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Une révolution dans le traitement des allergies ? C’est ce que laisse espérer une récente découverte japonaise, publiée le 10 janvier dans le prestigieux Journal of Immunology(1). Menée par le Professeur Hirohisa Nishiyama de l’Université de Gunma, cette étude ouvre des perspectives prometteuses dans la lutte contre l’épidémie d’allergies.
Le Pr Nishiyama et son équipe sont parvenus à identifier certains acides gras, produits naturellement par notre microbiote intestinal, capables de bloquer l’activation des mastocytes. Ces cellules immunitaires jouent un rôle central dans le déclenchement des réactions allergiques, en libérant massivement des substances inflammatoires comme l’histamine. En inhibant les mastocytes, ces acides gras stoppent efficacement les manifestations allergiques.
En bref
- L’étude montre que certains acides gras à chaînes courtes (AGCC) comme le butyrate, le valérate et la niacine (vitamine B3) sont capables de supprimer l’activation des mastocytes dépendante des IgE, cellules clés dans les réactions allergiques.
- Les AGCC agissent en se liant au récepteur GPR109A présent à la surface des mastocytes, déclenchant une cascade de signaux biochimiques aboutissant à une moindre libération de médiateurs pro-inflammatoires comme l’histamine lors d’une réaction allergique.
- D’autres mécanismes sont également impliqués, comme une augmentation de la production de prostaglandine E2 aux propriétés anti-inflammatoires, ainsi que des modifications épigénétiques modulant l’expression de gènes liés à la réponse immunitaire.
Alors ces fibres, c’est quoi au juste ?
Quand on parle de fibres, on pense souvent aux céréales du petit déj ou à la chique dans le son. Pas très glamour ! Pourtant, les fibres alimentaires sont essentielles à notre santé, et en particulier à notre système immunitaire et à notre résistance aux allergies.
Les fibres, ce sont tout simplement des glucides complexes présents dans les végétaux, comme les fruits, les légumes, les céréales complètes etc. Contrairement au sucre, notre corps ne sait pas les digérer. Du coup, arrivées dans notre intestin, elles vont servir de carburant à nos petites bactéries intestinales. Et c’est là que la magie opère !
Le microbiote, notre allié invisible
Vous avez sans doute déjà entendu parler du microbiote intestinal. Derrière ce nom barbare se cache en fait tout un petit monde de micro-organismes, essentiellement des bactéries, qui vivent dans notre tube digestif. Au total, on estime leur nombre à 100 000 milliards, soit 10 fois plus que le nombre de cellules dans notre corps ! Une vraie petite usine vivante à l’intérieur de nous.
Ces bactéries ont un impact majeur sur notre santé. Elles nous aident à digérer certains aliments, produisent des vitamines essentielles, et dialoguent en permanence avec notre système immunitaire pour le maintenir en forme. Leur composition équilibrée est indispensable pour rester en bonne santé.
Des fibres aux super-molécules
Nourries aux fibres végétales que nous mangeons, nos bactéries intestinales les transforment en produisant toute une série de molécules aux effets bénéfiques. On les appelle les acides gras à chaînes courtes ou AGCC.
Les AGCC, dont les plus connus sont l’acétate, le propionate et le butyrate, sont de véritables molécules-messages entre nos bactéries et nos cellules. Ils régulent un grand nombre de processus dans notre corps, dont notre système immunitaire et inflammatoire.
On comprend donc que ce trio gagnant fibres-microbiote-AGCC est capital pour rester en bonne santé et se défendre contre un grand nombre de maladies, dont les allergies. Voyons maintenant plus en détails comment ils nous protègent.
Mécanismes d’action des fibres contre les allergies
Les AGCC interagissent avec des récepteurs présents sur de nombreuses cellules immunitaires dont les lymphocytes et les cellules dendritiques. Ils orientent la réponse immunitaire vers un profil anti-inflammatoire (voie Th2 / régulatrice), défavorable aux réactions allergiques de type Th2.
De plus, il a été montré que les AGCC inhibent l’activation des mastocytes, cellules clés dans le déclenchement des réactions allergiques. Ils bloquent la dégranulation de ces cellules et donc la libération locale de médiateurs pro-inflammatoires comme l’histamine. Ceci réduit efficacement l’intensité des réactions allergiques.
Réduction de l’inflammation
Outre leur action directe sur les cellules immunitaires, les AGCC exercent un puissant effet anti-inflammatoire dans l’organisme. Ils inhibent plusieurs voies de signalisation pro-inflammatoires et la production de cytokines inflammatoires.
Cet effet passe notamment par l’augmentation de la production de prostaglandines anti-inflammatoires. Les AGCC activent en effet l’enzyme COX-2 qui produit la prostaglandine E2, puissant modulateur négatif de l’inflammation.
Amélioration de la barrière intestinale
Un déficit en fibres alimentaires et en AGCC affaiblit l’intégrité de la barrière intestinale. Celle-ci devient plus perméable, laissant passer dans la circulation sanguine des antigènes alimentaires et bactériens. Ceux-ci activent alors le système immunitaire et favorisent les réactions allergiques.
À l’inverse, un apport suffisant en AGCC renforce les jonctions serrées entre les cellules épithéliales et consolide la barrière intestinale. Moins de stimuli immunogènes atteignent alors la circulation sanguine, réduisant les risques de réactions allergiques.
Effets épigénétiques
Enfin, il a été montré que les AGCC induisent des modifications épigénétiques, c’est-à-dire des changements dans l’expression des gènes, notamment ceux codant pour des protéines clés de la réponse immunitaire.
Cet effet épigénétique module à long terme le fonctionnement du système immunitaire vers un profil moins enclin aux réactions inflammatoires et allergiques. Les AGCC régulent ainsi notre susceptibilité immunitaire aux allergènes.
Recommandations pratiques
Pour prévenir le développement des allergies et moduler l’intensité des réactions chez les sujets allergiques, il est recommandé d’adopter une alimentation riche en fibres provenant de :
- Fruits et légumes : artichaut, poireau, épinard, brocoli, tomate, fraise, pomme.
- Céréales complètes : pain complet, pâtes complètes, riz complet, avoine.
- Légumineuses : lentilles, haricots blancs ou rouges, pois chiches.
Certains aliments contiennent également des AGCC, directement disponibles pour interagir avec nos cellules. C’est le cas de l’ail et de l’oignon par exemple.
Apports nutritionnels conseillés
Chez l’adulte, l’apport quotidien recommandé en fibres est de 30 g par jour. Cependant, la majorité de la population n’atteint pas ces recommandations. Pour moduler le risque d’allergies et l’intensité des réactions, il est conseillé de consommer 40 à 50 g de fibres par jour.
Cet objectif est accessible en suivant une alimentation de type méditerranéen, riche en fruits, légumes, céréales complètes et légumineuses. L’activité physique et la gestion du stress sont deux autres piliers importants.
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Sources éditoriales et fact-checking