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Les squats avec la safety bar ont été popularisés par Fred Hatfield dans les années 80, et ils ont gagné en popularité à la fin des années 90 et au début des années 2000 avec le soutien de Louie Simmons. Bien qu’elles soient populaires dans les salles de musculation depuis plus de 20 ans, les safety bars (barres de sécurité en français) sont passées inaperçues dans les milieux scientifiques. Elles sont si peu étudiées que l’étude examinée est l’une des seules actuellement disponibles.
Dans la présente étude que nous allons décrypter(1), les chercheurs ont demandé à des powerlifters de tester leur 3RM au squat avec une barre classique et une “barre de sécurité”.
Les chercheurs ont ensuite évalué les différences de trajectoire (amplitude des mouvements des articulations et position du corps) et d’EMG (pour étudier l’activation musculaire) entre les deux versions.
Décryptage de l’étude
Objectif de l’expérience
Le but de cette étude était de comparer la force, l’activation musculaire et l’amplitude de mouvement avec le squat barre derrière classique (back squat) et le squat arrière avec une barre de sécurité (safety bar).
Participants et méthodes
Participants
Les participants étaient 12 powerlifters (huit hommes et quatre femmes) qui s’étaient déjà entraînés avec la barre de sécurité. Pour plus de détails, voir le tableau suivant.
Méthodes
Cette étude s’est déroulée sur trois séances, avec au moins une semaine de repos entre les séances. Dans les deux premières séances, les sujets ont travaillé jusqu’à 3RM avec la barre classique ou avec la barre de sécurité. Lors de la troisième séance, les participants ont effectué 3 séries de 5 répétitions avec 75 % de leur 3RM en utilisant les deux barres.
- Les participants étaient autorisés à choisir leur propre position des pieds, mais devaient utiliser la même largeur pour les deux styles de squat.
- Toutes les répétitions devaient être effectuées à la profondeur réglementaire du powerlifting.
- Pendant les flexions avec la barre de sécurité, on a demandé aux participants de ne pas pousser les poignées vers le haut.
- Toutes les répétitions ont été effectuées avec des électrodes EMG sur les trapèzes supérieur, moyen et inférieur, les érecteurs spinaux, les dorsaux, le muscle droit de l’abdomen, les obliques, les ischio-jambiers, le quadriceps, les muscles gastrocnémiens et les fessiers.
- Les sujets ont également été équipés de marqueurs réfléchissants pour analyser la trajectoire.
Résultats de l’étude
Les participants ont effectué un squat avec une barre classique 11,3 % plus lourd qu’avec la barre de sécurité (en moyenne).
Les abdominaux, les ischio-jambiers, le vaste externe des quadriceps, les trapèzes supérieurs et l’EMG des gastrocnémiens interne étaient significativement plus sollicités pendant le squat classique.
En revanche, l’activation des trapèzes inférieurs était significativement plus importante avec le squat et la barre de sécurité.
La flexion maximale de la hanche, de la cheville, le déplacement vers l’avant du genou et l’inclinaison vers l’avant étaient significativement plus importants avec le squat classique.
Il n’y avait pas de différences significatives au niveau des muscles fessiers, du vaste interne, du muscle droit fémoral, des muscles érecteurs du rachis, des dorsaux, des trapèzes moyens ou de l’EMG des obliques. Il n’y avait pas non plus de différence significative dans la flexion maximale du genou.
Pour représenter graphiquement les résultats, j’ai mis à l’échelle toutes les variables en fonction de la valeur la plus élevée entre les différentes modalités.
Mes commentaires et interprétations
Il y a deux ou trois choses qui m’ont intéressé au sujet de ces résultats.
Le fait que la safety bar ait entraîné des valeurs d’EMG inférieures pour le muscle droit de l’abdomen (abdos) et du trapèze supérieur m’a surpris ; en supposant que l’EMG soit associé à l’état ressenti après un entraînement, j’aurais imaginé un EMG au-dessus pour ces deux zones musculaires. En effet, mes trapèzes supérieurs et mes abdos sont toujours défoncés le lendemain d’une séance de squats avec la safety bar.
J’ai également été surpris que l’EMG des muscles des jambes soit beaucoup plus faible pendant les flexions avec la barre de sécurité. Au premier abord, cela peut sembler logique : la charge absolue était moins importante avec la barre de sécurité, donc les valeurs de l’EMG devaient aussi être plus faibles.
Cependant, les charges moyennes utilisées étaient de 109,8 kg pour les squats avec safety bar et de 123 kg pour les squats classiques. Le powerlifter pesait en moyenne 88,1 kg, et lorsque vous squattez, vous déplacez également votre masse corporelle.
Ainsi, la différence totale de charge était d’environ 197,8 par rapport à 211,1 kg. Cela signifie que la différence dans la charge totale n’était que d’environ 6,3 %, et non de 11,3 %. Cependant, les différences moyennes de l’EMG pour les ischio-jambiers et le muscle vaste latéral étaient de 10,2 à 20,6 %, ce qui est plus important que ce à quoi on pourrait s’attendre en se fondant uniquement sur les différences de charge.
Nous disposons également de quelques études comparant les squats arrières et les squats avant, qui ont montré que les différents EMG du bas du corps entre les squats avant et arrière (qui ont également pour particularité une charge portée différemment) sont soit faibles(2) soit inexistantes(3)(4). Je me demande donc si les différences de l’EMG dans cette étude peuvent être partiellement attribuables aux différences de confort et de maîtrise technique entre les deux barres.
Au fur et à mesure que vous apprenez un nouvel exercice, l’EMG tend à augmenter à mesure que la coordination musculaire s’améliore.
De plus, la différence dans les 3RM suggère que quelques participants ne possédaient pas une bonne maîtrise avec les squats avec la safety bar.
Les chercheurs ont également signalé des différences de 2,4 à 18,9 % entre la barre de sécurité et la barre classique aux 3RM. Je suis persuadé que les personnes qui sont vraiment habituées à utiliser une barre de sécurité ne squattent pas près de 20% de moins avec une safety bar qu’avec une barre classique. Il est donc plausible que certains des résultats de l’EMG puissent être attribuables à des différences d’expérience et de compétence entre les deux types de barres.
Le fait que la barre de sécurité ait également conduit à un EMG des abdominaux inférieurs suggère également que les pratiquants ont peut-être été moins efficaces pendant les squats avec la safety bar, ce qui confirme qu’au moins quelques-uns des participants ne possédaient pas une grande aisance avec ce type de squat.
Dans toute étude sérieuse, il faut se poser la question suivante : “Est-ce que tout cela a une influence sur l’adaptation des entraînements à long terme ?”
Les auteurs de cette étude suggèrent qu’en raison de la baisse de l’EMG des quadriceps, des ischio-jambiers et des abdominaux, “les squats avec safety bar sont moins efficaces que les squats standards pour augmenter la force du bas du corps”.
Je ne partage pas cet avis.
Une étude de Meldrum et DeBeliso publiée il y a quelques mois a examiné les adaptations à l’entraînement après neuf semaines de squat avec une barre classique et une safety bar(5).
L’étude a été réalisée sur des joueurs de baseball et a analysé les évolutions de la force au squat (le groupe safety bar n’a testé la force qu’avec la safety bar avant et après, et le groupe barre de contrôle a testé la force avec une barre classique avant et après), le saut vertical et le sprint.
Les deux groupes ont augmenté la hauteur du saut vertical de façon similaire (+1,9 cm pour le groupe barre classique et +2,9 cm pour le groupe safety bar), les deux groupes ont enregistré des diminutions faibles et non significatives des temps de course (-0,07 seconde pour le groupe barre classique et -0,08 seconde pour le groupe safety bar) et les deux groupes ont augmenté leur capacité au squat (+29,9 kg pour le groupe barre classique et +40,3kg pour le groupe safety bar).
En fait, la force a augmenté considérablement plus dans le groupe safety bar, mais elles étaient aussi un peu plus faibles au début de l’étude, donc cela ne vaut probablement pas la peine de s’y attarder (une grande partie de leurs gains de force peut avoir été due aux effets d’apprentissage).
Cela renforce ma conviction que les adaptations à long terme ne diffèrent probablement pas beaucoup entre les deux types de barres, malgré les grandes différences observées dans les EMG de l’étude de Hecker et al.
L’un des arguments avancés par les auteurs de cette étude était que, puisque les safety bars permettent de maintenir une posture plus verticale, elles sont potentiellement plus sûres pour le bas du dos.
Je suis cependant sceptique face à cet argument.
Si la position du centre de gravité de la barre est inchangée, alors oui, un squat plus vertical peut réduire le stress sur le bas de votre dos. Cependant, comme la barre de sécurité déplace le centre de gravité de la barre vers l’avant, je pense que les forces exercées sur la colonne vertébrale seraient assez semblables à celles qui s’exercent lors du squat classique.
En d’autres termes, si vous n’étiez pas plus droit, le squat avec safety bar pourrait conduire à des forces plus importantes sur la colonne vertébrale.
De plus, une grande partie de la force “ressentie” de votre colonne vertébrale pendant l’exercice n’est pas directement attribuable à une charge externe. C’est plutôt le résultat de la contraction des muscles qui entourent la colonne vertébrale.
Dans cette étude, l’EMG de l’érecteur spinal était le même pour les deux styles de squat, ce qui suggère que les forces sur la colonne vertébrale étaient similaires. Il est possible que les squats avec safety bar soient plus sûrs s’ils entraînent une flexion lombaire moindre (ce qui est tout à fait possible, car ils nécessitent en moyenne moins de flexion de la hanche), mais cela n’a pas été évalué dans cette étude.
J’ai entendu des témoignages anecdotiques selon lesquels les squats avec safety bars sont plus confortables pour les personnes ayant des problèmes de dos, et j’ai également entendu des témoignages anecdotiques selon lesquels ils seraient plus douloureux que ceux effectués avec une barre classique.
Je pense qu’il est plausible que les squats avec safety bar modifient suffisamment la mécanique du mouvement pour agir différemment sur la colonne vertébrale (parfois pour le mieux, parfois pour le pire) pour certaines personnes, mais mon hypothèse est qu’ils ne sont pas meilleurs en soi pour la santé lombaire.
Finalement, je pense que le principal avantage des safety bars est qu’elles permettent aux personnes ayant des limitations de mobilité de squatter sans problème.
Autres questions sur l’entraînement
Sources éditoriales et fact-checking