Le German Volume Training (GVT) introduit par Charles Poliquin à la fin des années 90 est un programme d’entraînement populaire parmi les personnes cherchant à augmenter leur volume et force musculaire. Ce protocole d’entraînement consiste à effectuer 10 séries d’un exercice spécifique (souvent 10 séries de 10 répétitions), ce qui résulte en un entraînement à haut volume.
L’objectif de l’étude(1) que nous allons décrypter était de comparer les effets de 10 séries de 10 répétitions par rapport à 5 séries de 10 répétitions en termes d’hypertrophie, de force et de masse maigre sur 6 semaines chez des pratiquants ayant au moins un an d’expérience en musculation.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Les participants étaient 19 hommes (non dopés) ayant au moins un an d’expérience en musculation et qui effectuaient au moins trois séances d’entraînement par semaine au cours des trois mois avant l’expérience.
Il y avait 10 personnes dans le groupe “10 séries”, et 9 personnes dans le groupe “5 séries”.
Les deux groupes se sont entraînés pendant 6 semaines. La taille des muscles, la composition corporelle (via le DXA) et la force (via des tests de 1RM) ont été évaluées avant et après les 6 semaines d’entraînement. Les exercices utilisés pour les tests de 1RM au début et à la fin de l’étude étaient le développé couché, le tirage vertical pour le dos et la presse à cuisses. Chaque groupe s’est entraîné trois jours par semaine, à des jours non consécutifs (c’est-à-dire le lundi, le mercredi et le vendredi).
Le programme d’entraînement des deux groupes est présenté dans le tableau 1 ci-dessous. Seuls les deux premiers exercices de chaque séance d’entraînement différaient entre les groupes, ce qui signifie que le programme “10 séries” et le programme “5 séries” ne différaient en volume que pour les deux premiers exercices de chaque séance, tandis que tous les autres exercices étaient effectués avec les mêmes séries et répétitions pour les deux groupes (4×10 pour les exercices 3 et 4 ; et 3×20 pour le dernier exercice). Ainsi, un total de 31 séries étaient effectuées par session pour le programme “10 séries”, et un total de 21 séries étaient effectuées par session pour le programme “5 séries” (nous reviendrons sur ce point ultérieurement).
Lors de la dernière série de chacun des deux premiers exercices de chaque séance, les participants ont effectué autant de répétitions que possible jusqu’à 10 (ils se sont arrêtés à 10, même s’ils pouvaient en faire plus). Cela a servi à déterminer la progression hebdomadaire des charges.
Par ailleurs, comme vous pouvez le voir dans le tableau 1, les squats et deadlifts n’ont pas été utilisés dans cette étude. Les auteurs ont indiqué que la raison de leur absence était que de nombreux sujets ne pratiquaient pas ces exercices régulièrement. C’est une raison valable pour écarter ces exercices, mais cela donne aussi un aperçu plus précis du niveau d’entraînement des participants et diminue la possibilité d’extrapoler ces résultats à ces exercices.

Crédit tableau © Docteur-fitness.com
Évolutions des charges
Une augmentation des charges de 5 à 10 % entre les sessions (non pas d’une semaine à l’autre, mais d’une session à l’autre) était appliquée lorsque les 10 répétitions étaient effectuées sur l’ensemble des séries. Il a aussi été noté que “la charge n’a pas été réduite pour permettre d’effectuer le nombre de répétitions visé”. Par ailleurs, il n’y a pas eu de description sur la manière dont la charge de travail pour les autres exercices (autre que développé couché, tirage vertical et presse à cuisses) a été modifiée, il semble donc que les pourcentages de départ aient été utilisés durant les 6 semaines, mais nous ne pouvons pas en être sûrs. De plus, comme aucun 1RM n’a été effectué sur ces autres exercices, on ne sait pas exactement comment la charge a été établie par rapport aux pourcentages pour ces exercices.
Intervalles de repos
60 secondes ont été accordées pour le repos ; cependant, les auteurs ont noté que 90 secondes ont été données au cours des dernières séries (ceci est également vague).
60 secondes ont été prises entre les exercices.
Analyses avant et après l’expérimentation
- La composition corporelle (c’est-à-dire la masse maigre) a été évaluée par absorptiométrie à double énergie en rayons X (DXA).
- L’hypertrophie a été évaluée en mesurant l’épaisseur des muscles à l’aide d’une échographie.
- La force a été évaluée avec un test de 1RM pour le développé couché, le tirage vertical et la presse à cuisses.
Régime alimentaire
Des carnets alimentaires de 3 jours ont été établis avant et après cette expérience, et les participants ont été invités à augmenter leur apport calorique tout au long de l’étude.
30 g de protéines de lactosérum (whey protein) ont été donnés à tous les sujets immédiatement après chaque session d’entraînement.
Résultats de l’étude
Épaisseur du muscle
Il n’y a pas eu d’augmentation significative de la taille des muscles pour les deux groupes ni de différences significatives entre les groupes. Cependant, il y a eu de petits changements (selon la taille d’effet, qui peut mettre en évidence un changement “significatif”) en faveur du programme “10 séries” pour la taille du muscle triceps (10 séries : +10,7 % contre +5,6 % avec 5 séries), et en faveur du programme “5 séries” pour la taille du muscle biceps (5 séries : +7,3 % contre +0,9 % avec 10 séries). Il se peut qu’il y ait eu des changements minimes, mais significatifs dans l’épaisseur des muscles. Il convient également de noter que les petites tailles d’effet auxquelles il a été fait allusion étaient respectivement de 0,35 et -0,40 (la seconde est négative, car elle a favorisé le programme 5 séries). En d’autres termes, ces petites variations de l’épaisseur des muscles signifiaient que ces participants n’étaient pas encore prêts pour s’exhiber sur la plage.
Force
Toutes les mesures de 1RM (développé couché, tirage vertical et presse à cuisses) ont augmenté au cours des 6 semaines pour les deux groupes.
Il est important de noter que l’augmentation des mesures de 1RM (développé couché (p=0,014) et tirage vertical (p=0,003)) a été significativement plus importante dans le groupe des 5 séries (développé couché : +14,9 % et tirage vertical : +15,1%) par rapport au groupe des 10 séries (développé couché : +6,2 %, tirage vertical : +4,5 %). Cependant, il n’y a pas eu de différence significative (p=0,27) entre les groupes pour l’augmentation de la 1RM à la presse à cuisses, mais une petite taille d’effet (-0,36) a favorisé le groupe 5 séries ; ainsi, il y a pu avoir une différence significative en termes de prise de force en faveur du groupe 5 séries pour la presse à cuisses.
Composition corporelle
D’après l’évaluation réalisée par DXA, plusieurs paramètres de la masse corporelle maigre ont augmenté (masse corporelle maigre totale, masse corporelle maigre du tronc et masse corporelle maigre des bras) au cours des 6 semaines dans les deux groupes. La masse maigre des jambes n’a pas augmenté. Le seul changement de composition corporelle pour lequel il y a eu une différence significative entre les groupes est la masse maigre du tronc en faveur du groupe des 5 séries (p=0,043). Aucune différence significative n’a été constatée entre les groupes pour toute autre mesure de la composition corporelle. Cependant, la valeur p pour l’interaction concernant la masse maigre des bras s’est rapprochée du seuil de signification en faveur du groupe des 5 séries. Cette valeur p était de p=0,083 et est considérée comme proche du seuil de signification car elle était supérieure au seuil de signification de 0,05, mais inférieure à 0,10. Comme pour la force, toutes les différences significatives entre les groupes pour la composition corporelle ont favorisé le groupe des 5 séries.
Mes commentaires et interprétations
De par sa conception, le volume de travail total (charge × répétitions) était significativement plus important pour le programme avec 10 séries par rapport au programme avec 5 séries, et le volume total était relativement important dans chaque groupe.
À première vue, le fait qu’il n’y ait que de faibles changements dans l’épaisseur des muscles peut paraître surprenant, car il est bien connu que le volume est un des principaux facteurs d’hypertrophie. Cependant, lorsque nous examinons la répartition des fréquences d’entraînement (tableau 1), on constate que certains groupes musculaires n’ont été entraînés qu’une fois par semaine dans le cadre de la présente étude, alors que les données actuelles suggèrent que 2 à 3 séances par semaine sont plus optimales pour la croissance musculaire(2). Il est cependant vrai que certains groupes musculaires ont été entraînés indirectement plus d’une fois par semaine (par exemple, les triceps ont été entraînés avec des extensions à la poulie et le développé couché) ; cependant, les principaux exercices de musculation n’ont été effectués qu’une fois par semaine, et certains grands groupes musculaires (par exemple, les jambes et les pectoraux) n’ont été entraînés qu’une fois par semaine. Il est vrai que la croissance musculaire est liée au volume d’entraînement(3) ; cependant, une progression reste difficile à repérer avec un cycle d’entraînement de courte durée (6 semaines) chez des personnes déjà entraînées, avec une fréquence d’un entraînement par semaine seulement pour la majorité des groupes musculaires. Il semble donc que dans la pratique, le volume d’entraînement devrait être réparti en plusieurs séances sur une semaine pour respecter les recommandations en matière de fréquence et de volume de travail.
Le programme composé de 5 séries a permis de gagner plus de force que le programme german volume training modifié composé de 10 séries. Comme pour l’hypertrophie, cela semble surprenant au premier abord, car un volume plus important est positivement corrélé à la force(4). Cependant, deux explications claires existent pour expliquer les résultats actuels en faveur du programme de 5 séries malgré un volume moindre :
- Le groupe des 5 séries s’est en fait entraîné avec un pourcentage de 1RM plus élevé au cours de la dernière semaine de l’expérience, même si la conception de l’étude prévoyait des intensités similaires dans les deux groupes (environ 4 % de plus pour le développé couché et le tirage vertical et 2 % de plus pour la presse à cuisse).
- Il existe des preuves tangibles qu’à court terme, une quantité modérée de volume produit en fait des gains de force plus importants qu’une quantité élevée de volume
Il faut du temps pour s’adapter à un volume d’entraînement plus important. Ainsi, si un volume de travail plus important est probablement meilleur pour développer la force sur la durée, si un individu ne possède pas un niveau d’entraînement suffisamment élevé et n’est pas encore prêt pour assumer un niveau de travail particulier, la récupération peut être perturbée, et un volume d’entraînement réduit peut donc être plus avantageux. Pour illustrer mon propos, les individus de cette étude avaient une certaine expérience en matière d’entraînement, mais n’étaient pas particulièrement expérimentés : les poids de départ de 1RM au développé couché étaient de 79,7 kg dans le groupe à 10 séries et de 70,7 kg dans le groupe à 5 séries.
Cela nous amène à une troisième interprétation, moins claire, des résultats obtenus au niveau de la force. En comparant les 1RM de départ, le groupe de 10 séries avait une 1RM supérieure de 9 kg par rapport au groupe de 5 séries (le groupe 5 séries avait également 11 kg en moins au tirage vertical et 10 kg en moins à la presse à cuisse lors des premiers tests). Ces différences ne sont pas significatives ; cependant, il convient de noter que le groupe 5 séries avait simplement un point de départ plus bas, et avait donc peut-être simplement plus de force à gagner. En fin de compte, le volume est important pour la force, mais un volume trop important trop tôt dans le cadre d’un programme d’entraînement peut nuire à la capacité de récupération. Le volume doit donc évoluer de façon progressive et méthodique avec le temps.
Concernant la composition corporelle, les deux groupes ont connu des changements favorables, mais les différences significatives entre les groupes ont toutes favorisé le groupe des 5 séries. Par conséquent, un volume modéré peut être supérieur pour gagner de la masse maigre à court terme (6 semaines) par rapport à un volume élevé chez les individus modérément entraînés. Il est possible que, comme pour la force, le programme des 10 séries ait entraîné un surmenage à court terme, ce qui a pu avoir un effet négatif sur la composition corporelle, même si un volume de travail élevé peut être meilleur quand on a une plus grande maturité en matière d’entraînement.
En résumé, le programme d’entraînement avec un volume de 5 séries de 10 a permis d’obtenir une hypertrophie similaire et une amélioration de la force plus importante que le German Volume Training modifié dans un mésocycle de courte durée de 6 semaines. Cela ne veut pas dire pour autant que le German Volume Training ne “fonctionne pas”. Souvenez-vous, le groupe de 10 séries est aussi devenu plus fort au cours des 6 semaines car le principe de base de la surcharge progressive a été respecté. Cela dit, même si le volume d’entraînement est important pour l’hypertrophie et la force, un volume trop important trop précocement n’est pas forcément le plus judicieux. À en juger aux 1RM de départ au développé couché (<80 kg), ces personnes avaient un niveau d’entraînement assez bas malgré le fait qu’elles aient pratiqué la musculation depuis au moins un an.
Ce qu’il faut retenir
- Chez les pratiquants peu entraînés, un volume d’entraînement modéré peut permettre des gains de force plus importants qu’avec un volume plus élevé.
- Cela confirme que le volume d’entraînement doit être adapté à son niveau et ne doit pas être augmenté trop rapidement pour les personnes ayant un faible niveau d’entraînement. Donc très mauvaise idée de débuter en essayant de suivre le dernier programme de tel ou tel athlète ou influenceur à la mode.
- Plutôt que d’effectuer un volume de travail important sur une seule séance, il est sans doute préférable de répartir le volume sur deux ou trois séances par semaine pour un exercice ou un groupe de muscles. Cette stratégie permettra de récupérer plus rapidement après une séance sans diminuer le volume hebdomadaire total.
Références