préliminaires ont été effectués pendant deux jours.
Le premier jour comportait des mesures anthropométriques (taille, poids, circonférence des cuisses et plis cutanés), des évaluations de la hauteur du saut en position accroupie et avec contre-mouvement, et des tests de force isométrique sur des extensions de jambes.
Le deuxième jour a été consacré à des tests de 1RM et d’endurance de la force (répétitions jusqu’à l’échec à 40 % de 1RM) sur une presse à cuisses. Ces tests ont eu lieu juste avant et après la phase d’entraînement de six semaines.
Les participants ont été divisés en deux groupes pour la période d’entraînement. Un groupe a utilisé un programme basé sur la méthode Hatfield, tandis que l’autre groupe a utilisé un programme basé sur une périodisation ondulatoire hebdomadaire.
La méthode Hatfield consiste à s’entraîner avec plusieurs gammes d’intensité et de vitesse dans une même séance, en commençant par travailler avec des charges lourdes déplacées de manière explosive jusqu’à des charges plus légères déplacées plus lentement. Les deux premières séries consistaient en 4-6 répétitions avec 0,75-1 seconde pour la phase concentrique, les séries trois et quatre comptaient 12-15 répétitions avec 1-1,5 seconde pour la phase concentrique, et les séries cinq et six comprenaient 20-25 répétitions avec 1,5-2 seconde pour la phase concentrique et aucun repos entre les répétitions (pour assurer une tension constante).
Le programme utilisant la périodisation ondulatoire hebdomadaire a fait appel à des fourchettes de répétitions identiques, mais les a fait varier d’une semaine à l’autre plutôt qu’à l’intérieur de chaque session. Les semaines 1 et 4 correspondaient à des séries de 4 à 6 répétitions, les semaines 2 et 5 à des séries de 12 à 15 répétitions, et les semaines 3 et 6 à des séries de 20 à 25 répétitions. La cadence des répétitions était de 2 secondes pour la phase excentrique et de 1 seconde pour la phase concentrique.
Les deux programmes ont fait appel à des extensions de jambes (leg extensions), des flexions de jambes (leg curls) et une presse à cuisses (leg press) tous les jours d’entraînement, et la fréquence d’entraînement était de deux fois par semaine pour les deux groupes. Les charges ont été augmentées lorsque les participants pouvaient faire plus de répétitions que la limite supérieure de la fourchette fixée avec la cadence prévue. La mesure de la section transversale des muscles de la cuisse (STMC) a été estimée à l’aide d’une équation développée par Housh et al.(2):
STMC (cm²) = (4,68 × circonférence de la cuisse) – (0,64 × pli cutané antérieur de la cuisse en mm) – 22,69.
C’est évidemment moins efficace que la mesure de la STMC par ultrasons (ou IRM), mais cela donne une estimation assez correcte (r = 0,86) et certainement plus précise que la simple mesure de la circonférence des cuisses.
L’amplitude pour la presse à cuisses a été établie à l’aide d’un goniomètre fixé à une genouillère. Un goniomètre vous indique objectivement quand une personne atteint 90 degrés de flexion. Cette méthode a été utilisée pour standardiser la profondeur de flexion pour les entraînements et les épreuves de test.
Résultats de l’étude
La STMC estimée a augmenté de manière significative dans le groupe utilisant la méthode Hatfield (4,4 cm² ; p=0,019), tandis que les augmentations dans le groupe utilisant la périodisation ondulatoire hebdomadaire n’ont pas tout à fait atteint un seuil significatif (3,4 cm² ; p=0,075). Cependant, il n’y a pas eu de différences significatives entre les groupes.
La hauteur des squats sautés a augmenté de manière significative dans le groupe utilisant la périodisation ondulante hebdomadaire (2,6 cm ; p=0,016), tandis que les augmentations dans le groupe utilisant la méthode Hatfield n’ont pas tout à fait atteint le seuil significatif (2 cm ; p=0,064). Là encore, il n’y a pas eu de différences significatives entre les groupes. La force 1RM à la presse à cuisses, le nombre de répétitions à la presse à cuisses jusqu’à l’échec, la hauteur de saut avec contre-mouvement, la force isométrique pour l’extension du genou (leg extension) à un angle de 120° sur les deux jambes, et la force isométrique pour l’extension du genou de la jambe droite à un angle de 85° ont augmenté de manière significative dans les deux groupes, sans aucune différence significative entre les groupes.
Toutes les tailles d’effet entre les groupes étaient minimes (d < 0,2), à l’exception de la force isométrique d’extension du genou de la jambe droite à 120°, qui a eu un petit effet (d = 0,33) en faveur du groupe périodisation ondulatoire hebdomadaire.
Mes commentaires et interprétations
Il y a plusieurs choses que j’ai aimées et d’autres moins dans cette étude. J’ai beaucoup aimé le fait qu’ils aient testé une variété de paramètres de performance sur l’ensemble du spectre force/vitesse. Bien sûr, la 1RM est ce qui nous intéresse le plus, mais les tests de force isométrique, de force dynamique, de hauteur de saut et d’endurance ont permis de s’assurer que l’étude fournirait des informations pertinentes pour un large éventail d’athlètes et de pratiquants. J’ai également apprécié le fait qu’ils aient normalisé l’amplitude/la profondeur sur la presse à cuisses en utilisant un goniomètre. C’est une petite chose, mais cela permet vraiment de renforcer la validité des données.
En revanche, je n’étais pas très enthousiaste à l’idée d’un programme utilisant une périodisation ondulatoire hebdomadaire. Pour les résultats en matière de force (et probablement de hauteur de saut), il aurait probablement été préférable que chaque période de trois semaines commence d’abord avec un entraînement léger et un grand nombre de répétitions, à un entraînement lourd avec peu de répétitions (au lieu de passer du lourd au léger). Je ne suis pas non plus enthousiaste à l’idée que la cadence de répétitions diffère légèrement entre les deux groupes, bien que je doute que cela ait influencé les résultats. Enfin, j’aurais aimé qu’ils utilisent un moyen plus fiable de mesurer la surface de section transversale des muscles, au lieu de se contenter de l’estimer à l’aide d’une équation.
Ceci dit, il s’agit de la meilleure étude existante sur les effets de l’entraînement à différentes intensités au cours d’une même séance d’entraînement par rapport à plusieurs cycles de séances séparées. Certaines personnes (dont le regretté Frederick Hatfield) affirment que l’on devrait s’entraîner en utilisant plusieurs niveaux d’intensité et gammes de répétitions lors de chaque séance d’entraînement afin de maximiser le stimulus adaptatif de chaque séance. D’autres personnes soutiennent que les différents types d’entraînement devraient être séparés en différentes séances (comme dans de nombreux programmes d’entraînement avec une périodisation ondulatoire), sur différentes semaines (comme dans la méthode de périodisation hebdomadaire ondulatoire utilisée dans cette étude), ou même en cycles d’entraînement complètement différents, en soutenant que l’entraînement avec une certaine intensité compromettra les adaptations que vous obtiendrez en vous entraînant sur une autre plage d’intensité. Cependant, il n’y a pas eu de preuves tangibles et concrètes pour vérifier les affirmations des deux camps de ce débat.
Cette étude a montré que, du moins à court terme, il importe peu que vous divisiez différents styles d’entraînement ou que vous les fassiez ensemble dans une même séance. Si l’on réfléchit à ce concept, c’est le résultat auquel on aurait dû s’attendre. Le volume, l’intensité moyenne et l’intensité maximale étant les mêmes entre les groupes, des résultats comparables auraient dû être attendus, car d’autres variables de l’entraînement ont une influence relativement faible sur les réponses à l’entraînement par rapport au volume et à l’intensité. Cela correspond aux observations faites fréquemment dans la pratique. Beaucoup de gens progressent et prennent de la force en commençant par des entraînements légers avec un grand nombre de répétitions, puis en augmentant leurs charges et en diminuant le nombre de répétitions au cours de leur séance. D’un autre côté, beaucoup de personnes progressent et prennent de la force en commençant par des séries lourdes sur des exercices polyarticulaires et finissent par des séries longues et légères avec des exercices accessoires (et, bien sûr, aucune de ces stratégies ne s’exclut mutuellement).
En termes simples, cette étude démontre que vous avez le choix et que vous pouvez utiliser la stratégie qui correspond le mieux à vos préférences. Si vous voulez périodiser votre entraînement de telle sorte que vous ayez quelques semaines d’entraînement exclusivement lourd et quelques semaines d’entraînement plus léger avec un plus grand nombre de répétitions, cela ne pose aucun problème. Si vous aimez utiliser un mélange de charges lourdes et légères au cours d’une même séance d’entraînement, ou si, pour vos séances de squat, vous voulez commencer par quelques séries avec des charges lourdes, puis réduire la charge pour effectuer quelques séries pour “l’hypertrophie”, et enfin terminer avec une série légère et un grand nombre de répétitions qui vous oblige à garder un seau à vomi à proximité, c’est également une stratégie viable. Dans les deux cas, vous ne devez pas vous inquiéter de faire quelque chose de “mal”, du moins dans le cadre d’un entraînement classique.
Cependant, il est également important de garder à l’esprit que cette étude ne montre pas que les deux stratégies employées ici sont nécessairement optimales en toutes circonstances. Dans le cadre d’une compétition, vous ne voudriez probablement pas faire trop de séries légères dans la même séance avec vos exercices les plus lourds (parce qu’à ce moment-là, le travail plus léger ajoutera de la fatigue et n’aidera probablement pas aux performances en compétition), et vous ne voudriez certainement pas avoir une semaine complète d’entraînement d’endurance de force à trois semaines d’une compétition. Toutefois, cette étude montre que pour un programme d’entraînement “classique” hors saison, la combinaison de gammes de répétitions et d’intensité au cours de chaque séance ou l’adoption d’une approche de périodisation hebdomadaire ondulée permettront d’obtenir des résultats similaires, vous êtes donc libre de choisir la stratégie qui vous convient le mieux.
Ce qu’il faut retenir
- Que vous vous entraîniez avec différentes gammes de répétitions lors de chaque séance d’entraînement ou que vous divisiez votre entraînement de manière à ce que chaque semaine ait un objectif spécifique (c’est-à-dire la force, l’hypertrophie et l’endurance) n’affecte probablement pas vos gains de force, d’endurance, d’hypertrophie et de puissance explosive à court terme.
- Pour les entraînements hors saison, vous pouvez donc vous entraîner avec différentes intensités au cours d’une même séance ou les répartir en plusieurs séances selon vos préférences personnelles.
- Dans le contexte d’une compétition de force, il peut être judicieux de laisser tomber l’entraînement léger ou d’endurance de force avec beaucoup de répétitions, quelle que soit la stratégie que vous utilisez pour votre entraînement hors saison.
Autres questions sur l’entraînement
Sources éditoriales et fact-checking