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Un grand nombre d’études(1) montrent que l’hypertrophie musculaire est similaire entre les entraînements avec des charges lourdes et les entraînements avec des charges légères, lorsque le nombre de séries allant jusqu’à l’échec est égal. Cependant, il existe très peu de recherches comparant les réactions moléculaires et la récupération entre les deux types d’entraînement.
Comprendre les différences intrinsèques entre l’entraînement avec charges lourdes et l’entraînement avec charges légères peut paraître pertinent uniquement pour des scientifiques, mais c’est aussi important d’un point de vue pratique. Généralement, lorsque deux actions conduisent au même effet par des mécanismes différents, ces deux actions sont susceptibles d’avoir des effets additionnels ou synergiques : vous pouvez bénéficier davantage des deux actions ensemble que vous ne pourriez obtenir de l’une ou l’autre action indépendamment. En revanche, si deux actions aboutissent au même effet par le biais du ou des mêmes mécanismes, il est peu probable que ces deux actions aient des effets additionnels ou synergiques : vous obtiendrez probablement des résultats plus importants en augmentant l’action A ou l’action B, mais vous ne pourrez pas obtenir de résultats plus importants en combinant A et B qu’en les utilisant séparément.
Savoir quelle “quantité de fatigue” est occasionnée par les différentes approches d’entraînement est un point clé pour progresser. Si deux approches conduisent à une croissance musculaire similaire, mais qu’il faut deux jours pour récupérer d’une approche et cinq jours pour l’autre, la première méthode d’entraînement serait probablement la meilleure option en pratique, car elle permettrait des fréquences d’entraînement plus élevées. Pour répondre à toutes ces questions, nous allons décrypter une étude(2) qui s’est penchée sur les effets de la fatigue et de la récupération avec des entraînements effectués soit avec des charges lourdes ou légères.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Les participants à cette étude étaient 15 jeunes hommes (âge : 22 ± 2 ans) pratiquant de la musculation. Pour être acceptés dans l’étude, ils devaient s’être entraînés au moins 3 fois par semaine pendant au moins 6 mois, dont au moins 1 séance par semaine pour le bas du corps.
Présentation du protocole
Un aperçu du protocole de l’étude est présenté sur le schéma 1. L’étude a suivi un plan croisé et s’est déroulée sur 5 visites s’étalant sur 2 semaines. La première session comprenait un test d’extension du genou, une seule répétition maximale (1RM). La deuxième session (qui a eu lieu 5 à 7 jours après la première session) était la première session d’entraînement à proprement dit. Elle incluait une électromyographie (EMG) pendant les séries, et des tests de performance avant et après l’entraînement, des biopsies musculaires du vaste latéral avant et après l’entraînement, une évaluation de la douleur avant l’entraînement et 90 minutes après l’entraînement, et une prise de sang avant l’entraînement, 15 minutes après l’entraînement et 90 minutes après l’entraînement. La troisième session a eu lieu deux jours après la deuxième session et comprenait un autre test de performance et une prise de sang. Le déroulement de la quatrième session reflétait celui de la deuxième session, et la cinquième session (48 heures plus tard) était une répétition de la troisième session.
Dans cette étude, tous les participants ont suivi un entraînement avec des charges lourdes (80 % de 1RM) et des charges légères (30 % de 1RM). L’ordre des deux séances a été choisi au hasard, de sorte que certains participants ont suivi un entraînement lourd le deuxième jour et un entraînement léger le quatrième jour, tandis que d’autres ont suivi un entraînement léger le deuxième jour et un entraînement lourd le quatrième jour. Les séances d’entraînement avec les deux types de charges comprenaient quatre séries d’extensions de jambes jusqu’à l’échec, avec trois minutes de repos entre les séries.
Mesures
La myoglobine sérique (un marqueur des lésions musculaires) a été déterminée à partir des prises de sang. Les proportions de fibres musculaires, l’expression des ARN musculaire et les taux de diverses protéines de signalisation ont été évalués à partir des biopsies effectuées avant et après l’exercice. Les performances musculaires ont été évaluées par dynamométrie isocinétique à des vitesses de 60, 180 et 300 degrés par seconde. Les mesures de l’EMG ont été enregistrées et normalisées par rapport aux valeurs de l’EMG obtenues lors de la contraction isométrique maximale. La douleur a été évaluée par algométrie sur les quadriceps, un instrument qui augmente la pression à un rythme régulier jusqu’à ce que la pression devienne douloureuse. La force au point de douleur a été enregistrée (plus de pression au point de douleur indique moins de douleur, et moins de pression au point de douleur indique plus de douleur).
Résultats de l’étude
La charge de travail sur les 4 séries était similaire dans les deux scénarios. Les mesures de l’EMG du muscle vaste latéral étaient, sans surprise, significativement plus élevées (p<0,05) pour toutes les séries, au début, au milieu et à la fin de chaque série pour soulever 80 % de 1RM. Les douleurs et la myoglobine sérique n’ont pas différé de manière significative entre les deux situations. Cependant, les taux de myoglobine semblent avoir été légèrement plus élevés 15 minutes après l’entraînement avec l’entraînement à 80 %.
Le couple de force isocinétique à toutes les vitesses était nettement plus bas immédiatement après l’entraînement à 30 %. Cependant, après 48 heures, il n’y avait pas de différences significatives entre les conditions du couple isocinétique à toutes les vitesses. Cela étant dit, la diminution du couple à 60 degrés par seconde semble avoir été légèrement (non significativement) plus importante 48 heures après l’entraînement avec des charges de 30 % (une diminution d’environ 17 % contre environ 10 %).
Il n’y a eu aucune différence significative au niveau de l’expression des gènes entre les groupes pour aucune des séquences d’ARN analysées ni aucune différence significative entre les groupes pour les taux des diverses protéines analysées.
De façon globale, une proportion plus importante de fibres de type II a eu tendance à être associée à des diminutions plus importantes des performances après un entraînement avec beaucoup de répétitions, et à des augmentations plus importantes de la protéine de signalisation p70s6k (qui est associée à l’hypertrophie) après l’entraînement. Cependant, aucune de ces corrélations n’était significative.
Mes commentaires et interprétations
Il y a beaucoup de points sur lesquels on peut se pencher. Commençons par les deux principales différences significatives entre les cas.
- L’EMG du vaste latéral était plus élevé dans le cas des charges lourdes. Comme la charge était plus lourde, il fallait s’y attendre. Cependant, comme nous l’avons déjà vu dans un précédent décryptage d’étude, cela ne signifie pas nécessairement que le recrutement total des unités motrices était plus important avec 80 % de 1RM. Cela signifie simplement que le recrutement simultané des unités motrices était plus important ; il est en effet tout à fait possible que toutes les unités motrices aient été recrutées au cours de chaque série avec les deux cas (30 % ou 80 % de 1RM), avec un recrutement simultané plus important avec des charges lourdes, et davantage d’unités motrices faisant des cycles (c’est-à-dire des unités motrices qui sont recrutées, puis qui quittent le pool de recrutement lorsqu’elles sont fatiguées) dans le cas des charges légères.
- Immédiatement après la dernière série, le couple de force à toutes les vitesses de contraction a été réduit de façon plus importante après l’entraînement avec charges légères. Ce n’est pas trop surprenant : les participants ont arrêté chaque série lorsqu’ils ne pouvaient plus développer 30 % de leur force maximale lors de l’entraînement avec des charges légères, et ils ont arrêté chaque série lorsqu’ils ne pouvaient plus développer 80 % de leur force maximale avec des charges lourdes. Forcément, leur capacité à produire un couple de force maximale était davantage réduite !
En ce qui concerne les différences significatives entre les groupes, il n’y a rien d’autre. Je le précise parce que je ne voudrais pas que des personnes tirent de cette étude des conclusions hâtives. À mon avis, les résultats les plus intéressants de cette étude étaient liés au fait que justement les données mesurées étaient identiques. Les différences possibles entre les catégories de charges que l’on peut dégager reposent sur des différences statistiquement non significatives. Par conséquent, toute autre conclusion est purement hypothétique.
Certaines des différences et tendances non significatives sont cependant assez intéressantes. Pour commencer, les lésions musculaires peuvent avoir été légèrement plus importantes dans le cas des charges lourdes, tandis que la récupération des performances peut avoir été légèrement plus lente avec les charges légères. Les taux de myoglobine sérique (un indicateur des lésions musculaires) ont augmenté près de quatre fois plus 15 minutes après l’entraînement avec des charges lourdes (non significatif, car la variabilité était élevée), tandis que le couple isocinétique à 60 degrés par seconde n’a diminué que d’environ 10 % 48 heures après l’entraînement avec des charges lourdes, contre environ 17 % après un entraînement avec des charges légères.
Il est intéressant de le souligner, car les lésions musculaires ont tendance à entraver la récupération des performances. De plus, comme l’EMG était plus important avec un entraînement avec des charges lourdes, il est probable que s’il y avait eu une différence au niveau du système nerveux, il y aurait eu plus de fatigue nerveuse après un entraînement avec des charges lourdes qu’avec un entraînement avec des charges légères. Les auteurs supposent que la baisse des taux de calcium et éventuellement de glycogène (qui entraverait la concentration de calcium) explique les baisses de performance plus importantes 48 heures après l’entraînement avec des charges légères.
De plus, il est intéressant de constater des associations quasi significatives entre la proportion de fibres de type II et les baisses de performance suite à un entraînement avec des charges légères et les taux de p70s6k phosphorylés.
Selon moi, les athlètes naturellement plus explosifs ont tendance se développer plus rapidement lorsqu’ils commencent à soulever des charges, ils ont aussi tendance à s’épuiser beaucoup plus rapidement lorsqu’ils augmentent leur volume de travail. Cette étude fournit un certain degré de validation de ce constat (du moins si l’on suppose que les athlètes ayant une plus grande proportion de fibres de type II sont plus explosifs, une hypothèse plutôt sûre).
Examinons maintenant quelques-unes des non-différences. Les taux d’IL-6, de TNF-α, de PGC-1α, de MSTN et des trois ARNm de la MHC (myosine) ont été augmentés à des proportions similaires après un entraînement avec des charges lourdes et légères. L’IL-6 et le TNF-α sont impliqués dans la signalisation inflammatoire, le PGC-1α est impliqué dans la biogenèse mitochondriale, le MSTN (myostatine) supprime la croissance musculaire, le MHC-I code pour la principale protéine contractile dans les fibres musculaires de type I, et le MHC-IIa et le MHC IIx codent pour la principale protéine contractile dans les fibres musculaires de type II. Il est particulièrement intéressant de noter que les trois ARNm de la MHC ont été affectés de manière similaire par les deux types de charges. Cela remet en question l’idée que l’entraînement avec des charges lourdes agit préférentiellement sur les fibres musculaires de type II, et que l’entraînement avec des charges légères agit préférentiellement sur les fibres musculaires de type I. Il est également intéressant, du moins pour moi, que l’ARNm du PGC-1α ait été augmenté de manière similaire avec les deux types de charge. Je me serais attendu à des élévations plus importantes après un entraînement avec charges légères pour expliquer les gains plus importants en force et en endurance généralement observés après un entraînement avec charges légères.
Non seulement les ARNm ont été impactés de manière similaire par les deux types de charges, mais les taux de protéines impliquées dans la cascade de signalisation anabolique ont également augmenté dans les deux types de charge. Cela suggère que l’entraînement avec des charges légères ne provoque pas une “hypertrophie sarcoplasmique”, mais qu’il régule véritablement les voies de signalisation qui conduisent à l’accumulation de protéines contractiles au même titre que l’entraînement avec des charges lourdes.
Cette étude comportait toutefois quelques points obscurs. En effet, elle a fait appel à des personnes ayant une certaine expérience en matière d’entraînement (ce qui va à l’encontre de l’idée selon laquelle un entraînement avec des charges légères n’entraînerait une croissance musculaire que chez les personnes non entraînées), mais il est cependant peu probable qu’elles aient une grande habitude de travailler avec des charges légères. Ainsi, certaines des différences et des absences de différences observées peuvent être attribuables au caractère nouveau de l’entraînement. Par exemple, il se peut que la signalisation anabolique diminue avec la répétition des entraînements avec des charges légères à un niveau inférieur à celui des entraînements avec des charges lourdes (ce qui est peu probable, à mon avis, puisque de nombreuses études sur l’entraînement avec des haltérophiles expérimentés ont montré une croissance musculaire similaire entre les entraînements avec des charges lourdes et des charges légères(3)(4)), et il se peut que la fatigue persistante observée après un entraînement avec des charges légères diminue à mesure que les pratiquants s’habituent au stimulus (ce qui me semble plus probable, du moins à mon avis).
Alors, que peut-on retenir de cette étude ?
Pour commencer, il semble que les réponses moléculaires soient très similaires lors de l’entraînement à l’échec avec 80 % de 1RM et 30 % de 1RM. Cela confirme une pléthore de données antérieures selon lesquelles l’entraînement avec des charges légères peut être utilisé pour prendre de la masse musculaire aussi efficacement que l’entraînement avec des charges lourdes. Par ailleurs, cela confirme des études antérieures montrant que l’entraînement avec charges lourdes et légères entraîne une croissance similaire des fibres de type I et de type II(5) et nous fournit la preuve que l’hypertrophie après un entraînement avec charges légères n’est probablement pas le résultat d’une “hypertrophie sarcoplasmique”.
Cela dit, étant donné que la puissance de couple était toujours plus réduite 48 heures après l’entraînement avec charges légères, cela remet en question l’utilité d’utiliser fréquemment l’entraînement avec charges légères dans votre programme dans une situation réelle, d’autant plus que cela semble faire appel aux mêmes types de mécanismes que l’entraînement avec charges lourdes, et que cela ne peut donc pas avoir d’effet additionnel sur l’hypertrophie. Il convient également de noter que les deux études précédentes qui ont testé une combinaison d’entraînement avec charges lourdes et légères par rapport à un entraînement exclusivement avec charges lourdes (~75-80 % du 1RM) n’ont pas trouvé de différences significatives dans l’hypertrophie(6)(7). Ma recommandation est donc la suivante : utilisez principalement l’entraînement avec des charges légères pour les exercices secondaires (si vous en faites), et travaillez avec lors de séances d’entraînement où vous aurez un jour ou deux pour récupérer avant votre prochaine séance (par exemple, si vous faites du développé couché le lundi et le jeudi, il serait préférable de faire votre entraînement avec des charges légères le jeudi pour vous donner plus de temps pour récupérer avant votre prochaine séance de développé).
L’entraînement avec des charges légères est aussi une excellente option lorsque l’on s’entraîne en dépit de certaines douleurs. Cela vous permet de stimuler la croissance musculaire tout en exerçant des forces beaucoup moins importantes sur vos articulations et vos tissus mous. Vos muscles seront davantage éprouvés(8) par des brûlures intenses, mais vos articulations et vos tissus mous seront soulagés. Et, bien sûr, pour les entraînements de tous les jours, si vous appréciez avoir une énorme congestion avec un exercice effectué avec des charges légères, n’hésitez pas à le faire (mais ne vous emballez pas sur le volume de travail).
Ce qu’il faut retenir
- L’entraînement avec des charges légères peut être utilisé pour stimuler la croissance musculaire tout aussi efficacement que l’entraînement avec des charges lourdes.
- Toutefois, la fatigue peut persister plus longtemps après un entraînement avec des charges légères, ce qui pourrait limiter la fréquence d’entraînement et, en fin de compte, le volume d’entraînement hebdomadaire.
- L’entraînement avec des charges légères est un moyen efficace de maintenir ou de gagner de la masse musculaire lorsque l’entraînement avec des charges lourdes est impossible, mais vous ne devriez pas trop y recourir pour votre entraînement quotidien, sauf dans les situations où vous avez un jour ou deux de plus pour récupérer, ou lorsque vous entraînez des groupes musculaires pour lesquels les performances n’ont pas d’importance (par exemple mollets ou avant-bras si vous êtes un powerlifter).
Autres conseils pour optimiser vos performances
Sources éditoriales et fact-checking