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La prévalence de l’obésité n’a cessé d’augmenter au cours du siècle dernier. Selon les dernières estimations, près de 40 % de la population américaine, 26 % de la population du Royaume-Uni, et 15 % des Français sont obèses. L’obésité est le principal facteur de risque de développer un diabète, et les personnes atteintes de diabète sont évaluées à près de 5 % en France.
La perte de poids est l’une des meilleures stratégies pour réduire le risque de diabète et d’autres maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires. Même modeste, cela se traduit par un bénéfice significatif sur la réduction des risques. Par exemple, la perte d’un kilo de graisse par rapport au poids de départ peut réduire de 16 % le risque relatif de développer un diabète(1).
Changer ses habitudes, notamment en améliorant son alimentation et en faisant régulièrement du sport, est l’une des meilleures stratégies pour réduire son poids et le risque de développer une maladie liée à l’obésité comme le diabète(2). Au-delà de ces aspects, plusieurs substances naturelles présentes dans certains aliments (aussi appelés “alicaments”) se sont révélées bénéfiques sur la perte de poids. Il a en effet été démontré que la curcumine, l’un des composés bioactifs présents dans l’épice curcuma, augmente l’oxydation des acides gras(3), réduit la biosynthèse lipidique(4) et augmente le métabolisme de base(5) notamment grâce à son effet sur la protéine AMPK, comme illustré sur le schéma 1. Par ailleurs, plusieurs essais cliniques ont montré qu’une supplémentation en curcumine pouvait favoriser la perte de poids(6), la perte de graisse corporelle(7) et la baisse de l’IMC. Ceci dit, d’autres essais cliniques n’ont trouvé aucun effet sur la perte de poids(8)(9).
Bon nombre de ces essais ont été réalisés à des doses, des formulations et des durées différentes, de sorte qu’il est difficile de déterminer si la curcumine a réellement un effet bénéfique. La présente étude(11) que nous allons décrypter est une revue systématique et méta-analyse visant à évaluer les données actuellement disponibles sur l’effet de la supplémentation en curcumine sur le poids, l’IMC et le tour de taille.
Décryptage de l’étude
Participants
Les essais analysés (portant sur des adultes âgés de plus de 18 ans) avaient pour objectif d’évaluer l’effet de la curcumine sur le poids et le tour de taille ainsi que l’indice de masse corporelle.
Au total, 876 personnes (dont 53 % de femmes) ont été examinées dans le cadre de ces 11 essais cliniques. Toutes les études portaient sur des participants obèses ou en surpoids, dont plusieurs présentaient une comorbidité comme un diabète de type 2 (n=3), une stéatose hépatique non alcoolique (n=3) et un syndrome métabolique (n=3).
Les essais ont consisté en une prise quotidienne de 70 à 1900 mg de diverses formulations de curcumine et ont duré entre 4 semaines et 10 mois (8 semaines en moyenne). Dans ces 11 essais, 8 ont mesuré le poids de corps, 10 l’IMC et 6 le tour de taille. Des analyses de sensibilité ont été effectuées pour examiner l’effet d’études particulières sur les résultats. Des analyses par sous-groupes ont également été effectuées pour examiner l’effet de la dose, la durée de l’étude et l’âge moyen des participants.
La qualité des études a été évaluée à l’aide du score de Jadad, qui évalue la randomisation, l’insu et la description des cas d’abandon. 3 des 11 études ont été jugées comme étant de faible qualité, tandis que les autres ont été jugées de grande qualité. Il y avait par ailleurs une grande hétérogénéité pour le poids de corps (I² = 86,7 %), l’IMC (I² = 60,2 %), et le tour de taille (84,0 %).
Résultats de l’étude
La curcumine a entraîné une perte de poids de 1,14 kg et une réduction de l’IMC de 0,48 par rapport au placebo. L’analyse des sous-groupes a montré que la durée de l’étude avait son importance sur la perte de poids, car les études de moins de huit semaines n’ont montré aucun effet significatif de la curcumine sur ce paramètre. En revanche, la dose ne semble pas avoir eu d’effet sur les résultats regroupés en ce qui concerne la perte de poids. Dans l’ensemble, les résultats étaient très fiables par rapport aux analyses de sensibilité et les études isolées n’ont pas eu d’influence sur les résultats.
Dans l’analyse combinée, la curcumine n’a eu aucun effet sur le tour de taille. Toutefois, comme vous pouvez le voir sur le graphique 1, les analyses des sous-groupes individuels ont montré que la curcumine a entraîné une réduction plus importante du tour de taille avec :
- Des doses d’au moins 1 000 milligrammes par jour (2,55 cm).
- Des études qui ont duré huit semaines (3,71 cm).
- Des études qui ont été menées sur des participants en surpoids, mais non obèses (3,71 cm).
L’analyse de sensibilité a montré qu’aucune étude n’a eu un effet significatif sur les résultats globaux.
Mes commentaires et interprétations
Cette vaste revue systématique, méta-analyse et méta-régression a démontré que la supplémentation en curcumine peut avoir des effets bénéfiques modestes, mais non négligeables, sur le poids, l’IMC et le tour de taille. La méta-régression a montré que la dose, la durée et le poids de départ n’ont pas eu d’effet sur les résultats concernant le poids et l’IMC, mais que le poids de départ a eu un effet sur les valeurs du tour de taille. L’analyse de sensibilité a révélé qu’aucune étude à elle seule n’a eu d’impact significatif sur les résultats. La régression d’Egger n’a pas révélé de biais significatif.
Cette étude permet donc de répondre à une question clinique importante : la curcumine peut-elle aider à réduire le poids de corps, l’IMC, et le tour de taille ? D’après les informations dont on dispose, la réponse semble être : oui. La curcumine peut entraîner une réduction modérée, mais significative, du poids (environ 1 kg) et de l’IMC (environ 0,5). Comme la perte de poids est l’une des meilleures façons de réduire le risque de nombreuses maladies chroniques, la curcumine pourrait apporter certains bienfaits.
Une des limitations principales de cette étude est que la plupart des essais ont utilisé de la curcumine non formulée, qui a une faible biodisponibilité. D’autres formes de curcumine, comme celles formulées avec un vecteur hydrophile (phytosome), ont une biodisponibilité presque 50 fois supérieure. Par conséquent, les résultats de la présente analyse pourraient sous-estimer le potentiel des formulations de curcumine dont la biodisponibilité est beaucoup plus élevée.
En outre, les résultats de ces méta-analyses ne peuvent pas être appliqués de façon fiable à des groupes de personnes spécifiques, comme les sportifs, les personnes minces (car aucun participant aux essais ne présentait un IMC inférieur à 25), ni les personnes présentant un niveau d’obésité très élevé, car les plus fortes valeurs mentionnées étaient celles qui concernaient une obésité modérée, et non une obésité morbide.
La présente analyse appuie une précédente étude systématique(12) sur la curcumine et qui a fait état de bienfaits similaires sur le poids de corps. Elle étaye également des essais randomisés contrôlés démontrant que la curcumine peut augmenter la perte de poids d’environ 2 à 5 %(13) chez les personnes obèses et atteintes d’un syndrome métabolique. De plus, conformément à plusieurs autres études, la présente étude n’a pas révélé d’effet de la curcumine sur le tour de taille.
Toutefois, ces résultats sont en contradiction avec une étude qui a révélé que la curcumine phytosomique(14), qui a une plus grande biodisponibilité que la curcumine non formulée, entraînait une réduction du tour de taille.
Il existe plusieurs mécanismes par lesquels la curcumine peut entraîner une perte de poids. La curcumine peut augmenter l’oxydation des acides gras par la régulation à la hausse des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes-γ (PPAR-γ)(15). Il a également été démontré que la curcumine peut réduire la biosynthèse des acides gras(16). Chez la souris, il a été établi que la curcumine a un effet multifactoriel sur les mécanismes régulant la graisse corporelle ainsi que le métabolisme des graisses. Par exemple, la curcumine régule à la hausse la carnitine palmitoyltranférase1 (CPT-1)(17) de façon proportionnelle à la dose. La CPT-1 est une enzyme clé impliquée dans la transformation des acides gras dans les mitochondries pour y être oxydé. La curcumine inhibe également la différenciation des cellules pré-adipocytes en adipocytes matures(18).
Bien que les personnes avec une obésité sévère ne soient pas directement évaluées dans la présente analyse, la curcumine pourrait aussi leur être bénéfique, principalement en raison de ses propriétés anti-inflammatoires(19). En effet, l’inflammation est l’une des manifestations typiques de l’excès de tissu adipeux et joue un rôle dans la résistance à l’insuline, la modulation du système immunitaire, et le métabolisme généralement perturbé chez les personnes souffrant d’obésité. Chez les souris obèses, il a été démontré que la curcumine réduit l’activité des facteurs de transcription qui régulent l’inflammation, NF-kB(20), tout en augmentant l’expression de l’hormone anti-inflammatoire adiponectine(21).
Ce qu’il faut retenir
La présente analyse corrobore les études systématiques antérieures montrant que la curcumine a un effet bénéfique sur le poids du corps. Il existe plusieurs mécanismes présumés par lesquels la curcumine présente ses propriétés amaigrissantes : réduction de la biosynthèse des acides gras, augmentation de l’oxydation des acides gras et inhibition de la différenciation des pré-adipocytes en adipocytes matures. De plus, la curcumine possède des propriétés anti-inflammatoires qui peuvent avoir des effets bénéfiques au-delà de la perte de poids.
Vos questions fréquemment posées
La curcumine a-t-elle un effet sur la glycémie ?
Oui. Il a été démontré que la curcumine a des effets hypoglycémiants tant chez les humains que chez les animaux présentant une résistance à l’insuline. Elle permet notamment d’abaisser la glycémie, d’améliorer la résistance à l’insuline et de réguler les enzymes clés du métabolisme du glucose (glucokinase) chez des souris diabétiques(22). Chez l’humain, il a également été démontré que la curcumine réduit la résistance à l’insuline et le taux de triglycérides sanguins(23).
Quelles sont les formes de curcumine les plus biodisponibles ?
Bien que la curcumine non formulée ait une très faible biodisponibilité, il existe plusieurs formulations différentes qui augmentent sa biodisponibilité. D’après une récente analyse(24), il existe 11 formulations différentes sur le marché qui se sont révélées efficaces pour améliorer la biodisponibilité. La plupart des formulations sont basées sur quelques approches différentes : appariement avec du poivre noir (pipérine), nanoparticules et nanoémulsions, phytosomes, ou appariement avec des lipides. Les nanoémulsions(25) sont constituées de graisses, d’agents émulsifiants (substances solubles dans les graisses et l’eau) et de phases aqueuses et sont des systèmes utilisés dans les médicaments pour des molécules de taille submicronique. Les phytosomes(26) sont des complexes d’un ingrédient actif (p. ex. curcumine) et d’un phospholipide (p. ex. lécithine).
Comme vous pouvez le voir sur le graphique 2, il a été démontré que différentes formulations augmentent la biodisponibilité relative de 10 à 100 fois environ, selon la formulation.
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Sources éditoriales et fact-checking