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Avec l’augmentation considérable du nombre de cas d’obésité, nous sommes de plus en plus intéressés aux effets amincissants des plantes et des épices que nous consommons. De nombreuses variétés de végétaux contiennent des substances bioactives appelées phytochimiques qui peuvent avoir un grand nombre d’effets physiologiques distincts(1), dont beaucoup sont bénéfiques pour les maladies chroniques modernes.
Parmi les substances aux propriétés bioactives les plus étudiées présentes dans les aliments, citons la curcumine(2) (dans le curcuma), l’épigallocatéchine-3-gallate(3) (EGCG, dans le thé vert), et le resvératrol(4) (dans le vin), entre autres. Ces substances, ainsi que quelques autres, sont illustrées dans le schéma ci-dessous.
Par exemple, il a été démontré que l’EGCG(5) diminue l’accumulation de graisse corporelle chez les souris en entraînant une diminution des apports caloriques et une augmentation de l’oxydation des graisses. Des effets similaires ont été observés pour la curcumine(6)(7) et d’autres polyphénols végétaux, suggérant une possible utilité thérapeutique pour le traitement de l’obésité et des maladies associées.
Les substances phytochimiques, comme leur nom l’indique, sont des substances chimiques présentes dans les plantes (“phyto” signifiant “plante” en grec). Dans les recherches sur la nutrition, on les appelle communément les substances qui ont des effets physiologiques sur le corps.
Ces substances sont classées selon leur structure chimique et sont composées entre autres de polyphénols, d’alcaloïdes et de caroténoïdes(8). En raison du très grand nombre d’espèces végétales consommées par l’homme, de nombreux types de composés phytochimiques sont présents dans un régime varié. Certaines données(9) suggèrent que la consommation de ces substances chimiques dans les aliments bruts est meilleure que sous une forme isolée ou sous forme de complément alimentaire, en raison des interactions entre elles.
Étant donné qu’il existe environ 8 000 substances phytochimiques dans les aliments, leur effet devrait être étudié en tenant compte de la combinaison des aliments plutôt que sous forme de complément isolé. Il est très probable que leur effet dans des conditions normales de repas diffère de ce qui est observé lors d’études de molécules isolées.
La cannelle est une épice couramment utilisée qui contient des substances aux effets prometteurs sur la santé. L’épice cannelle est obtenue à partir de l’écorce de différentes espèces de Cinnamomum, et est riche en quatre composés spécifiques(10) : acide cinnamique, cinnamaldéhyde, eugénol et coumarine. Ces derniers ont montré des vertus particulières sur plusieurs plans. Par exemple, l’eugénol(11) et le cinnamaldéhyde(12) ont des propriétés anti-inflammatoires in vitro, de même qu’avec des modèles animaux dans certaines études(13). Ces composés semblent également avoir des effets antimicrobiens contre certaines bactéries(14).
Par ailleurs, dans un contexte d’obésité et de troubles métaboliques (et en plus de ses effets anti-inflammatoires), il existe également des résultats prometteurs en faveur de la supplémentation en cannelle. Chez les personnes en bonne santé, la supplémentation en cannelle a un impact positif sur la sensibilité à l’insuline et la régulation de la glycémie(15), ce qui suggère son utilité en cas de résistance à l’insuline induite par l’obésité. De plus, le cinnamaldéhyde peut stimuler directement la thermogenèse(16) dans les cellules adipeuses humaines, et l’extrait de cannelle peut réduire la lipogenèse(17), induire la formation de tissus adipeux bruns(18), modifier la composition du microbiote intestinal et augmenter l’intégrité de la barrière intestinale(19).
En raison de ces observations préliminaires, la consommation de cannelle (soit dans le cadre de l’alimentation en tant qu’épice, soit en tant que supplément) pourrait être bénéfique pour le traitement de l’obésité. Cependant, malgré la quantité de données sur les mécanismes et les modèles animaux, les études sur l’homme concernant le poids ou la masse graisseuse ont montré un effet faible(20) ou nul(21) par rapport au placebo. Ainsi, les auteurs de la présente étude ont réalisé une analyse systémique et une méta-analyse dose-réponse des essais randomisés contrôlés (ERC) disponibles afin d’évaluer les effets de la supplémentation en cannelle sur le poids de corps, l’indice de masse corporelle, le tour de taille et le pourcentage de masse grasse chez les adultes en surpoids et obèses.
Qui et quoi a-t-il été étudié ?
Cette analyse systémique et cette méta-analyse(23) ne comprenaient que des essais randomisés contrôlés par placebo portant sur les effets d’une supplémentation en cannelle sur le poids de corps, l’IMC, le tour de taille et le pourcentage de graisse corporelle chez les adultes. Tous les types de cannelle ont été utilisés, mais la cannelle devait être administrée seule. L’étude était conforme à la déclaration PRISMA, mais n’était pas préenregistrée.
Un total de 12 études étaient éligibles et incluses dans la méta-analyse : 10 portant sur le poids de corps, 11 sur l’IMC, 4 sur le tour de taille et 5 sur le pourcentage de graisse corporelle. La plupart des études ont été réalisées en Iran (n=7), deux aux États-Unis, une au Royaume-Uni, une en Israël et une en Inde. Les programmes duraient de 8 à 16 semaines et utilisaient de 1 à 10 grammes de cannelle par jour (en moyenne 1,5 g ; le plus souvent 500 mg trois fois par jour).
Au total, 786 participants en surpoids ou obèses (IMC compris entre 27,6 et 33,6) ont été impliqués dans les études. Toutes les études, à l’exception d’une seule, concernaient des personnes présentant une comorbidité, notamment un diabète de type 2 (sept études), un syndrome des ovaires polykystiques (deux études), un syndrome métabolique (une étude) et un prédiabète (une étude).
Quels ont été les résultats de cette étude ?
La supplémentation en cannelle a entraîné une réduction plus importante du poids corporel (-1,02 kg), de l’IMC (-0,51), du tour de taille (-2,4 cm) et du pourcentage de graisse corporelle (-1,02%) par rapport au placebo. Une variabilité élevée a été observée pour tous les résultats. Des analyses en sous-groupes ont révélé la cause de cette variabilité pour le poids de corps, l’IMC et le pourcentage de graisse corporelle, mais pas pour le tour de taille. Les paramètres clés sont présentés dans le tableau ci-dessous.
La relation dose-effet a révélé une corrélation non linéaire entre la dose de cannelle et le poids corporel, ainsi qu’avec le tour de taille, les effets les plus importants étant observés à des doses de 1,5 g par jour, les effets les plus faibles étant observés en moyenne à des doses supérieures et inférieures à cette quantité.
Que nous dit vraiment cette étude ?
Les résultats de cette étude suggèrent que la supplémentation en cannelle réduit le poids de corps, l’IMC, le pourcentage de graisse corporelle et le tour de taille chez les adultes en surpoids et obèses, l’effet spécifique dépendant de la population étudiée et de la dose utilisée. Malgré leur hétérogénéité, les résultats des analyses en sous-groupes ont montré une tendance similaire pour toutes les mesures.
Les études incluses dans la méta-analyse ont toutes été réalisées sur des personnes présentant une comorbidité quelconque incluant la résistance à l’insuline ou intolérance au glucose. En raison de ses effets sur la régulation glycémique(24), une supplémentation en cannelle chez ces personnes semble judicieuse.
Cependant, les effets bénéfiques de la cannelle sur le contrôle de la glycémie ne semblent pas être limités aux seuls individus présentant des troubles métaboliques, car il a été démontré qu’une supplémentation de 3 g de cannelle par jour(25) améliorait la tolérance au glucose chez des personnes en bonne santé. Il est important de relever que ces améliorations ont disparu deux jours seulement après l’arrêt de la supplémentation, ce qui révèle un effet rapide de la supplémentation et non pas un changement physiologique durable.
Par ailleurs, l’association de la cannelle à un repas riche en glucides réduit considérablement la glycémie post-prandiale(26) (un effet qui persiste jusqu’à 12 heures(27)) chez des personnes en bonne santé. Qui plus est, les composés de la cannelle semblent moduler spécifiquement les voies cellulaires impliquées dans la signalisation de l’insuline(28) et l’absorption du glucose(29), réduisant ainsi la réponse glycémique après un repas.
En bref, la cannelle semble réduire les fluctuations de la glycémie au cours de la journée, suggérant que sa supplémentation pourrait contribuer(30) à réguler l’appétit et donc l’apport calorique, permettant ainsi une perte de poids.
Aucune des études de la méta-analyse ne comportait de modération diététique ; les participants avaient la possibilité de continuer à suivre leur régime habituel et, dans certains cas, des conseils diététiques étaient prodigués aux participants des groupes d’intervention et de contrôle (les participants n’étaient pas soumis à un régime hypocalorique).
De ce fait, la plupart des études ne rapportent aucune donnée diététique et seules quelques-unes rapportent des données issues de questionnaires sur la fréquence des repas. Bien que ces questionnaires soient sujets à des erreurs(31), l’absence de données correspondantes n’exclut pas une éventuelle diminution volontaire de l’apport calorique grâce aux suppléments de cannelle.
Néanmoins, en supposant que les participants n’aient effectivement pas réduit leur apport calorique, un autre mécanisme par lequel la cannelle pourrait favoriser la perte de poids est l’inhibition(32) des enzymes pancréatiques et intestinales qui dégradent les glucides, réduisant ainsi l’absorption du glucose (ce qui contribue probablement aussi à ses effets sur la glycémie décrits plus haut). Cela pourrait également expliquer la relation dose-effet observée dans la méta-analyse, montrant un pic dans la réponse qui pourrait correspondre à la dose maximale nécessaire pour l’inhibition de ces enzymes in vivo.
Cependant, comme il y avait peu de données, ces résultats doivent être pris avec précaution, d’autant plus que des effets plus faibles ont également été observés pour des quantités supérieures à 1,5 g par jour. Il reste donc possible que cette courbe dose-effet soit due à des perturbations plutôt qu’à un effet réel. Enfin, la supplémentation en cannelle pourrait également améliorer le poids et la masse graisseuse en raison de son effet sur le métabolisme des lipides, comme décrit dans l’introduction.
Il s’agit de la première étude à analyser le sujet de manière systémique, et elle vient donc s’ajouter aux publications sur les effets bénéfiques possibles de la cannelle en matière de santé. Cependant, comme toutes les études ont été réalisées sur des personnes présentant une intolérance au glucose, l’extrapolation à des personnes en bonne santé est limitée. À cet égard, il convient de souligner que l’effet des médicaments consommés par les participants dans les études incluses n’a pas été évalué dans cette analyse.
C’est une limite, car ces médicaments peuvent modifier la réponse d’un agent insulino-sensibilisateur (comme la cannelle) et contribuer à l’hétérogénéité. En outre, une seule étude avait une durée de plus de trois mois (quatre mois), de sorte que les effets à long terme de la prise ou de la supplémentation en cannelle ne sont pas encore connus. Enfin, tous les effets étaient assez faibles, ce qui suggère qu’en l’absence de restriction calorique, la cannelle seule pourrait ne pas avoir un effet significatif sur le plan clinique.
Mes commentaires et interprétations
Bien que les résultats de cette méta-analyse suggèrent un effet minime de la cannelle sur la perte de poids et la masse grasse, les effets de la supplémentation en cannelle pourraient être négligeables s’ils sont associés à d’autres stratégies comme une restriction calorique et la pratique d’une activité physique, dont on sait qu’elles favorisent la perte de poids et la sensibilité à l’insuline. Seules deux études (incluses dans la méta-analyse actuelle) ont analysé la supplémentation en cannelle associée à une activité sportive et celles-ci n’ont pas mis en évidence d’effet significatif sur le poids de corps, même si, en raison de la petite taille de l’échantillon, elles étaient probablement trop peu puissantes. Quoi qu’il en soit, nous ne disposons pas encore de données sur les effets de la cannelle dans une situation de réduction calorique.
Il est important de noter que la biodisponibilité des différents composés présents dans les aliments à base de plantes varie. Si leur mécanisme d’action se produit dans tout le corps, le composé doit être absorbé et distribué aux tissus avant de pouvoir exercer ses effets. De plus, ces composés peuvent être métabolisés et donc inactivés, ce qui réduit leur biodisponibilité, même lorsqu’ils sont facilement absorbés. Dans le cas des substances présentes dans la cannelle, les données(33) recueillies chez le rat montrent que le cinnamaldéhyde a une biodisponibilité de 20% seulement par voie orale et qu’il est rapidement oxydé. Ce phénomène est similaire à celui observé avec un autre polyphénol célèbre, le resvératrol, qui est rapidement métabolisé(34) après avoir été absorbé et présente donc également une très faible biodisponibilité(35). Toutefois, comme l’un des mécanismes d’action proposés pour la cannelle est d’agir dans l’intestin, la biodisponibilité pourrait ne pas être aussi déterminante pour ses effets.
Si des facteurs tels que le microbiote intestinal et les enzymes digestives peuvent influencer la biodisponibilité d’un composé, la matrice alimentaire joue également un rôle majeur(36). Par conséquent, le contexte dans lequel le composé phytochimique spécifique est consommé peut conditionner ses effets potentiels. Par exemple, la biodisponibilité de la quercétine, un puissant antioxydant présent dans les fruits et légumes et associé à une réduction du risque cardiovasculaire, est fortement augmentée en présence de graisses alimentaires(37). De surcroît, l’interaction entre les substances phytochimiques peut modifier leurs effets(38) contrairement à lorsqu’elles sont consommées de façon isolée, car certaines substances phytochimiques peuvent augmenter l’absorption(39) ou réduire la dégradation d’autres substances phytochimiques. Enfin, la transformation des aliments peut également modifier la disponibilité et l’activité des substances phytochimiques. Par exemple, la cuisson augmente la biodisponibilité du lycopène, un antioxydant présent dans les tomates(40).
Outre les interactions avec les macronutriments ou d’autres composants de la matrice alimentaire, il peut y avoir un effet additif ou synergique avec d’autres substances. Par exemple, la cannelle et l’acide acétique (vinaigre) semblent avoir des effets additifs(41) sur la glycémie post-prandiale et la satiété. Ainsi, il pourrait y avoir une différence majeure entre le fait de consommer une salade riche en composés phytochimiques sans vinaigrette et celle de la consommer avec une vinaigrette contenant des matières grasses et du vinaigre. Pour ces raisons, il est nécessaire de poursuivre les recherches sur la biodisponibilité et les effets physiologiques des substances phytochimiques consommées à partir d’aliments complets.
La consommation de cannelle a-t-elle des effets indésirables ?
Les différentes sortes de Cinnamomum ont des proportions différentes de composés bioactifs, dont la coumarine(42), qui peut être toxique pour le foie et favoriser le développement du cancer. La concentration de coumarine dépend de la source et de l’espèce de cannelle : la cannelle chinoise (Cinnamomum cassia) contient une quantité élevée de coumarine(43), alors que la cannelle de Ceylan (Cinnamomum zeylanicum) en contient beaucoup moins. Des études ont montré que la cannelle commercialisée dans plusieurs pays comme l’Allemagne(44), l’Italie(45) et les États-Unis(46), est composée principalement de cannelle de casse (aussi appelé cannelier de Chine), qui a une teneur élevée en coumarine. En France, les deux sont présentes. Pour vérifier l’origine de votre cannelle, il suffit de lire l’étiquette alimentaire.
Ce qu’il faut retenir
La cannelle contient des molécules bioactives qui possèdent des propriétés anti-inflammatoires et antimicrobiennes, ainsi que des effets favorisant la sensibilité à l’insuline dans les cultures cellulaires et les modèles animaux. De plus, des études sur des modèles animaux utilisant un extrait de cannelle ont montré une réduction de la masse graisseuse et de l’accumulation de lipides, ainsi que des effets bénéfiques directs sur les cellules graisseuses. De ce fait, la cannelle pourrait être une solution prometteuse pour lutter contre l’obésité, mais les données sur les humains sont rares et divergentes. L’étude actuelle a entrepris une méta-analyse d’essais randomisés contrôlés évaluant l’effet de la cannelle sur le poids de corps et la masse graisseuse chez des participants en surpoids et obèses.
La supplémentation en cannelle a réduit le poids et la masse graisseuse, en particulier chez les adultes jeunes et obèses. Cependant, toutes les études incluses ont été réalisées sur des participants résistants à l’insuline, sans restriction calorique et à court terme. Il est possible que l’effet soit moins important lorsque d’autres mesures liées au mode de vie, telles que la pratique d’une activité physique et un régime hypocalorique, sont mises en œuvre, ainsi que si l’on tient compte de la biodisponibilité de la cannelle, qui pourrait être influencée par l’alimentation.
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Sources éditoriales et fact-checking