La caféine a longtemps été présentée comme un supplément pour améliorer les performances. Cet article détaillera les effets de la caféine sur l’organisme, de la façon dont elle influe sur les performances musculaires et de la question de savoir si la caféine est une substance dangereuse ou pas sur la santé.
La caféine (1,3,7-triméthylxanthine) appartient à un groupe de molécules appelées méthylxanthines, principalement connues pour leurs effets stimulants. Dans la nature, la caféine sert de pesticide naturel que les plantes produisent pour empêcher les insectes de les manger. Dans l’alimentation humaine moderne, la caféine est un élément étonnamment courant, présent dans de nombreux aliments et boissons (thé, café, boissons gazeuses, chocolat), si bien qu’on estime que 83 % des Français consomment régulièrement de la caféine.
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Dans le monde, la consommation moyenne de caféine varie d’un pays à l’autre; les Américains en consomment environ 186 mg par jour, les Japonnais 260 mg, et les champions mondiaux dans ce domaine sont la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas, et la Suède(1).
Comme on retrouve de la caféine dans de nombreux aliments, si ces effets sont réellement bénéfiques pour les sportifs, ce serait plutôt intéressant, car il n’y a pas beaucoup d’ingrédients ergogéniques qui peuvent se retrouver dans notre alimentation via différentes sources de produits accessibles, avec un bon goût et abordables.
Sommaire
Est-ce que la caféine peut améliorer la force ?
Avant de vous présenter les études analysant les effets de la caféine sur la force, il est important de savoir comment la caféine est censée agir. Il est difficile de faire une analyse éclairée de publications si on ne sait pas vraiment ce que l’on cherche ou à quoi s’attendre.
Les humains consomment de la caféine depuis des milliers d’années, et comme l’ont indiqué Perkins et Williams, il existe des rapports de recherche officiels sur les propriétés ergogéniques de la caféine qui remontent à l’année 1893.
En 1939 déjà, les scientifiques réclamaient l’interdiction des produits hautement concentrés en caféine dans les compétitions sportives.
Malgré les innombrables études sur la caféine, il existe encore une certaine confusion quant aux mécanismes par lesquels elle peut améliorer les performances.
Catécholamines
À propos des recherches modernes sur la caféine, une grande partie des premiers travaux ont porté sur ces effets sur les entraînements en endurance et sur les mécanismes sous-jacents à ces effets.
Les premières études ont montré que la caféine augmentait la réponse des catécholamines au cours d’un exercice physique, entraînant des concentrations sanguines plus élevées d’épinéphrine (adrénaline) et noradrénaline (norépinéphrine).
Bien que la dopamine soit également une catécholamine, les publications sur ce sujet sont surtout restées centrées sur l’épinéphrine et la norépinéphrine dans la mesure où elles entraînent de nombreux changements faciles à mesurer : bronchodilatation, vasodilatation, mobilisation des glucides et des lipides, et une augmentation du débit cardiaque, qui peuvent être utiles à la pratique d’un entraînement sportif.
Dans les études sur la caféine, l’une des théories dominantes était que les catécholamines augmentaient la circulation du glucose en augmentant sa disponibilité par une stimulation de la glycolyse, permettant ainsi au corps de maintenir un rendement énergétique élevé en utilisant plus efficacement les glucides comme sources d’énergie.
Cette hypothèse est soutenue indirectement par un certain nombre d’études montrant une augmentation de la glycémie(2) et de lactate(3) après l’ingestion de caféine.
Malheureusement, selon Davis et Green(4), il semble que cette hypothèse n’explique pas de façon convaincante les effets de la caféine sur la performance.
Bien qu’il y ait peu de doute que les catécholamines puissent contribuer à certains des nombreux effets physiologiques que nous observons après l’ingestion de caféine, comme une vigilance accrue, une fréquence cardiaque augmentée, une tension artérielle élevée, ils ne constituent probablement pas les principaux facteurs qui améliorent les performances.
Par ailleurs, il existe des études montrant que la caféine augmente le taux de catécholamines et améliore les performances en l’absence d’augmentation de la glycémie, et des études montrant au contraire une augmentation de la glycémie sans augmentation des catécholamines.
Par ailleurs, d’autres études montrent que l’augmentation des catécholamines n’augmente pas toujours les performances. Bref, la théorie semble excellente, mais les données disponibles ne l’étayent pas de façon probante.
Oxydation des graisses et épargne du glycogène
Dans les premières études sur la caféine, il est apparu évident qu’elle était particulièrement efficace pour améliorer les performances des activités d’endurance. On a émis l’hypothèse que la caféine pouvait favoriser l’oxydation des graisses, ce qui aurait permis d’économiser du glycogène lorsque celui-ci était vraiment nécessaire.
La caféine provoque sans aucun doute une augmentation importante de la mobilisation des acides gras libres, probablement due à une combinaison de l’antagonisme aux récepteurs A1-adénosine et à la libération de catécholamine.
Mais même s’il a été démontré que la caféine inhibe la phosphodiestérase in vitro et que l’inhibition de la phosphodiestérase favoriserait la lipolyse et l’économie de glycogène, il est peu probable qu’une personne consommant de la caféine (même à forte dose) puisse inhiber la phosphodiestérase in vivo.
L’idée que l’amélioration de l’oxydation des graisses (et la conservation subséquente du glycogène) explique les bienfaits de la caféine sur la performance reste donc incomplète. Qui plus est, cette explication n’aurait pas expliqué comment la caféine a (à de nombreuses occasions) amélioré les performances d’efforts effectués à haute intensité, sur de courtes durées, et donc dans lesquels l’oxydation du gras est plutôt négligeable.
Pompes sodium / potassium
Un autre mécanisme secondaire potentiel concerne la régulation de l’équilibre sodium/potassique dans le muscle. La fatigue musculaire est complexe et à multiples facettes, mais le maintien d’un équilibre approprié en sodium et en potassium dans le muscle est essentiel pour assurer le maintien de la force musculaire lors de contractions répétées.
Les pompes à sodium/potassium fonctionnent pour rétablir continuellement un équilibre, mais pas avec une efficacité parfaite. Par conséquent, les taux plasmatiques de potassium augmentent avec l’intensité de l’exercice. Comme le potassium est de plus en plus déplacé à l’extérieur du muscle, le potentiel de repos membranaire des cellules musculaires est réduit, ce qui peut nuire à la capacité de réaliser des contractions musculaires plus puissantes.
Cela tombe bien, il a été démontré que les catécholamines et les métabolites de la caféine augmentent directement l’activité des pompes sodium/potassium, ce qui a amené les scientifiques à croire que la caféine pouvait améliorer les performances en favorisant le rétablissement de l’équilibre sodium/potassium dans les muscles en activité.
Mais si l’augmentation de l’activité des pompes sodium/potassium était un des principaux mécanismes d’amélioration de la performance induite par la caféine, nous pourrions donc logiquement observer un abaissement des taux plasmatiques de potassium pendant un effort. Cet effet serait plus important avec un effort soutenu et les effets ergogéniques de la caféine seraient proportionnels à l’intensité.
Malheureusement, bien que certaines études(5) aient démontré que la caféine réduit les concentrations plasmatiques de potassium au repos ou pendant une activité physique, cet effet était irrégulier et semblait être plus ou moins important au cours des exercices à forte intensité. De plus, les effets ergogéniques de la caféine semblent être plus importants et plus constants chez les personnes qui font une activité aérobique prolongée que chez celles qui pratiquent un programme de musculation plus intense et moins long. Donc globalement, il semble peu probable que la caféine améliore principalement les capacités musculaires en augmentant l’activité de la pompe sodium/potassium.
Antagoniste à l’adénosine
Finalement, le consensus scientifique s’oriente plutôt vers la conclusion que la caféine améliore les performances en influençant le système nerveux central. En fait, la structure de la caféine est si semblable à celle de l’adénosine qu’elle peut se fixer à ses récepteurs.
C’est ce qu’on appelle un antagonisme compétitif ou inhibition compétitive, car la capacité de liaison de l’adénosine est entravée lorsque la caféine “vole” temporairement ses récepteurs. Il existe quatre sous-types de récepteurs de l’adénosine présents dans divers tissus de l’organisme, mais les effets de la caféine sont principalement attribuables à sa liaison aux récepteurs A1 et A2A de l’adénosine du cerveau.
L’antagonisme des récepteurs de l’adénosine est le principal facteur à l’origine des nombreux effets de la caféine : élévation du rythme cardiaque, de la tension artérielle, et du niveau de vigilance.
Pour ce qui est des activités sportives, cet antagonisme entraîne également une diminution de la douleur perçue, une diminution de l’effort perçu et une amélioration du fonctionnement des unités motrices.
Cela se traduit par une plus grande capacité à produire des efforts musculaires élevés et à maintenir un niveau d’énergie élevé pour des efforts soutenus, augmentant ainsi la résistance à la fatigue pour des efforts de force et de sprint.
La libération de calcium dans les muscles
Bien que l’agonisme de l’adénosine semble certainement être le principal moteur des effets de la caféine sur le rendement, il ne semble pas tout expliquer. Un bon exemple de cela est cette étude(6) assez révolutionnaire réalisée par des participants paraplégiques et tétraplégiques qui se sont servis de contractions musculaires électrostimulées pour faire des tests physiques.
Grâce à cette expérience, les chercheurs ont pu évaluer la réponse spécifique à l’ingestion de caféine, tout en minimisant l’influence du cerveau sur le contrôle moteur, la perception de la douleur et de la fatigue.
Même dans ces conditions, la caféine a augmenté l’endurance musculaire de 6 %. Les auteurs ont conclu qu’un mécanisme périphérique devait être à l’origine de l’amélioration observée, spéculant sur la possibilité que ce mécanisme implique le transport du calcium dans le muscle.
En effet, lorsque les muscles reçoivent un signal de contraction, la libération de calcium par le réticulum sarcoplasmique est l’étape critique qui précède la production de force, et une diminution de cette libération entraîne une baisse de la force des contractions.
Cette théorie a été validée par McLellan et al., confirmant donc que la caféine augmente la libération de calcium(7) dans le réticulum sarcoplasmique, augmentant ainsi la production de force musculaire et la résistance à la fatigue pendant des contractions multiples.
En résumé, il existe de nombreux mécanismes par lesquels la caféine est susceptible d’améliorer les performances musculaires.
Bien qu’une grande partie de la littérature sur la caféine se concentre sur les catécholamines, l’oxydation des graisses et l’économie de glycogène, le consensus général est que l’antagonisme à l’adénosine est le principal facteur d’amélioration des performances et que certains mécanismes secondaires pourraient avoir une influence sur la régulation du calcium au niveau musculaire.
Ceci est une bonne chose, puisque les deux devraient théoriquement se traduire par une augmentation de la force et de l’endurance. Mais est-ce toujours le cas ?
Quels sont les types d’effort physique améliorés par la caféine ?
Exercice d’endurance
Costill et al. ont observé en 1978 que le café augmentait le temps d’épuisement en cyclisme (à 80 % de la VO2max).
Au cours des années qui ont suivi, plusieurs autres tests ont été menés pour évaluer les effets de la caféine sur les efforts d’endurance. Toutes ces expériences ont permis la publication d’un certain nombre de méta-analyses faisant le bilan de ces décennies de recherche.
Si vous ne savez pas ce que sont les méta-analyses, ce sont tous simplement des rapports qui rassemblent un grand nombre d’études avec des méthodes similaires et qui combinent mathématiquement leurs résultats.
Et bien qu’il y ait quelques lacunes et des imperfections, une méta-analyse bien conduite donne un excellent résumé de la littérature disponible sur un sujet donné.
Concernant notre sujet, une méta-analyse récente a regroupé les résultats de 44 études ayant évalué l’effet de la caféine sur les performances en contre-la-montre(8).
Il a été constaté que la caféine réduisait le temps de course d’environ 2 %, avec une puissance moyenne augmentée d’environ 3 %. Les auteurs soulignent cependant qu’il semble y avoir une grande variabilité dans les réactions à la caféine.
Force et puissance
La “force et la puissance” sont une catégorie assez vaste qui englobe un large éventail de paramètres. En 2018, une méta-analyse portant spécifiquement sur la force maximale sur une répétition (1RM) et la puissance au saut vertical a été publiée.
Il en ressort que la caféine améliore significativement la puissance du saut vertical et la force. Ce résultat sur la puissance de saut reflète une autre méta-analyse portant sur les performances du Wingate. Si vous ne connaissez pas le test de Wingate, il s’agit d’un test à vélo de 30 secondes qui consiste à rouler aussi vite que possible avec une résistance assez élevée.
Si vous deviez concevoir un test dans le seul but de faire vomir quelqu’un suite à un effort, le Wingate serait ce test.
On a constaté que la caféine augmentait à la fois la puissance maximale et la puissance moyenne pendant les sprints au Wingate, renforçant ainsi l’idée que la caféine augmente les performances des sportifs de force.
Si vous souhaitez avoir une vue d’ensemble des publications sur la caféine, une analyse générale a récemment été publiée dans le British Journal of Sports Medicine. Il s’agit d’une synthèse des méta-analyses, ou “synthèse des synthèses”.
Dans l’ensemble, les travaux de recherche portant sur la caféine semblent montrer de façon assez concluante que la caféine a un effet plus important sur l’endurance que sur la force et la puissance(9).
Ce que nous ne savons pas encore, c’est si ces améliorations de performance ponctuelle due à la caféine se traduisent ou non par des gains significatifs en force et en hypertrophie avec le temps.
Et pour autant que je sache, les seules études portant sur l’adaptation à long terme de l’entraînement pendant plusieurs semaines de supplémentation en caféine avant l’entraînement sont des études portant sur des suppléments de pré-entraînement contenant de nombreux autres ingrédients.
Ces dernières sont donc faussées par la présence de ces autres ingrédients qui font que la caféine est impossible à évaluer de façon isolée. Donc d’ici à ce que de plus longues études soient menées en utilisant uniquement la caféine, nous ne le saurons tout simplement pas.
Et, comme nous le verrons plus loin, la possibilité que les effets stimulants de la caféine s’estompent avec une utilisation répétée peut limiter son utilité comme aide à l’entraînement quotidien.
Comment prendre la caféine ?
Dose
Les doses recommandées de caféine sont assez simples. Des doses inférieures à 3 mg/kg de poids de corps (comme une tasse de café le matin) peuvent certainement améliorer l’éveil et la vigilance, mais elles ne sont toujours pas suffisantes pour augmenter les performances physiques.
Les études démontrant des avantages sur le plan des performances tendent à avoir des doses allant de 3 à 6 mg/kg, avec une majorité des études tendant vers la partie supérieure de cette fourchette (5-6 mg/kg).
Il est important de souligner qu’il s’agit de doses assez importantes. Si vous pesez 100 kg, cela signifie que dans la plupart des études, vous recevrez une dose de 600 mg de caféine, soit environ 6 tasses de café, en une fois.
Des études portant sur des doses allant jusqu’à 13 mg/kg ! de caféine ont montré que les bénéfices en termes de performance semblaient plafonner autour de 5-6 mg/kg, avec aucun bénéfice supplémentaire observé avec des doses élevées(10).
À savoir que beaucoup de personnes se sentent mal avec des doses supérieures à la fourchette de 5-6 mg/kg. Par exemple, une étude a révélé que les performances en endurance étaient améliorées avec des doses de 3 et 6 mg/kg(11), mais pas avec 9 mg/kg.
Dans une autre étude portant sur des doses de 3, 6 et 9 mg/kg, les chercheurs ont constaté que 7 femmes sur 10 ayant ingéré une dose de 9 mg/kg présentaient des effets indésirables tels que des tremblements, vertiges, vomissements et une transpiration importante.
Dans l’ensemble, il semblerait donc que des doses supérieures à 6 mg/kg n’apportent aucun avantage supplémentaire en termes de performances et pourraient même avoir un effet négatif sur les performances en provoquant des effets secondaires inconfortables.
Source
Le café est bon marché, délicieux et accessible partout. Pour toutes ces raisons, ce serait super si nous pouvions avoir des doses ergogéniques de caféine dans une seule tasse de café ordinaire.
En 1998, Graham et al. ont voulu déterminer si le café était capable de remplir cette mission(12).
Neuf volontaires ont participé à cette étude dans laquelle un exercice d’endurance (courir jusqu’à épuisement à 85 % de VO2max) a été réalisé après ingestion de diverses boissons test :
- Capsule placebo + eau
- Capsule de caféine + eau
- Café ordinaire
- Café décaféiné
- Café décaféiné + caféine en gélule
Tous les tests comportaient 7,15 ml/kg de liquide, et les doses de caféine comprenaient toutes 4,45 mg/kg de caféine.
Les résultats de l’étude ont été assez surprenants. Les participants ont obtenu d’importantes améliorations de leur performance lorsqu’ils ont utilisé de l’eau avec des gélules de caféine, mais pas quand ils ont consommé les autres options.
Cela signifie que les bienfaits de la caféine étaient en quelque sorte atténués lorsqu’elle était consommée avec un café ordinaire, et même lorsque les mêmes capsules de caféine étaient consommées avec du café décaféiné.
Les auteurs ont émis l’hypothèse que certains composants du café, comme l’acide chlorogénique, perturbaient les bienfaits de la caféine en ce qui concerne l’amélioration des performances.
Ce résultat a été pris au pied de la lettre pendant environ 10 à 15 ans après sa publication, et certaines études ont conclu que la caféine anhydre, consommée en poudre ou en capsules, était plus ergogénique que le café.
Cette conclusion est cependant un peu difficile à avaler, car comment expliquer qu’en 1978, Costill observait des avantages de la caféine sur les performances avec du café ?(13)
La reproductibilité est un principe clé et fondamental dans le monde de la recherche, en particulier dans les cas où il y a de petits échantillons. Considérons le scénario suivant : je tire à pile ou face 10 fois, et chaque coup peut donner des “faces” ou des “piles”. Théoriquement, je devrais en avoir 5 de chaque.
Mais si j’avais 3 faces et 7 piles, ce serait loin d’être impossible, et pas même particulièrement improbable. Évidemment, personne ne laisserait une telle démonstration en concluant que vous avez 30 % de chances d’obtenir des “faces” lorsque vous tirez à pile ou face avec une pièce.
Il faut donc reproduire cette expérience en faisant une autre série de 10, puis une autre, et encore une autre. Si vous arrivez à 10 000 pile ou face et que vous constatez que vous n’avez que 3 000 faces, il est presque certain que la pièce présente une anomalie quelconque.
La recherche sur de petits échantillons devrait aussi être considérée avec le même scepticisme jusqu’à ce qu’un nombre correct d’études aient été menées.
Finalement, Hodgson et al. ont directement comparé la caféine anhydre au café(14) dans le cadre de tests d’endurance en 2013. Dans cette étude, la caféine anhydre et le café semblaient affecter les résultats sportifs de façon similaire.
Quelques années plus tard, en 2016, Richardson et al. ont montré que le café et le café décaféiné + caféine anhydre(15) étaient également capables d’améliorer les performances pour des exercices de musculation.
Au final, la littérature actuelle suggère que le café exerce les mêmes effets sur la performance que la caféine anhydre et qu’il peut donc être considéré comme une source de caféine parfaitement adaptée pour améliorer les performances.
Il y a cependant un grand défi à relever lorsque vous faites du café : il faut savoir que la teneur en caféine du café est très variable. De toute évidence, la teneur en caféine varie selon le grain de café, le type de torréfaction et la méthode de préparation, et des tentatives approfondies pour comprendre ces facteurs ne sont pas toujours concluantes, car la dose de caféine demeure aléatoire.
Des chercheurs ont donc effectué une étude dans laquelle ils ont acheté le même café moulu dans le même magasin pendant 6 jours consécutifs, et ils ont constaté que la teneur en caféine allait de 259 mg à 564 mg par dose !
Il convient de souligner que les gélules de caféine et le café sont loin d’être les seules sources potentielles de caféine (voir ci-dessous).

Globalement, il n’y a pas de différence significative quant à la rapidité avec laquelle le taux de caféine dans le sang augmente en réponse au café, au thé, aux boissons gazeuses, aux boissons énergétiques, aux gélules ou poudres de caféine, si on consomme oralement les mêmes doses de caféine.
Toute variation des vitesses d’absorption entre ces sources est faible et probablement liée à des différences dans le pH, mais aussi dans le volume et la concentration du liquide consommé.
La seule exception serait le chewing-gum caféiné : la caféine peut être absorbée (dans une certaine mesure) par la muqueuse buccale, de sorte que le taux de caféine dans le sang augmente plus rapidement.
Ce n’est pas particulièrement important, cela signifie simplement que vous ne devez pas attendre aussi longtemps pour que les effets de la caféine du chewing-gum se manifestent. En parlant de ça, combien de temps faut-il attendre ?
Moment de consommation
La caféine a une biodisponibilité élevée : environ 99 % de la caféine ingérée par voie orale est absorbée dans les 45 minutes suivant son ingestion et moins de 2 % de la caféine ingérée par voie orale est excrétée telle quelle dans l’urine.
Le processus de métabolisation de la caféine permet de la décomposer en trois métabolites principaux : la paraxanthine (80 %), la théobromine (11 %) et la théophylline (5 %), le reste de la caféine étant métabolisée en un petit nombre de métabolites, qui sont tous des substances de moindre importance. La majorité (environ 95 %) du métabolisme de la caféine est dictée par l’enzyme CYP1A2, qui fait partie du système enzymatique du cytochrome P450 dans le foie.
Après l’ingestion de caféine par voie orale, on observe des augmentations substantielles des concentrations de caféine dans le sang en 15 minutes, et les valeurs maximales sont généralement atteintes entre 30 et 60 minutes environ après la prise de caféine.
Cela peut cependant prendre jusqu’à 2 heures dans certains cas, car la rapidité de la vidange gastrique et la présence d’autres aliments peuvent avoir une influence sur la vitesse à laquelle la caféine apparaît dans le sang.
Dans le cas précis où la caféine est ingérée avec un chewing-gum, la vitesse d’absorption est d’environ 30 à 50 % plus rapide(16).
La demi-vie de la caféine (le temps nécessaire pour éliminer la moitié de la dose de votre circulation sanguine) est généralement estimée entre 3 et 6 heures.
De toute évidence, la vitesse à laquelle la caféine est métabolisée varie beaucoup selon les individus. L’enzyme CYP1A2 est en grande partie responsable du métabolisme de la caféine, et jusqu’à 72,5 %(17) de la variabilité de l’activité de l’enzyme CYP1A2 est déterminée génétiquement.
Nous obtenons tous nos allèles pour le gène CYP1A2 de nos parents biologiques, et nous avons trois options : nous pourrions obtenir deux copies de l’allèle “A”, deux copies de l’allèle “C”, ou une de chaque. Les personnes avec l’arrangement “AA” sont considérées comme des métaboliseurs rapides, tandis que les individus avec les génotypes “AC” ou “CC” sont considérés comme des métaboliseurs lents.
Bien que le génotype du CYP1A2 contribue certainement à expliquer une partie de la variabilité des demi-vies observées, il pourrait aussi expliquer une partie de la variabilité sur le plan des performances.
Si les études scientifiques sont loin d’être tranchées, une étude récente a montré que la caféine avait un effet ergogénique chez les participants “AA”, aucun bénéfice pour les participants “AC”, et que la caféine diminuait en fait les performances en endurance chez les participants “CC”.
On a émis l’hypothèse que les métabolites de la caféine pourraient contribuer de façon significative à l’effet ergogénique de la caféine(18), si bien que des vitesses différentes du métabolisme de la caféine pourraient modifier le rythme auquel les métabolites s’accumulent, modifiant ainsi la probabilité de l’apparition de cet effet ergogénique.
Une telle hypothèse pourrait signifier que les “métaboliseurs lents” pourraient simplement avoir besoin de recommandations différentes quant à la dose ou au moment opportun pour obtenir des avantages sur les performances, mais les preuves sont insuffisantes pour en tirer une conclusion définitive.
Pour compliquer les choses, il est fort probable que les réactions à la caféine soient liées, dans une certaine mesure, à des variations d’autres gènes.
Parmi les candidats probables, mentionnons le gène ADORA2A, qui code pour le récepteur A2A de l’adénosine, et divers gènes qui codent pour les protéines impliquées dans plusieurs systèmes de neurotransmetteurs dans le cerveau.
La vitesse de métabolisation de la caféine est également influencée par plusieurs facteurs autres que génétique. À différents degrés, l’activité de l’enzyme CYP1A2 peut être influencée par le sexe, le niveau d’œstrogène, la phase du cycle menstruel, l’utilisation de contraceptifs oraux, la composition corporelle, l’alcool, les flavonoïdes, le jus de pamplemousse, plusieurs légumes, la viande grillée, la fumée et une variété de médicaments vendus avec ou sans prescription médicale.
Dans l’ensemble, les données factuelles suggèrent que la caféine devrait être consommée entre 30 et 90 minutes avant un effort si vous espérez en retirer un bénéfice ergogénique.
Toutefois, comme nous l’avons mentionné dans cette partie, la vitesse à laquelle la caféine est métabolisée peut varier considérablement, ce qui aura une incidence sur le moment où la caféine doit être absorbée.
Ingrédients synergiques
En ce qui concerne la façon d’utiliser la caféine, il existe quelques ingrédients notables qui semblent très bien se combiner avec la caféine.
Bien que nous sachions déjà que l’épinéphrine et la noradrénaline ont tendance à augmenter en réponse à l’ingestion de caféine (ce qui augmente l’excitation et la vigilance), la dopamine est une autre catécholamine qui est souvent négligée dans la littérature scientifique.
L-tyrosine
La caféine peut favoriser la libération de dopamine et/ou la neurotransmission dopaminergique. Ceci est intéressant, car la L-tyrosine est un élément constitutif à partir duquel se forment la dopamine, l’épinéphrine et la norépinéphrine.
On sait que la tyrosine a des effets cognitifs propres, et certaines études montrent des effets positifs sur la mémoire, les capacités cognitives, le stress ressenti et le bien-être subjectif lorsqu’elle est associée à des facteurs de stress.
Bien que la L-tyrosine n’augmente pas nécessairement la production de catécholamines au repos, elle semble entraîner des effets cognitifs favorables en atténuant la diminution des catécholamines provoquée par le stress et la fatigue.
Il existe peu d’études qui évaluent directement la combinaison de la caféine et de la L-tyrosine. Et bien que cette combinaison soit peu susceptible de booster les performances, ce n’est certainement pas une mauvaise idée de s’assurer d’en avoir une bonne réserve pour la production de catécholamines, surtout si vous utilisez principalement la caféine pour améliorer votre vigilance et vos fonctions cognitives.
La plupart des études sur la L-tyrosine utilisent des doses assez élevées, souvent autour de 150 mg/kg, pour évaluer les effets de la L-tyrosine seule. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup d’études pour déterminer la dose adéquate lorsqu’elle est utilisée comme supplément pour soutenir les effets de la caféine, je spéculerais que des doses beaucoup plus faibles sont suffisantes, entre 1 et 2 g.
L-théanine
La L-théanine est un acide aminé non protéinogène présent principalement dans le thé vert. Dans certaines études, les effets bénéfiques de la L-théanine sur la relaxation, l’anxiété, l’attention et la qualité du sommeil ont été mesurés.
Ce qu’il y a de formidable avec la L-théanine, c’est que ses effets sont étonnamment complémentaires à certains des “inconvénients” de la caféine.
En effet, certaines personnes ressentent de l’anxiété, de l’agitation ou du stress lorsqu’elles sont trop “surexcitées” et sont incapables de bien se concentrer sur une action; sans parler du fait que la caféine perturbe le sommeil.
La L-théanine peut donc aider à atténuer certains de ces effets indésirables de la caféine et peut favoriser la relaxation sans effet sédatif, ce qui signifie que la L-théanine ne neutralisera pas l’effet recherché de la caféine en vous rendant somnolent.
De nombreuses études menées chez I’homme ont démontré qu’une combinaison de théanine et de caféine améliorait les facultés intellectuelles et l’humeur, et une étude chez le rongeur a montré que la théanine atténuait partiellement les troubles du sommeil causés par la caféine(19). D’une manière générale, les études humaines combinant la théanine et la caféine ont tendance à utiliser des doses de théanine d’environ 100-200 mg.
La théacrine
Un troisième supplément est parfois associé à la caféine : il s’agit de la théacrine, à ne pas confondre avec la théanine, malgré l’orthographe similaire. La théacrine (acide 1,3,7,9-tétraméthylurique) est un alcaloïde purinique présent dans un type de thé très spécifique, et sa structure est assez similaire à celle de la caféine.
Par conséquent, elle semble agir comme un antagoniste des récepteurs de l’adénosine et utiliser des mécanismes d’action similaires.
Les études portant uniquement sur la théacrine ont révélé des effets semblables à ceux observés avec la caféine, comme la sensation d’avoir plus d’énergie, d’attention et de concentration.
Une étude récente a évalué les performances physiques et intellectuelles en utilisant la théacrine, la caféine ou une combinaison des deux, comparativement à un placebo. Les trois protocoles ont montré une amélioration des performances en endurance par rapport au placebo, et aussi bien la caféine que la caféine + théacrine ont permis d’améliorer certains paramètres cognitifs.
Un aspect intéressant de la théacrine a été révélé par une étude montrant que ses effets ne semblaient pas s’estomper après 8 semaines d’utilisation quotidienne(20), et comme nous le verrons plus loin, on ne peut en dire autant de la caféine.
La théacrine met par contre un peu plus de temps à atteindre sa concentration sanguine maximale(21) par rapport à la caféine (environ 2 heures), et la caféine semble améliorer la biodisponibilité de la théacrine lorsqu’elles sont consommées ensemble, alors que cette dernière ne modifie en rien la pharmacocinétique de la caféine.
Concernant la demi-vie de la théacrine, elle est beaucoup plus longue que celle de la caféine, les estimations varient entre 16,5 et 26,1 heures dans une étude (selon la dose).
Un des inconvénients majeurs de la caféine est que vous risquez de perturber la qualité de votre sommeil si vous en consommez tard dans la journée, car sa demi-vie avoisine les 3 à 6 heures.
Bien qu’une étude ait révélé que 8 semaines de supplémentation quotidienne en théacrine ne causaient pas de problèmes d’innocuité majeurs(22), ils ont noté que la vigilance auto-évaluée était réduite après quatre semaines de supplémentation. Étant donné la longue demi-vie de la théacrine, j’aimerais que d’autres recherches évaluent les effets de la théacrine sur la qualité du sommeil, même lorsque la théacrine est consommée assez tôt dans la journée.
De plus, les auteurs de l’article ont noté que la théacrine pouvait avoir des effets bénéfiques sur le sommeil à de faibles doses, ce qui est en opposition aux effets favorisant l’éveil observés à des doses plus élevées.
Pour rendre les choses plus complexes, une étude sur les rongeurs a révélé que la théacrine améliorait paradoxalement la qualité du sommeil(23) et atténuait l’effet insomnifiant de la caféine.
Espérons donc que des études sur l’homme évaluant les effets de la théacrine sur la durée et la qualité du sommeil seront disponibles ; d’ici là, il est difficile de tirer une conclusion définitive.
Pour l’instant, on peut donc affirmer que la combinaison de L-tyrosine et de caféine est une bonne idée, même si des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer son efficacité dans la pratique.
En ce qui concerne la L-théanine, il existe de bonnes études chez l’homme démontrant qu’elle complète très bien la caféine. Concernant les effets de la théacrine, de nouvelles recherches suggèrent qu’elle exerce des effets similaires à ceux de la caféine, mais avec un délai plus long pour atteindre une valeur maximale et une demi-vie supérieure à la caféine.
Les études suggèrent également que la théacrine n’interfère pas avec les effets de la caféine lorsqu’elles sont combinées et pourrait être légèrement plus efficace que la caféine seule.
Les effets de la caféine diminuent-ils avec le temps ?
Si vous consommez régulièrement de la caféine, il est assez évident qu’il existe un certain degré d’accoutumance.
Avec une consommation régulière, notre corps développe une capacité de tolérance pour certains effets de la caféine.
Il existe quelques mécanismes qui contribuent probablement à cette tolérance. Comme nous l’avons déjà mentionné, bon nombre des effets de la caféine sont essentiellement attribuables aux récepteurs de l’adénosine fixant la caféine et selon certaines études menées chez des rats, la consommation régulière de caféine augmente le nombre de récepteurs, réduisant ainsi l’impact des effets de la caféine(24).
Il existe également des changements épigénétiques qui se produisent avec la consommation répétée de caféine. Un changement épigénétique désigne un changement au niveau des gènes, sans modification du code génétique.
On peut imaginer qu’il s’agit de faire varier l’activité des gènes par l’intermédiaire d’interrupteurs régulateurs. Les changements épigénétiques qui accompagnent la consommation régulière de caféine sont susceptibles de modifier le métabolisme de la caféine en influençant l’activité du gène CYP1A2 (et des autres gènes du système cytochrome P450) et donc la réaction à la caféine en modifiant les voies de la dopamine et de l’adénosine.
De toute évidence, certaines réactions à la caféine, comme les effets sur la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la vigilance et l’éveil, sont susceptibles de développer une certaine tolérance. Mais devenons-nous aussi insensibles aux effets ergogéniques de la caféine ?
Beaucoup d’études ont abordé cette question de façon assez indirecte en regroupant les participants selon leur consommation de caféine, puis en déterminant si la caféine était moins efficace chez les personnes qui en consommaient plus régulièrement.
Ces études ont donné des résultats mitigés, certaines d’entre elles mettant en évidence des signes de tolérance(25), et d’autres non(26).
Plus récemment, quelques études ont adopté une approche plus directe à cette question en donnant des doses de caféine de façon régulière sur une période de 3 à 4 semaines. Et même si ces études n’ont pas évalué les effets que le culturiste ou haltérophile aurait souhaité obtenir, les résultats sont néanmoins instructifs.
Dans une de ces études, les effets de la caféine sur les performances en endurance ont diminué après 28 jours avec une dose de 1,5-3 mg/kg par jour de caféine ingérée(27).
Dans une autre étude(28), les effets de la caféine sur les performances aérobiques et anaérobiques ont fait l’objet d’un suivi régulier sur une période de 20 jours.
Tous les résultats ne montrent pas les mêmes périodes d’accoutumance, mais ils suggèrent généralement que les effets ergogéniques de la caféine se sont estompés tout au long de l’étude.
Comme nous l’avons vu précédemment, cela pourrait signifier que les augmentations de performance dues à la caféine pourraient ne pas persister lorsqu’elle est utilisée au quotidien.
Par conséquent, la caféine devrait théoriquement être utilisée de façon stratégique pour permettre une amélioration des performances.
Je recommanderais donc d’utiliser la caféine uniquement pour vos séances d’entraînement ou vos compétitions les plus importantes, ou de faire périodiquement une pause sans caféine (au moins quelques semaines) pour vous “resensibiliser” et ainsi maximiser ses bienfaits sur l’amélioration de vos performances.
À ce sujet, si vous voulez réduire votre consommation de caféine, assurez-vous de tenir compte des symptômes de sevrage.
En effet, si vous consommez beaucoup de caféine et que vous cessez brusquement d’en prendre, des symptômes de sevrage apparaîtront probablement dans les 12 à 24 heures et atteindront leur intensité maximale dans les 24 à 48 heures qui suivent.
Ces symptômes comprennent généralement des maux de tête, une somnolence, un état de fatigue et d’irritabilité.
On peut aussi supposer sans risque de se tromper que vos performances sportives pourraient être légèrement affectées pendant cette période. Il serait donc judicieux de bien choisir quand vous prévoyez faire une cure de désintoxication de caféine.
Problématiques générales
Santé cardiovasculaire
La croyance selon laquelle la caféine est mauvaise pour le cœur est une idée fausse assez répandue, qui est probablement alimentée par deux facteurs principaux.
Tout d’abord, une forte dose de caféine provoque des changements perceptibles de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, en particulier chez les personnes qui en consomment occasionnellement. Intuitivement, cela peut être perçu comme un phénomène ponctuel avec des conséquences à long terme.
Qui plus est, certaines études épidémiologiques anciennes évoquaient des liens entre la consommation de café et les maladies cardiovasculaires. Malheureusement, un grand nombre de ces premières études ne prenaient pas en considération le fait que le café était très étroitement lié au tabagisme.
Soulignons que le café et la caféine ne sont pas exactement la même chose. Toutefois, si vous voulez évaluer les effets à long terme de quelque chose sur la santé, le mieux est de prendre en compte les données épidémiologiques.
Malheureusement pour nous, il n’existe pas vraiment de données sur les effets de la consommation régulière de suppléments de pré-entraînement ou de comprimés de caféine chez des dizaines de milliers de personnes pendant plusieurs décennies.
Par conséquent, étant donné l’utilisation répandue du café dans le monde entier, les études sur le café sont notre meilleur outil pour évaluer les risques cardiovasculaires liés à la consommation de caféine à long terme.
Dans les études qui tiennent suffisamment compte du tabagisme et d’autres facteurs importants, la consommation de café n’a pas été associée à une augmentation substantielle du risque de maladies cardiovasculaires. Au contraire, les études(29) tendent généralement à montrer que la consommation “modérée” de café, souvent définie comme une consommation comprise entre 1 à 5 tasses par jour, est en fait associée à une réduction des risques(30).
Au-delà de cette consommation, les études montrent généralement que les bienfaits pour la santé disparaissent, mais le risque cardiovasculaire ne semble pas être significativement élevé lorsque la consommation de café se situe entre des fourchettes moyennes.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, le gène CYP1A2 pourrait influencer les effets de la caféine sur les performances en influençant la vitesse du métabolisme de la caféine. Parallèlement, des auteurs ont étudié la possibilité que le génotype du CYP1A2 puisse influencer les effets de la caféine sur la santé.
Un article publié en 2006 a révélé que la consommation de café était associée à un risque de crise cardiaque(31) chez les personnes qui la métabolisent lentement, mais pas chez celles qui la métabolisent rapidement. Pareillement, un article publié en 2009(32) a révélé que la consommation de café était associée à un risque d’hypertension chez les métaboliseurs lents, mais pas chez les métaboliseurs rapides.
Bien que des études très récentes suggèrent que les métaboliseurs lents soient associés à des problèmes cardiovasculaires et un gain de performance faible, une étude suggère qu’un apport élevé en caféine est associé à une densité osseuse moindre chez les adultes âgés, mais uniquement chez les métaboliseurs rapides(33).
Cependant, il est important de noter que tous ces liens entre le génotype et les divers résultats sur la santé et les performances sont très limités dans leur nature.
En effet, une étude récente (et très vaste) a révélé qu’une consommation modérée de café était associée à un effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires(34), alors qu’une consommation importante (>6 tasses par jour) était associée à un effet négatif modeste sans être influencée par leur génotype.
Pour compliquer un peu les choses, la vérité est que le métabolisme de la caféine est probablement affecté, dans une certaine mesure, par plusieurs gènes(35).
Ainsi, nous ne faisons probablement qu’effleurer la surface des choses en ce qui concerne l’influence de nos gènes sur notre réaction individuelle devant la consommation de caféine.
Pour l’instant, la thèse la plus probable est que la caféine, consommée dans le café ou le thé, n’aura pas de conséquences néfastes pour la santé cardiovasculaire.
Il est possible que certains effets délétères soient observés si vous avez une consommation particulièrement élevée de caféine (l’équivalent de plus de 6 tasses de café par jour, soit environ 600 mg) ou si vous métabolisez la caféine lentement, et on ne peut exclure que ces effets diffèrent si votre source principale de caféine ne provient ni de café ni de thé.
Cela dit, la caféine n’est pas inoffensive pour tous. Les études suggèrent qu’une consommation élevée de caféine devrait être évitée chez les femmes enceintes, les personnes souffrant d’hypertension, les personnes âgées sujettes aux fractures et les personnes prenant un des nombreux médicaments connus pour leur interaction avec la caféine.
De plus, certaines personnes sont particulièrement sensibles à la caféine et ont tendance à être plus susceptibles de se sentir nerveuses, anxieuses ou incapables de dormir lorsque des doses modérées à fortes de caféine sont ingérées.
La dose létale de caféine est estimée à environ 10 grammes (10 000 mg)(36), mais il n’y a aucune raison que quelqu’un s’approche de cette valeur, et il serait imprudent de s’en approcher, étant donné la variabilité du métabolisme entre personne.
À titre d’exemple, des décès ont été signalés à des doses de 6,5 grammes et moins, alors que deux étudiants ayant reçu accidentellement des doses de 30 grammes(37) ont réussi à survivre, grâce à des soins intensifs et à la dialyse.
De façon générale, les études consacrées à l’innocuité de la caféine tendent à suggérer que les adultes en bonne santé devraient limiter leur consommation quotidienne de caféine à un maximum d’environ 400 à 600 mg/jour, selon la taille et le poids de corps.
Vasoconstriction / vasodilatation
Puisque nous avons abordé la question du système cardiovasculaire, il faut aussi parler des effets de la caféine sur les vaisseaux sanguins.
La caféine étant un antagoniste de l’adénosine, connue pour ses effets vasodilatateurs (dilate les vaisseaux sanguins et permet une meilleure circulation sanguine). Cela peut sembler problématique dans le cadre d’un exercice physique.
En effet, un effort intense exige que nous fournissions de l’oxygène et de l’énergie aux muscles qui travaillent et que nous ayons un débit sanguin suffisant pour éliminer toute accumulation localisée de métabolites associés à la fatigue.
C’est pour cette raison que de nombreuses personnes prennent des suppléments d’oxyde nitrique comme moyen d’augmenter le débit sanguin pendant l’exercice.
Mais bien que l’on puisse intuitivement supposer que la caféine provoquerait un rétrécissement des vaisseaux sanguins qui serait désavantageux pour l’exercice, les choses sont (heureusement) un peu plus complexes que cela.
Comme le souligne un article publié en 2010, la caféine affecte la dilatation et le rétrécissement des vaisseaux sanguins(38) de nombreuses façons, et parfois de façon opposée.
Ces effets sont à la fois directs et indirects sur une variété de stimuli physiologiques pour la constriction et la dilatation des vaisseaux sanguins, y compris l’adénosine, l’inositol triphosphate, et l’oxyde nitrique. En outre, les effets vasculaires de la caféine et de l’adénosine varient en fonction du type de tissu et de la durée de l’exposition.
Par exemple, l’adénosine induit une vasodilatation par les récepteurs A2A dans le système coronarien, mais provoque une vasoconstriction par les récepteurs A1 dans les artères pulmonaires et les artérioles afférentes des reins.
La réponse vasculaire globale à la caféine dépend en fait des phénomènes cellulaires qui affectent le système nerveux central, le système nerveux périphérique, les reins, les cellules endothéliales et les cellules des muscles lisses qui tapissent les parois des vaisseaux sanguins.
Dans l’ensemble, les auteurs de l’étude notent que la caféine cause généralement une constriction légère et temporaire de certains vaisseaux sanguins, mais qu’elle est globalement considérée comme un vasodilatateur.
Ceci est assez logique, étant donné que les suppléments pré-entraînement contenant de la caféine et de nombreux ingrédients ont démontré qu’ils induisaient une augmentation substantielle du débit sanguin(39).
Même si ces suppléments contiennent d’autres ingrédients connus pour favoriser la circulation sanguine, ces résultats suggèrent cependant que toute vasoconstriction induite par la caféine n’est pas assez puissante pour neutraliser les effets des messages contradictoires exigeant une vasodilatation.
Ainsi, les craintes que la caféine entrave un entraînement ou limite la congestion en causant des effets vasoconstricteurs importants ne sont pas à redouter(40).
Déshydratation
Une autre préoccupation courante au sujet de la caféine est qu’elle contribue activement à la déshydratation. En réalité, cette préoccupation est largement exagérée, pour deux raisons.
Il est vrai que la caféine a un léger effet diurétique, ce qui signifie qu’elle augmente le débit urinaire (et donc la perte de liquide).
Cependant, les méthodes les plus courantes d’ingestion de grandes doses de caféine impliquent aussi l’ingestion de liquides, comme une tasse de café ou une boisson énergisante.
Ainsi, bien qu’une tasse de café puisse légèrement augmenter le débit urinaire, elle fournit également plusieurs centaines de millilitres d’eau, et a donc un effet positif net en ce qui concerne l’hydratation. Une étude réalisée en 2016(41) a évalué le pouvoir hydratant de plusieurs boissons en surveillant l’équilibre hydrique dans les 4 heures suivant leur ingestion.
Le degré d’hydratation du café était inférieur à celui de l’eau ordinaire, mais pas de beaucoup, et certainement pas d’une importance suffisante pour être préoccupante.
De plus, on développe aussi une accoutumance à l’effet diurétique de la caféine(42), si bien qu’elle devient encore plus négligeable chez les personnes qui en consomment régulièrement.
Sommeil
Étant donné que la caféine a clairement un effet stimulant qui favorise l’éveil, il est tout à fait logique de considérer que la consommation de caféine tard le soir empêche de bien dormir.
Une étude réalisée en 2013(43) a évalué les effets de la consommation de caféine (400 mg) 0, 3 ou 6 heures avant de se coucher, et ce sur divers indicateurs de la qualité du sommeil.
Comparativement à un placebo, les trois périodes d’ingestion de caféine ont augmenté les troubles du sommeil et ont eu un impact négatif sur la qualité du sommeil. La conclusion importante à tirer de cette étude n’est pas que vous n’aurez pas de troubles du sommeil en limitant votre consommation de caféine dans les 6 heures précédant le coucher.
Cette étude nous indique que la consommation de caféine dans les 6 heures précédant le coucher est susceptible de perturber votre sommeil, mais elle ne nous dit pas quand nous devrions nous en abstenir pour éviter des problèmes de sommeil.
Il est possible que vous deviez éviter les troubles du sommeil si la dernière prise était 7 heures avant le coucher, 10 heures, 14 heures, ou 24 heures.
En se basant sur cette étude, c’est impossible à dire. Les résultats suggèrent que la durée est supérieure à 6 heures, mais nous ne pouvons pas en être certains.
En réalité, le moment exact de l’abstinence de caféine nécessaire avant le coucher dépend probablement de la dose de caféine, de votre consommation habituelle de caféine, de la rapidité avec laquelle vous la métabolisez, de votre sensibilité aux effets stimulants de la caféine et de votre degré de dépendance à cette dernière.
Par conséquent, toute personne ayant des troubles du sommeil devrait se demander si ses habitudes de consommation de caféine pourraient contribuer à perturber son sommeil, même si elle cesse d’en consommer tôt dans l’après-midi.
Avantages possibles pour la santé
Bien qu’une grande attention soit portée sur les potentiels effets néfastes de la caféine sur la santé, il est important de noter que les boissons caféinées (comme le café et le thé) et même la caféine seule présentent de nombreux avantages pour la santé.
Le café et le thé sont tous deux riches en antioxydants et autres substances bioactives, et des décennies de recherches suggèrent que la consommation modérée et régulière de café(44) et/ou thé(45) est associée à des effets bénéfiques et protecteurs sur la santé.
La consommation de ces boissons a été associée à une réduction du risque de mortalité, de certains cancers, de maladies du foie, de dépression, d’arthrite, de diabète de type 2 et d’autres troubles du métabolisme.
À savoir, il existe également des études qui suggèrent que la consommation régulière de caféine est associée à un risque moindre de développer certaines maladies neurodégénératives, dont la maladie de Parkinson et d’Alzheimer.
En résumé, la caféine a longtemps été considérée comme un ingrédient nuisible à la santé, mais cette mauvaise réputation s’est considérablement améliorée au cours des deux dernières décennies.
Il semble que la consommation régulière de doses modérées de caféine, le plus souvent sous forme de café ou de thé, ait même un effet bénéfique sur de nombreux aspects de la santé.
Ce qu’il faut retenir
- La consommation de caféine a un effet plus important sur les performances d’endurance que sur les performances de force.
- La plupart des études montrant des effets ergogéniques utilisaient des doses de 3-6 mg/kg de poids de corps, consommées environ une heure avant l’exercice.
- Les bienfaits de la caféine sur les performances semblent diminuer (dans une certaine mesure) avec le temps, et il est probable que les performances diminuent lorsqu’un consommateur de caféine éprouve des symptômes de sevrage.
- Il est vraisemblable que la co-ingestion de L-tyrosine et de L-théanine puisse renforcer certains des effets cognitifs de la caféine.
- Les problèmes de santé courants liés à la caféine sont souvent exagérés dans les limites d’une consommation normale (moins de 400 à 600 mg par jour), et la consommation régulière de thé et de café dans ces limites est associée à des effets neutres ou positifs sur un grand nombre de paramètres de santé.
- En raison de sa demi-vie assez longue, il serait bon de restreindre la consommation de caféine dans l’après-midi ou dans la soirée.
- Des différences génétiques peuvent influer les effets de la caféine sur la santé et les performances. Les gènes clés comprennent le CYP1A2 et ADORA2A, mais de nombreux autres sont susceptibles de jouer un rôle plus modeste.
Références