Il existe un vieil adage dans le milieu des sports de force qui dit qu’il faut “s’entraîner dur et récupérer encore plus”. La récupération après l’entraînement est un sujet extrêmement important, car nous savons que le volume d’entraînement est le facteur clé de l’hypertrophie et un facteur majeur de progression de la force, mais augmenter le volume d’entraînement ne vous apportera rien si vous ne pouvez pas récupérer après l’entraînement.
Au fil des ans, diverses méthodes de récupération ont été proposées et étudiées, et nous savons que beaucoup de choses sont efficaces pour la récupération. Ce que nous n’avons pas eu, cependant, c’est une méta-analyse complète comparant les différentes méthodes de récupération pour voir ce qui fonctionne le mieux. L’étude(1) que je vous présente ici comble cette lacune.
Décryptage de la méta-analyse
Objectif
L’objectif de cette méta-analyse était de comparer les effets des techniques de récupération couramment utilisées sur les marqueurs de dommages musculaires, de douleur, d’inflammation et de fatigue perçue après un exercice. Aucune hypothèse n’a été formulée au préalable.
Participants et méthodes
Pour être incluse dans cette méta-analyse, une étude devait répondre à quatre critères d’inclusion principaux :
- Elle devait inclure une séance de musculation suivie d’une action de récupération;
- Elle devait tester une seule application de récupération à la fois (c’est-à-dire qu’une étude utilisant la récupération active et le massage serait exclue, tout comme une étude utilisant plusieurs types de massage avant les évaluations de suivi. Cela dit, étrangement, ils ont inclus une étude testant les effets du massage + étirements) ;
- L’étude devait inclure au moins un test valide des douleurs musculaires à retardement (DOMS), appelé couramment courbatures, de la fatigue perçue, des dommages musculaires ou des marqueurs inflammatoires.
- Les participants devaient être des adultes en bonne santé.
Résultats
Cette méta-analyse est absolument énorme, avec 99 études répondant aux critères d’inclusion. Elle compte 80 études évaluant les DOMS, 17 études évaluant la fatigue perçue, 19 études évaluant les marqueurs inflammatoires et 37 études évaluant les dommages musculaires.
Les techniques de récupération évaluées comprenaient la récupération active, les étirements, les massages, les massages + étirements, l’électrostimulation, les vêtements de compression, l’immersion dans l’eau, la thérapie par contraste, la cryothérapie et l’oxygénothérapie hyperbare.
Les techniques de récupération, collectivement, ont été efficaces pour réduire les DOMS (taille d’effet = -0,61 à -0,94) et la fatigue perçue (taille d’effet = -0,89 à -1,92). Pour une raison inconnue, les stratégies de récupération étaient plus efficaces pour réduire les DOMS chez les hommes que chez les femmes (taille d’effet = -0,43 à -2,07). La récupération active, les massages, les vêtements de compression, l’immersion dans l’eau froide, la thérapie de contraste et la cryothérapie ont tous réduit de manière significative les DOMS, tandis que les étirements, l’électrostimulation et la thérapie hyperbare n’ont eu aucun effet significatif. Il est à noter que le massage était l’intervention la plus efficace pour réduire les DOMS.

Tailles d’effet pour chaque modalité de récupération (moyenne ± 95% de l’intervalle de confiance). Plus la valeur négative est grande, plus la modalité de récupération est efficace.
Crédit graphique © Docteur-fitness.com
Les massages, les vêtements de compression et l’immersion dans l’eau froide ont toutes été efficaces pour réduire la fatigue perçue, tandis que les étirements, l’électrostimulation et la thérapie de contraste n’ont pas eu d’effet significatif. La récupération active a quant à elle légèrement augmenté la fatigue perçue 24 heures après l’entraînement. Les massages étaient également l’intervention la plus efficace pour réduire la fatigue perçue.

Tailles d’effet pour chaque modalité de récupération (moyenne ± 95% de l’intervalle de confiance). Plus la valeur négative est grande, plus la modalité de récupération est efficace.
Crédit graphique © Docteur-fitness.com
Dans l’ensemble, il a été relevé de légères diminutions de plusieurs marqueurs de dommages musculaires et d’inflammation, notamment la créatine kinase, l’interleukine-6 et la protéine C-réactive, après les différentes options de récupération.
Le massage a été le plus efficace pour atténuer les élévations de créatine kinase (et les étirements ont en fait entraîné des augmentations légèrement plus importantes de créatine kinase), tandis que le massage et la cryothérapie ont tous deux été assez bons pour réduire l’interleukine-6.
En subdivisant l’exposition par immersion selon la température de l’eau, toutes les températures inférieures à la température du corps ont semblé atténuer efficacement les élévations de créatine kinase, l’interleukine-6 et la protéine C-réactive, tandis que l’immersion dans l’eau chaude était inefficace pour réduire ces marqueurs inflammatoires.
Mes commentaires et interprétations
Cette méta-analyse n’est pas sans lacunes, mais je tiens d’abord à rappeler à quel point elle est exceptionnelle. Synthétiser les données de 99 études n’est pas une mince affaire, et son objectif (comparer 10 modalités de récupération différentes, tout en tenant compte des facteurs modérateurs) était très ambitieux.
Cette méta-analyse présente trois limites principales :
- Le fait de faciliter la vitesse de récupération ne signifie pas nécessairement que les résultats à l’entraînement seront aussi améliorés ;
- Cette méta-analyse n’a pas évalué de méthodes combinées (à l’exception du massage et des étirements, pour une raison inconnue) ;
- Les différences de conception des études rendent les comparaisons difficiles.
La première limite ne devrait pas être une surprise si vous avez lu mes précédents articles. Comme je l’ai déjà abordé sur Docteur Fitness, certaines stratégies diminuent fortement les douleurs ou réduisent l’inflammation, comme les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et l’immersion dans l’eau froide, tout en diminuant potentiellement la prise de force et/ou de muscle.
La deuxième limitation est compréhensible : si l’on avait inclus toutes les études testant les stratégies combinées, la méta-analyse serait devenue très vite trop complexe à exploiter.
La troisième limite est probablement la plus importante. La plupart des études évaluant la récupération après un entraînement ont recours à un grand nombre de séances de course, à de multiples exercices de saut ou à des entraînements excentriques intensifs, mais ces protocoles peuvent différer en termes de volume et d’intensité globale d’une étude à l’autre.
En effet, on peut raisonnablement affirmer que les effets des mesures de récupération seront plus prononcés après des protocoles d’entraînement très fatigants qui causent beaucoup de dommages musculaires, ce qui pourrait potentiellement introduire un biais statistique (si, par exemple, la plupart des études testant les effets des étirements ont fait appel à des entraînements modérés, et que la plupart des études testant les vêtements de compression ont été réalisées avec des entraînements de type Wod d’un CrossFit Game). Ceci dit, il y a probablement eu suffisamment d’études pour que les effets des différents protocoles de test s’estompent, mais cela vaut la peine de le garder à l’esprit.
Dans l’ensemble, la grande idée à retenir de cette méta-analyse est que si vous avez le temps et l’argent, ce serait probablement judicieux de programmer une séance de massage à l’avance si vous savez qu’un entraînement va occasionner une importante fatigue.
Les massages ont eu l’effet le plus important sur les DOMS, la fatigue perçue et divers marqueurs de dommages musculaires (créatine kinase et interleukine-6) à plus de 72 heures après l’entraînement. Il convient de noter que le massage avait généralement lieu immédiatement après l’entraînement dans ces études, donc dans un monde parfait, vous prendriez un rendez-vous auquel vous pourriez vous rendre juste après avoir quitté la salle de sport (mais s’il vous plaît, pour le bien de votre masseuse ou masseur, prenez d’abord une douche). Il n’est pas certain qu’un massage le lendemain de l’entraînement ait encore un effet bénéfique.
En supposant que vous n’ayez pas le temps ou l’argent pour vous faire masser fréquemment, les vêtements de compression semblent être votre prochaine meilleure option. J’en avais déjà parlé sur mon précédent décryptage d’une méta-analyse sur les vêtements de compression, ce qui n’est donc pas une surprise, mais cette méta-analyse ne comparait pas les vêtements de compression aux autres méthodes de récupération. Dans cette méta-analyse, les vêtements de compression n’ont pas atténué les DOMS ou la fatigue perçue aussi efficacement que le massage, mais ils étaient sensiblement à égalité avec la récupération active comme deuxième modalité la plus efficace pour réduire les DOMS, et ils étaient la troisième modalité la plus efficace pour réduire la fatigue perçue (derrière le massage et l’immersion dans l’eau).
Cette méta-analyse dépeint une image assez terne de la récupération active. D’une part, c’était l’une des stratégies les plus efficaces pour réduire les DOMS, mais elle a aussi légèrement augmenté la fatigue perçue 24 heures après l’entraînement en moyenne (bien que l’intervalle de confiance pour la fatigue perçue soit vraiment large). Cette méta-analyse ne fait pas non plus la part belle aux étirements : alors que les étirements continuent d’être une recommandation post-entraînement populaire (les gens affirmant qu’ils réduisent les douleurs), ils n’ont eu aucun effet sur les DOMS ou la fatigue perçue.
La dernière modalité de récupération qui mérite d’être discutée est l’immersion dans l’eau. Alors que l’immersion dans l’eau froide après l’entraînement entraîne une baisse de la croissance musculaire et des progrès en force(2), cette méta-analyse a révélé que toute température d’eau inférieure à la température du corps est efficace pour favoriser la récupération. Ainsi, si un bain glacé après l’entraînement n’est pas forcément une bonne idée, vous pouvez peut-être bénéficier des avantages de la récupération sans l’inconvénient d’entraver les gains en prenant un bain frais ou tiède après l’entraînement. Cela dépend de ce qui entrave réellement la croissance musculaire. Est-ce le froid, ou est-ce simplement l’immersion dans l’eau, indépendamment de la température ?
Un élément de discussion intéressant dans cette méta-analyse est le mécanisme d’action partagé par de nombreuses stratégies de récupération : le massage, les vêtements de compression et l’immersion dans l’eau, en particulier. Elles produisent toutes une compression, à des degrés divers, qui agit sur le flux sanguin entrant et sortant des muscles.
En fait, selon les auteurs, ces méthodes limitent l’œdème (gonflement/inflammation) dans les muscles et facilitent l’élimination des déchets et des produits dérivés du métabolisme après l’entraînement. Je suppose que le massage facilite principalement l’élimination des déchets (puisque les muscles ne sont pas comprimés assez longtemps pour entraver le flux sanguin dans le muscle), tandis que les vêtements de compression limitent principalement l’œdème et que l’immersion dans l’eau a de petits effets sur les deux côtés de l’équation du flux sanguin local.
La contention est néanmoins la seule chose qui les lie. Cela suscite un grand intérêt pour les recherches qui testent leurs effets sur la croissance musculaire et les gains de force à long terme. Si l’immersion dans l’eau froide entraîne une réduction des performances en raison de l’immersion dans l’eau elle-même (plutôt qu’en raison de l’exposition au froid), les trois stratégies peuvent théoriquement améliorer la récupération, mais réduire les adaptations à l’entraînement. Si la restriction du flux sanguin dans le muscle atténue les gains, alors le massage peut être une bonne solution, tandis que les vêtements de compression peuvent être problématiques. Si l’accélération de l’élimination des métabolites locaux atténue les gains, alors le massage peut faire plus de mal que de bien à long terme.
Maintenant, mon intuition la plus forte est que le refroidissement rapide des muscles est la raison principale pour laquelle l’immersion en eau froide entrave les gains à long terme (des tonnes de culturistes et d’athlètes de force ne jurent que par des massages réguliers, et je suppose que notre sagesse commune aurait décelé s’ils limitaient la croissance musculaire à un degré significatif), mais nous aurons besoin de plus de recherches pour en être sûrs. Je me porterais volontiers volontaire pour une étude où je recevrais des massages gratuits après chaque séance d’entraînement.
Ce qu’il faut retenir
Il peut être intéressant de se faire masser après une séance d’entraînement que vous prévoyez intense. En outre, l’achat de vêtements de compression ou la prise d’un bain frais (mais pas froid) peuvent être votre meilleure option si vous souhaitez réduire les douleurs et la fatigue perçue après l’entraînement.
Références