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Cet article est une analyse et un décryptage de l’étude suivante : Resistance training-induced changes in integrated myofibrillar protein synthesis are related to hypertrophy only after attenuation of muscle damage. Damas, Felipe, et al. The Journal of Physiology, vol. 594, no 18, 15 2016, p. 5209‑22. PubMed, doi:10.1113/JP272472.
Décryptage de l’étude
Objectif de l’expérience
Les chercheurs voulaient savoir si la synthèse protéique musculaire (SPM) était un indicateur de l’hypertrophie musculaire.
Sujets et méthodes
10 jeunes hommes non sportifs ont participé à cette étude; ils n’avaient pas effectué d’entraînement pour le bas du corps depuis 6 mois.
Les méthodes utilisées dans cette étude expliquent en grande partie l’importance des résultats. Il s’agissait d’une étude à long terme mesurant la SPM pendant une période de 10 semaines.
La majorité des recherches antérieures sur ce sujet consistaient en des analyses de courtes durées effectuées seulement 6 à 12 heures après un effort, au cours desquelles des acides aminés marqués chimiquement étaient injectés avec un cathéter et suivis pour déterminer leur vitesse de pénétration dans les muscles.
Contrairement aux recherches antérieures, les chercheurs ont fait boire de l’oxyde de deutérium (eau lourde ; ²H2O) aux participants et ont mesuré les acides aminés « deutérés » qui ont été incorporés dans les échantillons de muscle.
Par ailleurs, ils ont pris des mesures indirectes des lésions musculaires : avec des évaluations subjectives de la douleur sur une échelle de 1 à 100, le dosage de la créatine kinase (un marqueur sanguin des lésions musculaires) et la force de contraction volontaire isométrique maximale (qui tend à diminuer lorsque les lésions sont importantes). Ils ont également évalué directement les lésions musculaires en observant au microscope la ligne z (la perturbation mécanique des ponts transversaux actine-myosine) dans les biopsies.
Observations
La SPM la plus élevée s’est produite 24 heures après la première séance d’entraînement, et a commencé à baisser après les 48 heures.
Cette SPM (entre 0 et 48 heures après l’exercice) était la plus élevée après le premier entraînement comparativement aux autres séances des semaines 3 et 10, dont les résultats étaient semblables entre eux. Toutes périodes confondues (initiale, semaine 3 et 10), la SPM était au plus haut 24 heures après la première séance, puis 48 heures après. Il est intéressant de noter que lorsque la SPM propre aux lésions musculaires a été retirée (à l’aide de la formule : SPM × (100 – zone de fibres où la ligne Z était présente)/100), la SPM était identique entre les semaines 1, 3, et 10.
La douleur a été à la plus élevée 48 heures après la première séance d’entraînement (61/100), et la deuxième note la plus élevée était 24 heures après la première séance (40/100). Au cours des semaines 3 et 10, la douleur est restée faible sur toute la période (0-10/100).
Les taux de créatine kinase au cours de la première semaine étaient les plus élevés, et ils ont chuté d’environ 50 % à la troisième semaine, puis à nouveau de 50 % à la dixième semaine.
La force de contraction volontaire maximale a diminué d’environ 22 % entre 24 et 48 heures après la première séance d’entraînement, et seulement de 2 à 6 % les 24 à 48 heures après les séances de la 3ème et 10ème semaine.
La mesure directe de la ligne z au microscope a montré que les lésions musculaires les plus importantes se sont produites après la première séance d’entraînement, diminuant ensuite considérablement après les semaines 3 et 10.
À la 10e semaine, l’hypertrophie des fibres musculaires avait une différence mesurable de 14 % par rapport aux valeurs de départ.
À aucun moment, l’hypertrophie n’avait de lien avec un marqueur quelconque de lésion musculaire, directe ou indirecte. De plus, l’hypertrophie n’avait aucune relation avec la SPM après la première séance d’entraînement. En revanche, l’hypertrophie des fibres avait une forte relation (r = 0,91) avec la SPM de la 10e semaine. La section transversale des muscles a montré dans une autre étude(1) utilisant les mêmes participants qu’il n’y avait pas non plus de relation entre eux après le premier entraînement, mais une forte relation aux semaines 3 (r = 0,86) et 10 (r = 0,95). Il est intéressant de noter que la SPM initiale post-exercice était en lien avec la mesure directe des lésions musculaires 48 heures après la première séance d’entraînement (r = 0,56, p = 0,09).
Mes commentaires et interprétations
Cette étude est importante, car elle contredit une théorie selon laquelle la SPM était un bon indicateur pour prévoir l’hypertrophie musculaire.
Un deuxième revers à cette ancienne théorie vient d’une autre étude sur 16 semaines d’entraînement qui n’avait révélé aucune relation entre la SPM après la première séance et l’hypertrophie(2). À l’époque, on ne savait pas pourquoi il n’y avait pas de relation, mais cette nouvelle étude nous l’explique.
Nous savons maintenant que la SPM initiale est orientée vers la réparation des lésions musculaire, et non à la croissance du muscle. Cette découverte a été rendue possible grâce aux analyses effectuées sur plusieurs semaines contre quelques heures auparavant.
Un autre élément intéressant observé dans cette étude est qu’elle remet en question les théories sur le potentiel hypertrophique, établies lors d’études antérieures qui se basaient sur l’analyse de SPM à court terme.
Il est en fait possible qu’un grand nombre d’études antérieures de courte durée sur la SPM, qui utilisaient des participants non entraînés ou des mouvements non familiers aient été biaisées, car dans ce cas précis, une grande partie de la SPM est déclenchée en réponse aux lésions musculaires et n’est destinée pas à la croissance du muscle.
En effet, d’après les données présentées dans cette étude, la SPM peut être associée à l’hypertrophie dans les études de courte durée uniquement si les participants n’étaient pas débutants en musculation, ont exécuté des mouvements qu’ils connaissaient et sans accentuer la partie excentrique (les contractions excentriques causent les lésions plus importantes(3)).
Par ailleurs, cette étude permet de mieux comprendre le « repeated bout effect » que l’on peut traduire par l’effet de répétition des séances. Ce phénomène est caractérisé par le fait que le muscle est protégé/préparé contre les lésions musculaires lorsqu’il effectue des mouvements répétés pendant plusieurs séances consécutives(4). Et comme le démontre cette étude, les marqueurs directs et indirects des lésions musculaires ont diminué après les semaines 3 et 10.
Il faut savoir que le rôle des lésions musculaires pour l’hypertrophie a fait l’objet de nombreux débats, certains affirmant qu’il s’agissait d’un mécanisme influençant la croissance musculaire(5), tandis que d’autres prétendaient qu’il n’y avait pas de lien de cause à effet(6). Il y a donc eu une confusion compréhensible quant à savoir si l’effet de répétition des séances était une chose « bonne ou mauvaise ». Et cela change tout !
En effet, si une grande quantité de lésions musculaires sont un élément essentiel pour l’hypertrophie, il faudra éviter la répétition des entraînements et faire par exemple, constamment de nouveaux mouvements, des périodes de désentraînement volontaire, etc.
Un exemple typique : les programmes de bodybuilding qui remontent à une dizaine d’années qui préconisaient peu d’entraînement (3 jours par semaine) mais d’une intensité intersidérale pour maximiser les lésions musculaires. Cela a bien fonctionné chez certaines personnes, dont la physiologie était modifiée par la prise de substances dopantes, mais pas vraiment pour les autres.
À l’inverse, si les lésions musculaires ne sont pas un élément déterminant de l’hypertrophie, il faudra redoubler d’efforts pour s’entraîner plus régulièrement et profiter du « repeated bout effect ».
Comme le montre cette étude, la force est fortement diminuée suite aux lésions musculaires, ce qui diminue votre capacité à effectuer une surcharge progressive.
Bien que cette étude ne réponde pas définitivement à la question de savoir si les lésions musculaires sont « bonnes ou mauvaises », elle démontre qu’elles ne sont pas liées à l’hypertrophie. Cependant, on ne peut pas non plus conclure de cette étude que les lésions musculaires ont un effet négatif sur l’hypertrophie, car il semble que la SPM, après réajustement pour tenir compte des lésions, était similaire sur les trois périodes.
En effet, si les lésions avaient un effet directement négatif sur la croissance musculaire (c’est-à-dire que les efforts pour réparer le muscle diminuaient les efforts pour le construire), on aurait eu une SPM corrigée inférieure après la première séance quand les lésions étaient plus importantes.
Ce que l’on peut finalement affirmer grâce à cette étude, c’est que les lésions peuvent avoir un effet indirectement négatif sur l’adaptation musculaire, car la force a diminué d’environ 22 % durant les 48 heures après le premier entraînement (lorsqu’il y avait beaucoup de lésions musculaires), et a diminuée que de 2 à 6 % dans les 48 heures après les séances des semaines 3 et 10, grâce au repeated bout effect (peu de lésions musculaires).
Pour un(e) débutant(e), cela se traduit par la nécessité d’utiliser des mésocycles au cours desquels la charge, les efforts pour chaque série et le volume seront volontairement réduits pour commencer un programme d’entraînement.
L’augmentation du volume de travail devra être progressive pour vous permettre de vous adapter à des charges de travail plus élevées.
Conclusion
- Les études de courte durée examinant la SPM à l’aide de participants non entraînés, de mouvements inconnus ou après une longue période sans entraînement ne permettent pas d’apprécier un potentiel hypertrophique, car la SPM sera augmentée pour la réparation des lésions musculaires, et non pas pour l’hypertrophie.
- Le potentiel hypertrophique d’un protocole d’étude ne peut être évalué avec précision qu’une fois que les lésions musculaires se réduisent grâce au repeated bout effect.
- Passer à une méthode d’entraînement avec un volume ou intensité beaucoup plus élevés, par rapport à ce que vous faisiez auparavant, peut ralentir vos progrès en raison de la perte de force causée par une trop grande quantité de lésions musculaires. Ajoutez à cela l’absence de relation entre l’hypertrophie et les lésions, et nous pouvons conclure que nous ne devrions pas chercher délibérément la destruction des fibres musculaires pendant un entraînement.
Ce qu’il faut retenir
Contrairement à ce que l’on pouvait instinctivement imaginer, si l’objectif principal est de prendre du muscle, il faudra s’entraîner régulièrement et intensivement mais sans anéantir les muscles.
En effet, lorsque la quantité de lésions musculaires est trop importante, le corps se concentre sur la réparation des fibres musculaires, plutôt que sur la fabrication de plus de muscle. De plus, une perte de force est associée aux nombres de lésions musculaires, ce qui n’est pas optimal pour progresser.
L’hypertrophie musculaire à proprement parler est optimale après le « repeated bout effect », c’est-à-dire lorsque la répétition des entraînements permet de protéger les muscles contre les lésions musculaires.
Donc malheureusement (ou heureusement pour certains), cette étude confirme que d’énormes courbatures après un entraînement ne sont pas le signe d’une prise de muscle optimale.
Autres questions sur l’entraînement
Sources éditoriales et fact-checking