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La plupart des pratiquants effectuent des étirements statiques avant de soulever des charges ou du moins, ils pensent qu’ils devraient s’étirer avant de commencer leur entraînement. Cependant, de nombreuses études montrent que les étirements peuvent réduire considérablement la puissance (bien que cette baisse soit souvent exagérée(1)).
De plus, quelques études montrent que le stretching peut diminuer le nombre de répétitions que vous pouvez faire avec une charge donnée, du moins lorsque vous soulevez immédiatement après un étirement(2)(3). Puisque l’hypertrophie et la prise de force sont fortement influencées par le volume d’entraînement(4)(5)(6), on peut supposer que des étirements avant de soulever une charge réduiraient alors le développement musculaire et de prise de force.
Toutefois, alors que des études avaient montré une forte diminution des performances lorsque les exercices d’étirement étaient effectués immédiatement avant un effort important ou une action explosive, seules deux études avaient en réalité examiné les effets à long terme sur les performances.
- Une étude a montré que des femmes non entraînées qui se sont étirées immédiatement avant l’entraînement ont augmenté leur 10RM tout autant que les femmes qui ne se sont pas étirées avant l’entraînement
Les études antérieures sur la prise de force sont donc contradictoires, et aucune étude n’avait encore étudié les effets des étirements effectués immédiatement avant une séance sur l’hypertrophie ou la force mesurée sur 1RM.
Par conséquent, la présente étude que nous allons décrypter(7) visait à vérifier si les étirements statiques effectués directement avant les entraînements de musculation auraient ou non un impact négatif sur l’hypertrophie et le gain de force.
Pendant plus de 10 semaines d’entraînement, des participants non sportifs ont travaillé un quadriceps sans s’étirer au préalable, et ont travaillé l’autre quadriceps immédiatement après des étirements statiques très intenses.
Décryptage de l’étude
Objectif de l’expérience
Cette étude comportait quatre grandes questions :
- Les étirements statiques immédiatement avant un entraînement de musculation ont-ils un impact négatif sur le volume d’entraînement ?
- Est-ce que les étirements statiques effectués juste avant une séance de musculation diminuent le gain de force ?
- Est-ce que les étirements statiques pratiqués avant un effort diminuent le développement musculaire ?
- Le stretching statique juste avant un entraînement permet-il une augmentation plus importante de souplesse ?
Participants et méthodes
Participants
Les personnes étudiées étaient 9 hommes non sportifs, qui ont dû réaliser des extensions unilatérales de jambes pour l’entraînement et les tests.
Programme d’entraînement
Après des tests initiaux, les jambes de chaque participant ont été assignées au hasard à un des deux protocoles d’entraînements (c’est-à-dire qu’une jambe a fait un type de travail et l’autre en a fait un autre) :
- Entraînement avec résistance (RT)
- Entraînement avec résistance après étirement statique (FLEX-RT).
Le protocole RT consistait en 4 séries d’extensions unilatérales de la jambe jusqu’à l’échec à 80 % de 1RM avec 90 secondes entre les séries, deux fois par semaine. Le protocole FLEX-RT était identique. Cependant, avant chaque série, la jambe assignée au protocole FLEX-RT était soumise à des étirements du quadriceps assistés par un partenaire : 2 séries d’étirements de 25 secondes, avec 60 secondes entre chaque étirement.
Sur une échelle de 0 à 10 où 0 correspond à “aucune douleur” et 10 à “douleur maximale”, les étirements se situaient entre 8 et 10. En d’autres termes, ce fut des étirements très intenses. La première série d’extensions de jambe commençait 30 secondes après la fin de la deuxième série d’étirement.
Les participants ont alterné les jambes avec lesquelles ils commençaient chaque jour. Par exemple, le premier jour d’entraînement de chaque semaine, ils faisaient les 4 séries avec la jambe RT puis ils continuaient avec la jambe FLEX-RT, en inversant l’ordre pour le deuxième jour, etc. De cette façon, les participants ne s’entraînaient pas toujours avec la même jambe quand ils étaient déjà un peu fatigués.
Le programme a duré 10 semaines. À la semaine 5, ils ont retesté leur 1RM pour ajuster la charge d’entraînement (c’est-à-dire qu’ils se sont entraînés avec la même charge pendant les 5 premières semaines et une charge plus lourde pendant les 5 semaines suivantes, et ont simplement essayé d’augmenter le nombre total de répétitions chaque semaine).
Les mesures avant et après l’étude
Pour tester l’évolution de l’hypertrophie et de la souplesse, 10 semaines avant le début de l’étude, on a mesuré par échographie la dimension transversale du muscle vaste latéral (au niveau de sa portion la plus épaisse) et évalué la flexion maximale du genou.
Les participants étant non sportifs, ils ont aussi effectué deux séances de découverte de l’exercice d’extension de jambe. Après avoir été familiarisés au mouvement, ils ont testé leur 1RM à deux reprises; le premier test de 1RM a été effectué deux jours après la dernière séance de découverte, et le second test de RM trois jours après.
Dix semaines plus tard, juste avant le début de I’étude, ils ont de nouveau passé un test de 1RM. Tous les tests ont été effectués deux fois pour vérifier la fiabilité des mesures et les erreurs moyennes des résultats.
Les entraînements ont commencé après la fin de tous les tests initiaux.
Après la cinquième semaine d’entraînement, ils ont re-testé les 1RM.
Pour finir, après la dixième semaine, ils ont re-testé les 1RM, et refait une mesure du muscle vaste latéral et un test d’amplitude de flexion.
Résultats de l’étude
Volume d’entraînement
Le nombre total de répétitions effectuées et le volume d’entrainement (séries x répétitions x charge) étaient d’environ 15 à 20 % plus élevés avec le protocole RT par rapport au FLEX-RT. Comme prévu, les étirements juste avant l’exercice ont diminué le volume d’entraînement en faisant le même nombre de séries et en allant jusqu’à l’échec à chaque fois (voir tableau ci-dessous).
Gains de force
Les gains en force (augmentation du 1RM unilatéral avec l’extension de jambe) étaient sensiblement équivalents avec la jambe RT et FLEX-RT : 12,7 ± 7,4 % pour la RT contre 12,9 ± 8,1 % pour FLEX-RT (voir tableau ci-dessous). Dans les deux cas, il y a eu de fortes augmentations.
Hypertrophie
Le muscle vaste latéral s’est davantage développé sur les jambes ayant suivi le protocole RT que sur les jambes FLEX-RT : 12,7 ± 7,2 % contre 7,4 ± 3,7 % (voir tableau ci-dessous).
Flexibilité
L’amplitude maximale de flexion du genou a augmenté de façon significative avec le protocole FLEX-RT (10,1 ± 5,8 %), mais pas avec les jambes RT (2,1 ± 6,5 %). C’est ce que l’on peut voir sur le tableau ci-dessous.
En détail
- Les neuf personnes ont eu des augmentations plus importantes de l’amplitude maximale de flexion du genou avec le protocole FLEX-RT par rapport au protocole RT.
- Cinq personnes ont eu des gains de force plus importants avec leur jambe FLEX-RT, tandis que quatre ont eu des gains de force plus importants dans leur jambe RT.
- Seulement huit participants ont pu faire mesurer la taille de leur muscle vaste latéral après l’étude. Parmi ces huit, sept d’entre eux ont eu des augmentations de l’hypertrophie plus importantes au niveau de leur jambe RT, tandis qu’un seul a eu une augmentation plus importante sur la jambe FLEX-RT.
Mes commentaires et interprétations
Dans cette étude, les hommes non sportifs ont gagné plus de muscle quand ils ne s’étirent pas avant de faire leur entraînement. Cependant, les étirements étaient bénéfiques pour améliorer l’amplitude des mouvements, et ils ne réduisaient pas la prise de force.
Ce sont là les principales observations, mais il y a quelques subtilités à comprendre.
Avant de penser que cette étude prouve que les étirements sont mauvais pour l’hypertrophie, mais qu’ils n’affectent pas la force, il y a quelques points à garder à l’esprit :
Concernant l’hypertrophie, les chercheurs ont mesuré la section transversale du vaste latéral au milieu de la cuisse. Cependant, il est possible que ce seul point dans le muscle ne révèle pas exactement la réalité en matière d’hypertrophie.
De nombreuses recherches montrent que différents exercices peuvent provoquer l’activation de différentes régions d’un muscle et peuvent entraîner des réponses d’hypertrophie différentes dans différentes régions d’un muscle(8).
Puisque nous savons que les étirements peuvent affecter de façon importante les propriétés mécaniques d’un muscle, il est possible que les étirements avant entraînement aient modifié la façon dont le stress est réparti dans le muscle, ce qui pourrait affecter le lieu où l’hypertrophie se produit. La mesure de l’hypertrophie dans plusieurs régions différentes ou (encore mieux) le volume musculaire complet permettrait d’obtenir une meilleure information.
Ceci dit, puisque le volume d’entraînement était plus faible après étirement, je pense qu’il est très probable que cela a réduit le taux de croissance musculaire. Pour en être sur, il faudrait tout de même que ce facteur soit confirmé par une étude qui mesure le volume musculaire entier plutôt qu’en un point précis.
Pour le timing des étirements, je trouve qu’il y a aussi une limite à ce protocole. Les étirements statiques immédiatement avant l’exercice diminuent les performances (force, puissance, répétitions avec une charge donnée). Cependant, au moins pour la force et la puissance, nous savons qu’attendre 10 minutes entre l’étirement et l’effort peut annuler ces diminutions de performance(9), tout comme des étirements dynamiques(10)(11).
De plus, les diminutions du volume d’entraînement observé dans cette étude ne s’appliquent pas vraiment avec un scénario réel… à moins que vous fassiez des étirements immédiatement avant une série, et ce à chaque série. De plus, il a récemment été démontré que les étirements seuls entraînent indépendamment une hypertrophie(12), de sorte que les étirements effectués les jours de repos ou après un entraînement sont peut-être bénéfiques pour la croissance musculaire.
Par ailleurs, l’intensité des étirements dans cette étude peut avoir joué un rôle plus important que le simple fait de s’être étiré. Les étirements n’ont duré que 50 secondes, mais ils ont été évalués entre 8 et 10 sur une échelle de 0 à 10, où 10 représente une “douleur maximale”, ce qui peut induire une réaction inhibitrice et protectrice qui a compromis la performance. Une étude récente(13) a révélé que les étirements de moins de 60 secondes ont tendance à ne pas avoir d’effet significatif sur la performance, il est donc étonnant de constater ici une diminution aussi marquée des performances.
D’autre part, lorsque vous entraînez un côté de votre corps, l’autre côté a tendance à devenir également plus fort(14). C’est ce qu’on appelle le transfert bilatéral. Le protocole expérimental utilisé dans cette étude est excellent pour évaluer l’hypertrophie. Cependant, pour évaluer la force, le transfert bilatéral brouille tout. Peut-être que le TR était plus efficace pour prendre de la force, mais les jambes FLEX-RT ont reçu un coup de pouce via le transfert bilatéral qui a réduit la différence (ou vice versa). Dans l’ensemble, les résultats d’hypertrophie avec ce type de dispositif sont très fiables, mais il faut prendre les résultats sur la force avec des pincettes.
Conclusions
Comme on s’en doutait, les étirements statiques ne sont pas la meilleure façon de s’échauffer avant une séance d’entraînement. Cette étude rajoute une pièce supplémentaire pour appuyer ce principe : si vous les faites immédiatement avant l’entraînement, cela peut compromettre le volume d’entraînement et probablement réduire le taux de croissance musculaire.
Cependant, les étirements statiques peuvent encore avoir leur utilité. Ils augmentent de façon significative la flexibilité et l’amplitude des mouvements, et peuvent même déclencher une croissance musculaire(15). Cela dit, si vous voulez faire des étirements statiques, vous devriez les réserver pour votre après séance, les jours fériés, ou vous devriez les faire assez longtemps avant votre entraînement pour que cela n’affecte pas de façon négative les performances pendant votre séance.
Étapes suivantes
Les prochaines études devraient examiner plusieurs groupes de personnes (c’est-à-dire voir si ces résultats s’appliquent à des personnes bien entraînées), utiliser des mesures de la taille des muscles qui donnent une meilleure idée de leur croissance (pas seulement une simple section), et vérifier si le moment où les étirements sont effectués ont des effets similaires (après l’entraînement ou pendant les jours de repos).
Ce qu’il faut retenir
Si vous voulez augmenter simultanément votre force et votre flexibilité, les étirements statiques avant votre entraînement ne posent aucun problème. Mais ne comptez pas sur eux pour améliorer vos performances.
En revanche, si vous vous entraînez pour prendre du muscle, ne faites pas d’étirements statiques immédiatement avant de faire vos séries. Faites plutôt vos séances de stretching en fin de séance ou pendant les jours de repos.
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Sources éditoriales et fact-checking