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Nous entendons parler depuis quelques années de ce que certains considère comme un faisant fonction “d’organe” : le microbiote intestinal. Autrefois appelé “la flore intestinale”, nous pensions que son seul rôle était de maintenir une homéostasie dans l’intestin. Cependant, de nombreuses études récentes poussent les scientifiques à lui donner une place de plus en plus importante, voire vitale pour la santé de l’organisme(1). En effet, on ne cesse de corréler le microbiote à un grand nombre de pathologies et de fonctions diverses dans le corps humain.
Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?
Le microbiote intestinal autrement dit la flore intestinale est composée de 100 000 milliards de bactéries et pèse entre 1 et 2kg(2). Un nombre aussi important ne vous parle peut-être pas, alors à titre de comparaison, votre corps est composé d’environ 10 000 milliards de cellules, donc 10 fois moins.
Oui, vous avez bien lu : il y a 10 fois plus de bactéries que de cellules dans votre propre corps. Autrement dit : 90 % des cellules à l’intérieur de notre corps ne nous appartiennent pas, puisque chaque bactérie est elle-même une cellule unique ! Déroutant, n’est-ce pas ? Ce n’est que le début…
1/3 du microbiote est commun à chaque être humain et 2/3 est spécifique. Le microbiote intestinal vit en symbiose avec l’organisme. Son hôte lui fournit les nutriments, ainsi qu’un abri propice au bon développement des bactéries. En contrepartie, le microbiote intestinal contribue à des fonctions essentielles de notre organisme.
Comment se forme le microbiote ?
Le fœtus est stérile dans le ventre de la mère. Le microbiote se constitue les 2-3 premières années de la vie.
Dès la naissance par voie naturelle le bébé est en contact avec les micro-organismes vaginaux, intestinaux et fécaux. S’il y a allaitement : le bébé ingère des bactéries probiotiques contenues dans le lait ainsi que des micro-organismes présents sur la peau. Le lait contient des sucres avec une activité prébiotique, c’est-à-dire favorable à la croissance du microbiote.
La colonisation microbienne suit un ordre bien précis :
- Les premières bactéries ont besoin d’oxygène (bactéries aérobies).
- La consommation d’oxygène présente dans les intestins par ces bactéries aérobies favorise ensuite la prolifération de bactéries anaérobies.
- L’évolution qualitative et quantitative dépend de la diversification alimentaire, génétique, de l’hygiène individuelle et des traitements médicaux.
Comment est composé le microbiote ?
Firmicutes | Bactéroïdètes | Actinobactéries | Protéobactéries |
---|---|---|---|
Lactobacillus | Bacteroides | Akkermansia | Entérobactéries |
Faecalibacterium | Prevotella | Bifidobacterium | Desulfovibrio |
Eubacterium | Xylanibacter | Collinsella | Escherichia |
Quelles sont les fonctions du microbiote intestinal ?
Fonction de digestion
Métabolisme des glucides
Certaines bactéries intestinales produisent des enzymes.
Une enzyme est une protéine catalysant une réaction biochimique et responsable de l’accélération de réactions dans nos cellules. Ces enzymes permettent, notamment la digestion des sucres complexes (polysaccharides)(3).
Cette production enzymatique permet aux bactéries d’assurer leur source en carbone par la dégradation des substrats alimentaires non digestibles par nos propres enzymes.
À savoir, ces bactéries ont un pouvoir enzymatique nettement supérieur à celui du génome humain. En effet, les quantités de catalyseurs produites par certains hôtes du microbiote intestinal se comptent en milliers.
Parmi les substrats indigestibles évoqués ci-dessus, on note principalement les fibres alimentaires qui sont des polysaccharides. Les plus communément hydrolysés sont l’amidon, la cellulose, l’hémicellulose, la pectine, les glycoprotéines, les mucines et les glycosaminoglycanes. Les produits obtenus entrent dans la voie de la glycolyse pour former des molécules de pyruvate.
La glycolyse est une voie catabolique de transformation du glucose en énergie.
La fermentation de certaines fibres alimentaires donne lieu majoritairement à la formation de butyrate. Le butyrate est un acide gras à chaîne courte, il est la principale source d’énergie pour les cellules du côlon(4). Il joue également un rôle dans le système immunitaire intestinal et agit comme un anti-inflammatoire.
Métabolisme des gaz
La majorité des atomes d’hydrogène formés par fermentation au niveau du côlon vont être métabolisés par certains éléments du microbiote intestinal pour donner lieu à du méthane, de l’acétate et du sulfure (gaz présents dans l’organisme).
Métabolisme des protéines
Tout comme pour le métabolisme des glucides, l’hydrolyse(5) des protéines(6) en peptides (plus petites molécules) est permise grâce à une activité enzymatique (enzyme peptidase).
Au-delà d’une production d’acide gras à chaîne courte (produits de la fermentation des glucides) de type butyrate, acétate, et propionate, on observe également l’apparition d’ammoniac. L’ammoniac présent sous forme de gaz à température ambiante est une source d’azote, éliminé par les urines.
Métabolisme des lipides
Le microbiote permet la transformation de certains acides gras (lipides) indigestibles. Par exemple, le cholestérol biliaire sera réduit en coprostanol ainsi retrouvé dans les fèces(7)(8).
Métabolisme des vitamines et minéraux
Le microbiote participe à la synthèse de certaines vitamines essentielles pour l’organisme. C’est notamment le cas pour la vitamine K (la moitié des besoins quotidiens en vitamine K sont fournis par des bactéries intestinales(9)), la B1, B2, B5, B8, B9(10) et la B12. De plus c’est un facteur clé dans l’absorption du calcium et du magnésium. Petite précision concernant la vitamine B12. Certaines bactéries sont capables d’en fabriquer, mais majoritairement pour leur propre consommation(11).
Système immunitaire
Les bactéries du microbiote intestinal se fixent à la surface de la muqueuse intestinale formant alors un film protecteur.
En cas d’attaque par des bactéries pathogènes, les bactéries commensales (situées sur la muqueuse) synthétisent des peptides de type antibiotique à effet bactéricide ou bactériostatique. Dans d’autres cas, des anticorps de type “Immunoglobulines A” peuvent être produits.
Le microbiote a aussi un rôle d’éducateur pour le système immunitaire en lui permettant un apprentissage des micro-organismes “amis” et des pathogènes.
Lors d’un déséquilibre du microbiote appelé dysbiose, la fonction de barrière est altérée, laissant ainsi pénétrer des éléments pathogènes. On parle alors de perméabilité ou hyperperméabilité intestinale (de l’anglais leaky gut syndrome).
Une perméabilité intestinale défaillante favorise(12) les maladies infectieuses et inflammatoires de l’intestin, les allergies, sensibilités ou intolérances alimentaires, les rhumatismes inflammatoires chroniques, l’acné ou le psoriasis, la photosensibilité, l’eczéma, la maladie d’Alzheimer, l’autisme(13), l’urticaire, le syndrome de l’intestin irritable, le syndrome de fatigue chronique, les hépatites et pancréatites chroniques, ainsi que certains cancers.
Quel lien entre le microbiote et certaines pathologies ?
MICI
Parmi les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) on retrouve la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn.
Elles se caractérisent par des poussées inflammatoires de durée et de fréquence variable. L’inflammation se situe surtout au niveau du rectum et du côlon pour la rectocolite et majoritairement au niveau intestinal pour la maladie de Crohn.
Des études(14)(15) montrent l’existence de liens entre MICI et microbiote intestinal :
- La richesse et la diversité du microbiote sont affaiblies chez un sujet pathologique. Au contraire, on observe une surconcentration de bactéries “pathogènes” pouvant avoir un effet toxique sur l’hôte (Escherichia coli, Listeria monocytogenes, Yersinia enterocolitica et Mycobacterium paratuberculosis).
- Le diagnostic pathologique met également en évidence une dysbiose au sein de l’organisme.
Maladies chroniques
Des études montrent qu’une surconsommation de graisses alimentaires augmente la concentration de bactéries “Gram negative”. Ces bactéries augmentent leur sécrétion de lipoprotéines solubles et pro-inflammatoires. Elles traversent également la paroi intestinale, provoquant une inflammation dans la circulation sanguine, le foie et favorisant l’insulino-résistance.
Des changements de composition bactérienne ont été observés chez des patients diabétiques de type II.
Obésité
D’après une récente étude(16), une bactérie intestinale est mise en cause dans l’obésité et le diabète : Bilophila wadsworthia.
Cette dernière représente 0,1 % du microbiote intestinal chez les sujets sains. Or, un régime riche en graisse crée des conditions idéales à la prolifération des bactéries intestinales, dont Bilophila wadsworthia.
Au-delà de sa multiplication, elle crée une dysbiose ce qui entraîne un dysfonctionnement de la barrière intestinale ou encore des troubles du métabolisme des sels biliaires.
Troubles neurologiques
La nature du microbiote intestinal peut jouer un rôle sur l’étanchéité de la barrière hémato-encéphalique : barrière protégeant le cerveau contre certaines substances néfastes.
Une dysbiose peut également être associée à une schizophrénie, des troubles bipolaires, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer.
Ce sujet est tellement vaste qu’il mériterait un article à lui seul. On parle couramment du deuxième cerveau en parlant de nos intestins qui contiennent plus de 500 millions de neurones(17). Mais les recherches les plus récentes tendent à montrer qu’on l’on pourrait parler d’un troisième cerveau qui dominerait les deux premiers : le microbiote(18) (rappelez-vous que les bactéries du microbiote sont 10 fois plus nombreuses que l’ensemble des cellules du corps humain…). Celui-ci communique(19) avec le système nerveux central(20) par au moins 3 canaux parallèles et interactifs impliquant des mécanismes de signalisation nerveux, endocrinien et immunitaire.
Le microbiote intestinal comme alternative thérapeutique ?
Les prébiotiques et les probiotiques sont des éléments capables d’agir sur le microbiote intestinal.
Il est difficile de corriger les éléments du passé ayant altéré notre microbiote intestinal, cependant il est possible d’agir sur certains facteurs visant à améliorer le microbiote actuel.
Les prébiotiques sont des fibres solubles, notamment des fructanes, non digestes, permettant de nourrir les bactéries et ainsi favoriser leur multiplication. Certains aliments sont riches en prébiotiques :
- Les bananes, les tomates, les oignons et l’ail contiennent des oligosaccharides.
- Les endives, la chicorée et les artichauts contiennent de l’inuline.
- Les légumes secs et les céréales complètes contiennent de l’amidon résistant.
Les probiotiques sont des bactéries vivantes permettant de restaurer les propriétés de la flore intestinale. Ils agissent directement sur l’écosystème intestinal.
Elles exercent plusieurs actions telles que :
- Amélioration du transit intestinal.
- Renforcement du système immunitaire.
- Renforcement de la muqueuse intestinale.
- Action antimicrobienne et anti-cancéreuse.
Les probiotiques sont présents dans les produits fermentés : yaourt, fromage, pain, le miso, le thé noir… Ils seront concentrés dans des compléments alimentaires.
À savoir qu’il existe une nouvelle thérapeutique très efficace (et controversée) pour guérir certaines pathologies : la transplantation fécale. Cette dernière consiste à administrer une préparation de matières fécales issues d’un sujet sain à un patient en vue d’exercer des effets curatifs(21).
Quels autres microbiotes ?
On parle majoritairement du microbiote intestinal, mais savez-vous qu’il existe d’autres types de microbiotes au sein de notre organisme ?
Microbiote vaginal
Son écosystème est composé de plus de 200 espèces bactériennes prédominé par les lactobacilles ainsi que tout un ensemble de micro-organismes (champignons, virus…).
Un déséquilibre du microbiote vaginal autrement dit une dysbiose est très fréquent chez les femmes.
Plusieurs facteurs sont susceptibles de le modifier : menstruations, âge, relations sexuelles, prise de médicament, hygiène, tabac, autres pathologies.
Il existe, comme pour le microbiote intestinal des probiotiques pour pallier ce désagrément.
Microbiote cutané
Le microbiote cutané est, tout comme les autres microbiotes, composé d’un ensemble de bactéries et de micro-organismes vivant en symbiose. Il permet le maintien d’un pH autour de 5,5 et possède un rôle anti-inflammatoire.
Il a aussi un rôle protecteur face aux éléments pathogènes. Au-delà de constituer une barrière, il contribue au développement du système immunitaire en lui envoyant notamment des signaux.
Le microbiote cutané agit également en cas de lésions en sollicitant les cellules nécessaires au traitement des plaies. L’hygiène à adopter doit être adaptée à son microbiote cutané afin d’éviter une dysbiose(22). Bien que dans certains cas, l’utilisation de gel hydroalcoolique s’avère nécessaire, il faut savoir que son utilisation répétée contribue à détruire les bonnes bactéries présentes sur notre peau. La plupart du temps, utilisez donc un savon classique pour vous laver les mains. Ce dernier permet aux bonnes bactéries vivant sur votre peau de continuer à vous protéger d’autres pathogènes.
Microbiote des voies oropharyngées (microbiote respiratoire)
Les découvertes sur ce microbiote sont récentes puisque les scientifiques ont longtemps pensé que le système respiratoire était stérile. Les bactéries retrouvées au sein de cet écosystème respiratoire sont majoritairement anaérobies c’est-à-dire qui ne tolèrent pas l’oxygène. Ainsi, il est possible qu’un déséquilibre de ce dernier joue un rôle dans les pathologies pulmonaires que l’ont connaît bien comme l’asthme, la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) voire même dans la mucoviscidose.
En outre, les découvertes sur les microbiotes du corps humain ne cessent de s’accroitre. Le microbiote remet alors en question certaines interrogations. Les corrélations établies entre certaines pathologies et les microbiotes permettent désormais aux scientifiques d’élargir leurs champs de recherche.
Le microbiote est une nouvelle science à large spectre.
“Le corps humain contient 60 000 milliards de cellules et dix fois autant de bactéries. Environ. Et on se laisse encore impressionner par le nombre d’étoiles dans le ciel.”
Francis Dannemark
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Sources éditoriales et fact-checking