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La caféine est probablement l’une des substances les plus étudiées pour améliorer les performances, et l’une des molécules les plus utilisées dans le monde. Cela étant, certains des effets de la caféine diminuent avec une consommation régulière, dans la mesure où l’on développe une certaine tolérance.
Beaucoup d’entre nous en consomment sous une forme ou une autre, et beaucoup d’entre nous prennent également un supplément de pré-entraînement avec de la caféine comme ingrédient principal. La question qu’on peut se poser est : “votre café du matin entrave-t-il l’efficacité de votre pre-workout ?”. C’est ce que nous allons tenter de savoir ici. Les auteurs de l’étude que nous allons décrypter(1) ont cherché à déterminer si la consommation régulière de caféine en faibles quantités, en quantités modérées et en quantités élevées a un impact négatif sur ses effets ergogéniques.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Quarante cyclistes professionnels ou amateurs s’entraînant au moins quatre fois par semaine et parcourant au moins 150 kilomètres par semaine ont participé à cette étude. Les critères d’exclusion incluaient :
- L’utilisation de tout supplément alimentaire (à l’exception de glucides et de protéines) dans les six mois précédant l’étude.
- Toute utilisation antérieure de stéroïdes anabolisants.
Conception de l’étude
Il s’agissait d’une étude en double aveugle avec placebo, ce qui signifie que ni les participants ni les chercheurs ne savaient lesquels recevaient le placebo ou la caféine avant le test d’effort. Par ailleurs, les groupes ont été équilibrés pour que la VO2max soit la même dans les groupes ayant une consommation de caféine faible, modérée et élevée. Il y avait enfin, en plus du groupe placebo et du groupe caféine, un groupe témoin non supplémenté.
Les participants se sont rendus sur le lieu du test à six reprises. Lors de la première visite, les chercheurs ont relevé les caractéristiques descriptives et la VO2max, et ils ont fait remplir un questionnaire sur la fréquence de consommation des aliments afin de déterminer la consommation habituelle de caféine (Tableau 1).
Lors des deuxième et troisième visites, les participants se sont familiarisés avec le test de cyclisme contre la montre afin d’éliminer le facteur d’apprentissage dans la réalisation du test.
Enfin, lors des trois dernières visites (à au moins sept jours d’intervalle), les participants ont effectué des épreuves chronométrées après avoir consommé 6 mg/kg de caféine, un placebo ou aucun supplément (le groupe contrôle) dans un ordre aléatoire, à la même heure de la journée, après une période de jeûne de six heures, 60 minutes après l’ingestion du supplément.
Les repas et activités sportives au cours des 24 heures précédant chaque test ont été étroitement contrôlés, et les chercheurs ont veillé à ce que la consommation de caféine soit nulle la veille ou le jour du test (en dehors de la caféine en supplément prévue).
Épreuve de cyclisme contre la montre
Pour évaluer les performances, les participants devaient effectuer le plus rapidement possible une épreuve d’effort individualisée sur un vélo ergomètre, calculée en fonction de leurs performances au départ. Les participants n’étaient pas informés de la quantité d’efforts qu’ils devaient fournir ; on ne le leur disait que lorsqu’ils avaient effectué 25, 50, 75, 90 et 100 % de la quantité d’efforts requise.
Pour finir, le personnel sur place est resté le même tout au long de l’étude et les participants n’ont pas été encouragés verbalement de manière à uniformiser toutes les épreuves.
Résultats de l’étude
Différences dans les performances
Les auteurs de cette étude ont effectué une analyse complète, en utilisant non seulement des tests d’hypothèse nulle (analyses de modèles mixtes avec la consommation habituelle de caféine comme covariable), mais aussi une analyse de la taille d’effet et de probabilités, une analyse des différences individuelles et des corrélations pour déterminer si la consommation habituelle de caféine pouvait avoir des répercussions sur les performances.
Dans l’ensemble, la caféine a permis une amélioration significative des performances dans les épreuves de tests dans tous les groupes, sans différences entre les groupes lors de l’évaluation de la caféine comme covariable.
Le graphique 1 montre le temps nécessaire pour compléter les épreuves dans chaque condition : caféine, contrôle et placebo (un bâton plus bas signifie un achèvement plus rapide). De plus, il n’y avait pas de corrélation significative (r = 0,011, p = 0,524) entre la consommation courante de caféine et les performances.
Le tableau 2 illustre l’analyse de la probabilité d’observer un effet positif (égal ou supérieur au plus petit changement bénéfique), néfaste (égal ou supérieur au plus petit changement négatif) ou négligeable (inférieur aux deux plus petits changements négatifs ou positifs bénéfiques) dans chaque groupe de consommateur habituel (faible, modéré ou élevé), dans chaque condition (caféine, placebo ou contrôle).
En analysant les améliorations individuelles apportées par la consommation de caféine par rapport au groupe témoin, on a constaté que 8/14 (57,1 %) des consommateurs réguliers de caféine (faible), 7/12 (58,3 %) des consommateurs réguliers de caféine (modérée) et 5/14 (35,7 %) des consommateurs réguliers de caféine (élevée) ont obtenu de meilleurs résultats par rapport à la moyenne du test.
Les autres participants ont obtenu des résultats dans les limites de l’écart type, à l’exception de deux participants du groupe dont la consommation de caféine était faible et de deux participants du groupe dont la consommation de caféine était élevée, qui ont obtenu des résultats se situant hors des limites de l’écart type.
Toutefois, une comparaison statistique a révélé qu’il n’y avait pas de différence significative entre les groupes quant au nombre de résultats au-dessus, au-dessous ou à l’intérieur de la variance typique du test.
Dans le graphique 2, on peut voir le changement absolu en secondes de l’essai chronométré témoin par rapport au placebo et au groupe caféine, en fonction de la consommation habituelle de caféine.
Il faut tenir compte de la taille des marges d’erreur pour le groupe ayant une consommation élevée de caféine dans le graphique 2 (il s’agit de l’écart-type, qui est la variabilité de la réponse), des probabilités du tableau 2 pour le groupe ayant une consommation élevée en caféine et du nombre de personnes ayant obtenu une performance supérieure à la variance typique du test, car ces résultats seront pertinents dans l’interprétation.
Mes commentaires et interprétations
La caféine, avec la créatine, est l’un des suppléments pour améliorer les performances les plus étudiés qui soient. Contrairement à la créatine, la caféine est un stimulant dont les effets ergogéniques (mais pas tous) peuvent s’estomper avec une consommation régulière quand la tolérance augmente.
En effet, alors que la caféine modifie le flux sanguin cérébral, l’activité électrique et les perceptions subjectives de la fatigue et de l’énergie, il semble que la tolérance à la caféine annule principalement certaines des perceptions subjectives alors que les modifications neurophysiologiques demeurent(2).
Si vous lisez cet article, vous devriez vous intéresser tout particulièrement à l’impact de la caféine sur les performances à l’entraînement.
Globalement, si la caféine n’augmente pas de façon certaine la force maximale (bien que ce manque de certitude puisse être dû au fait que la caféine a un effet plus marqué sur la force maximale du bas du corps que sur celle du haut du corps(3)), des augmentations significatives des capacités physiques dans le cadre d’un entraînement de musculation ont souvent été observées(4).
Dans une étude, la supplémentation en caféine a amélioré le nombre de répétitions avant l’échec avec 60 % de 1RM d’une répétition (en moyenne) sur le squat, le bench press, le deadlift et le rowing, et les participants avaient rapporté des niveaux de douleur et d’effort plus faibles(5).
La raison pour laquelle cette étude m’intéresse, bien qu’elle porte sur l’entraînement aérobique, est qu’elle aborde spécifiquement la question de la tolérance à la caféine. Près de 83 % des Français consomment de la caféine sous de café, et ce chiffre est certainement plus élevé si l’on rajoute le thé, les sodas ou boissons énergisantes ou le chocolat.
Si la tolérance à la caféine résulte d’une consommation régulière, et si la tolérance réduit spécifiquement son effet ergogénique sur les efforts physiques, cela signifie qu’un grand nombre de personnes qui prennent des suppléments avant l’entraînement en retirent probablement un bénéfice moindre puisque la caféine est présente dans presque tous les pre-workout.
Se pose alors la question suivante : si une tolérance existe, dans quelle mesure cela diminue-t-il les effets ergogéniques de la caféine ? Et cette légère diminution des effets de la caféine est-elle suffisante pour limiter les performances ?
Deuxièmement, à quelle fréquence peut-on prendre un supplément de caféine avant l’entraînement sans développer une tolérance ? Bien que cette étude ne réponde pas à toutes ces questions, elle répond à certaines d’entre elles, et le résultat sera probablement un soulagement pour les consommateurs réguliers de caféine.
Commençons par parler des études qui ont déjà été réalisées dans ce domaine, qui nous donnent en fait des idées peu réjouissantes, dont certaines ne concordent pas avec les conclusions de la présente étude. En 2002, Bell et McLelan ont constaté que si les non-consommateurs de caféine (moins de 50 mg par jour) et les consommateurs réguliers (au moins 300 mg par jour) avaient un temps de résistance à l’épuisement plus long après avoir pris 5 mg/kg de caféine par rapport au placebo avant un test de cyclisme, l’amélioration des performances était plus importante chez les non-consommateurs(6).
Parallèlement, une étude plus récente a corroboré ces résultats, dans la mesure où les consommateurs de caféine en faibles quantités (moins de 75 mg par jour) ont amélioré leurs performances de façon plus importante en consommant 3 mg/kg avant un test de cyclisme, par rapport à la prise de cette même dose en consommant 3 mg/kg par jour pendant trois semaines(7).
Ainsi, il semble que la consommation régulière de caféine diminue partiellement, mais pas complètement, ses effets bénéfiques sur les performances lors d’exercices d’endurance.
La présente étude semble aller à l’encontre des résultats montrant que la consommation régulière ne diminue pas l’effet ergogénique, puisque les consommateurs qui consomment peu (2-101 mg/jour), modérément (104-183 mg/jour) et beaucoup (190-583 mg/jour) de caféine ont connu des améliorations similaires de leurs performances après avoir consommé 6 mg/kg de caféine avant le test.
Cependant, comme c’est souvent le cas, le diable est dans les détails.
Dans les deux études précédentes que j’ai citées, les écarts de dosage entre les consommations de caféine habituelles et la dose de caféine pre-entraînement étaient plus faibles.
Plus précisément, Bell et McLelan ont administré 5 mg/kg de caféine à des consommateurs réguliers ayant une masse corporelle moyenne de 77,3 kg ; il s’agissait d’une consommation d’environ 390 mg, ce qui était assez proche de leur consommation habituelle d’au moins 300 mg/jour(8).
De même, Beaumont a fourni la même dose pour favoriser l’accoutumance qu’avant le test d’effort, soit 3 mg/kg(9).
En revanche, les chercheurs de la présente étude ont fourni ~432 mg aux consommateurs habituels de caféine en petite quantité, ~450 mg aux consommateurs habituels de caféine en moyenne quantité, et ~456 mg aux consommateurs réguliers de caféine en grande quantité (en moyenne sur la base de la masse corporelle). Pour les groupes faible et modéré, ces doses étaient respectivement plus de quatre et deux fois supérieures à leur consommation quotidienne.
Dans le groupe de consommateurs de caféine en grande quantité, la fourchette de consommation était beaucoup plus large, allant de 190 à 583 mg/jour, ce qui signifie que la dose reçue avant le test de performance était de 2,4 fois la consommation habituelle jusqu’à seulement 78 % de celle-ci.
Par conséquent, alors que les différences évaluées (hypothèse nulle et corrélation) n’ont montré aucune différence entre les groupes dans l’amélioration des performances et aucune association entre la consommation habituelle et les performances, il y avait une plus grande variabilité dans l’amélioration des performances dans le groupe ayant une consommation régulière élevée après la prise de caféine (graphique 2).
Par ailleurs, un pourcentage plus faible de personnes ayant une forte consommation de caféine a obtenu des résultats supérieurs à la moyenne, et l’analyse basée sur les probabilités a montré que les consommateurs réguliers de caféine en quantité faible ou modérée avaient un effet ergogénique plus important que les consommateurs réguliers de caféine en quantité élevée (tableau 2). Dans l’ensemble, cela semble indiquer que plus la dose quotidienne est proche de la dose avant l’exercice, moins les effets bénéfiques de la caféine sont constants.
Cependant, il est peu probable que les effets ergogéniques soient complètement éliminés, car certains avantages ergogéniques subsistent même lorsque les niveaux de consommation régulière sont similaires au niveau de consommation avant l’exercice.
Là où les choses deviennent vraiment intéressantes, c’est quand on creuse sur les études concernant les mécanismes d’action de la caféine. Il est surprenant de constater que tous les mécanismes par lesquels la caféine exerce des effets ergogéniques ne sont pas entièrement compris.
Toutefois, on pense que la réduction de la perception de la douleur et l’augmentation de la mobilisation du calcium dans les cellules musculaires sont les deux mécanismes qui contribuent à l’amélioration des performances dans les sports de force(10).
La bonne nouvelle est que les consommateurs réguliers de caféine ne semblent pas développer d’accoutumance aux effets antidouleur de la caféine, même lorsque la quantité du pre-workout est similaire à la consommation habituelle(11).
Dans l’ensemble, nous pouvons donc conclure que l’accoutumance à la caféine a un faible impact sur ses effets ergogéniques lorsqu’elle est prise avant l’entraînement, et ce probablement uniquement chez les personnes ayant une consommation habituelle élevée de caféine.
Cet impact est susceptible d’affecter davantage l’entraînement en endurance que l’entraînement en force, et le degré de diminution de l’effet ergogénique dépend de votre consommation habituelle par rapport à votre prise avant l’entraînement.
Ce qu’il faut retenir
- Si vous consommez régulièrement de la caféine à raison de 1 à 2 mg/kg/jour (50 à 150 mg pour la plupart des femmes, 75 à 200 mg pour la plupart des hommes ou 1 à 3 tasses de café), vous bénéficierez probablement de la majorité des effets ergogéniques en consommant une dose modérée de caféine avant l’entraînement (+ de 3 mg/kg) pour un entraînement aérobique et de force.
- Si vous consommez habituellement des quantités élevées de caféine (+ de 3 mg/kg/jour ou plus de 4 tasses de café), une forte dose de caféine de l’ordre de 5-6 mg/kg aura toujours un certain effet ergogénique, mais probablement pas autant que si vous consommiez moins de caféine.
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Sources éditoriales et fact-checking