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Si vous voulez immédiatement être dans un état prêt à soulever vos charges les plus lourdes, alors renifler de l’ammoniac devrait faire l’affaire. Mais le but d’inhaler de l’ammoniac n’est pas juste de se mettre dans un état déchaîné ; c’est surtout pour soulever des charges plus lourdes lors de compétitions. Dans cette optique, le reniflage de cette douce odeur d’ammoniac est-il à la hauteur de sa réputation ?
Pour tenter de répondre à cette question, l’étude que nous allons décrypter(1) a examiné si l’inhalation d’ammoniac (aussi appelé sels d’ammonium ou nose tork), permettait d’améliorer sa RM au soulevé de terre chez 10 hommes et 10 femmes.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Il y avait 20 haltérophiles au total (10 hommes et 10 femmes), et tous avaient au moins deux ans d’expérience dans la pratique du soulevé de terre (deadlift). Les participants n’ont pas effectué d’entraînements lourds supplémentaires (en plus de ce qu’on leur demandait de faire pendant toute la durée de l’étude) et n’ont pas modifié leur apport calorique avant chaque séance de test. Par ailleurs, les participants n’avaient aucune expérience antérieure dans l’utilisation de sels odorants. Les statistiques détaillées de tous les participants sont regroupées dans le tableau 1.
Protocole de l’étude
Les athlètes ont évalué leur 1RM au deadlift sur trois jours différents avec un intervalle de 72 heures entre chaque épreuve. Au cours de la première évaluation, les participants ont évalué leur RM de “référence” sans avoir inhalé de substance.
Un inhalateur d’ammoniac ou un inhalateur d’eau ont ensuite été utilisés au cours des deuxième et troisième évaluations. L’ammoniac utilisé se présentait sous forme de capsules à craquer (usage unique). Afin que les participants ne sachent pas ce qu’ils allaient inhaler jusqu’au dernier moment, les scientifiques ont utilisé un contenant opaque qu’ils agitaient immédiatement avant de briser pour libérer l’ammoniac.
Pour l’inhalateur d’eau, l’ensemble du dispositif était identique, sauf que la capsule était remplie d’eau. Lors de l’inhalation, les participants devaient être préparés pour soulever la charge, c’est-à-dire les pieds placés sous la barre, la ceinture attachée et les sangles de tirage en place (oui, les sangles étaient autorisées). Ils ont ensuite inhalé le contenu du flacon une fraction de seconde et ont effectué leur tentative au deadlift dans les 15 secondes suivant l’inhalation.
Les Tentatives au deadlift
Avant de tenter de réaliser un PR (personal record, en français record personnel) par rapport à leur 1 RM effectué 72 heures auparavant, les participants ont d’abord effectué une seule répétition à 90 et 95 % de leur 1RM de base après s’être échauffés avec des charges plus légères.
Par la suite, les haltérophiles ont exécuté leurs tentatives avec les intensités suivantes : 100 % de 1RM, 102.5 % de 1RM, 105 % de 1RM, et 107.5 % de 1RM. Un haltérophile avait une deuxième occasion de réussir une tentative ratée, avec trois minutes de repos entre chaque tentative. L’ensemble du protocole est présenté dans le tableau 2.
Résultats de l’étude
Les résultats de cette expérience sont simples : il n’y avait pas de différence entre les deux paramètres au deadlift chez les 20 participants (p=0,874) ou entre les hommes et les femmes (p=0,559). Cela signifie que l’inhalation d’ammoniac utilisée n’a pas amélioré les performances au deadlift pour l’ensemble des participants, et qu’elle a eu le même effet (ou plutôt non-effet) aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
Mes commentaires et interprétations
Malgré l’utilisation répandue de l’ammoniac dans les compétitions de powerlifting(2), la conclusion de cette expérience s’ajoute aux résultats d’autres études suggérant une absence de bénéfices apportés par l’ammoniac inhalé.
Dans une autre étude, Perry et ses collaborateurs(3) ont montré que la force de tirage maximale n’était pas améliorée avec une inhalation d’ammoniac. Idem pour Richmond et ses collaborateurs(4), qui ont constaté que l’inhalation d’ammoniac n’était pas efficace pour améliorer le nombre de répétitions effectuées à 85 % de 1RM au squat et au développé couché chez des pratiquants ayant au moins 3 ans d’expérience.
Il est important de rappeler que dans une enquête menée auprès de plus de 300 athlètes de powerlifting, plus de la moitié ont déclaré utiliser de l’ammoniac(5). Alors, puisque les résultats sont si peu convaincants, pourquoi l’utilisation d’ammoniac est-elle si importante ?
Bien que les études existantes remettent en question l’efficacité de l’inhalation d’ammoniac pour améliorer la force maximale, le facteur “psychostimulant” provoqué par l’ammoniac est réel.
Concrètement, inhaler de l’ammoniac irrite les muqueuses entourant le nez et les poumons, augmentant ainsi le débit sanguin dans l’artère cérébrale moyenne, et le rythme cardiaque(6), favorisant ainsi une plus grande vigilance et un débit de respiration élevé(7). En raison de ces effets, l’utilisation la plus courante de l’ammoniac est celle d’un secouriste qui l’utilise sur une personne évanouie. Ainsi, l’utilisation originale (“pour réveiller quelqu’un”) de l’inhalation d’ammoniac a du sens. Mais cela ne semble pas se traduire par une force plus importante sur 1RM. Et pourtant, puisque nous nous sentons tous surexcités après avoir reniflé de l’ammoniac, l’effet placebo vaut-il la peine d’être considéré ? Oui, mais la littérature existante ne montre pas d’effet placebo sur les performances. Toutefois, pensez à ceci : la présente étude ne pouvait pas vraiment être à double insu dans les deux cas.
Si les participants savaient qu’il y a une inhalation d’ammoniac ou autre chose, et que dans la première situation expérimentale, ils inhalaient de l’ammoniac, alors ils savaient que la prochaine fois ils auraient un placebo et inversement.
Dans une étude à double insu, vous pouvez concevoir un placebo avec une capsule ou un liquide de la même couleur ou du même goût que le produit de comparaison afin que ni les scientifiques ni les participants ne connaissent les effets de leur utilisation avant la fin de l’étude. Par conséquent, les études portant sur l’ammoniac ne peuvent pas être véritablement en double aveugle, de sorte que l’effet placebo n’est pas vraiment susceptible de se produire (s’il existe).
Cela dit, admettons une seconde qu’en pratique, l’effet placebo existe bel et bien avec l’ammoniac : est-ce que cela en vaut la peine ? En principe, je dirais “non”. Dépenser de l’argent pour quelque chose (comme un complément) qui ne fonctionne pas vraiment n’est pas franchement la meilleure façon d’utiliser son argent ou son temps. Néanmoins, vous pouvez acheter une boîte d’ampoules d’ammoniac pour 10 euros. Si vous participez à trois compétitions de powerlifting par an et que vous utilisez une ampoule d’ammoniac seulement lors de votre troisième tentative pour chaque exercice, cela représenterait neuf capsules par an. Ainsi, le coût de votre dépendance aux capsules d’ammoniac serait <10 euros par an, ce qui est assez peu.
Donc même si d’un point de vue purement scientifique, les preuves ne permettent pas de recommander l’utilisation d’ammoniac ; si vous avez envie d’utiliser de l’ammoniac en tant que stimulant, je ne me permettrais pas de vous en dissuader.
Cela dit, si vous voulez utiliser de l’ammoniac, je vous déconseille d’en abuser, et il n’y a aucune raison de l’utiliser systématiquement pendant vos entraînements. Elle devrait plutôt être réservée pour une troisième tentative lors d’une compétition et peut être une fois par an lors d’une tentative de PR pendant l’entraînement.
La raison pour laquelle une utilisation d’ammoniac pendant une séance d’entraînement pourrait être bénéfique est que l’expérimentation de nouvelle chose le jour J n’est généralement pas une bonne idée. Bien que l’ammoniac puisse vous donner un coup de fouet, cela ne vient pas sans vous faire larmoyer avec parfois un léger étourdissement. Si vous expérimentez cela pour la première fois juste avant votre troisième tentative au deadlift lors d’une compétition, les choses pourraient mal tourner.
Qui plus est, de nombreux haltérophiles ou powerlifters abordent de manière différente leur tentative. Certains athlètes sont surexcités, tandis que d’autres abordent la barre avec calme et concentration pour établir leur record personnel.
Il est inutile d’utiliser de l’ammoniac pour utiliser l’ammoniac. Si vous êtes une personne calme, l’ammoniac n’est probablement pas fait pour vous.
Pour information, aucun effet indésirable grave lié à l’utilisation intensive d’ammoniac n’a été signalé. Évidemment, des effets indésirables pourraient survenir en cas d’exposition prolongée et élevée à l’ammoniac, mais à ma connaissance, il n’existe aucune donnée démontrant un effet nocif lorsque l’ammoniac est utilisé pendant une fraction de seconde par inhalation comme dans la présente étude.
Si vous choisissez d’utiliser de l’ammoniac, la capsule, ampoule ou flacon doivent être tenus à une distance d’environ 10 cm de votre nez, et une fraction de seconde seulement est nécessaire pour le renifler.
À garder en tête, il est possible que les effets soient différents pour les habituées à l’ammoniac. Donc attention aux débutants qui travaillent encore sur la technique, il est fort possible que la réaction à l’ammoniac compromette l’exécution de votre exercice. Le squat, le développé couché et le soulevé de terre sont très techniques à effectuer, l’arraché et l’épaulé-jeté encore plus, donc toute désorientation causée par l’ammoniac pourrait avoir eu un effet négatif sur la technique, alors prudence.
Quel ammoniac acheter ?
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Ce qu’il faut retenir
L’inhalation d’ammoniac est capable de vous secouer avant de soulever une charge lourde, mais il n’y a aucune preuve concrète démontrant que l’ammoniac augmente réellement votre force au squat, développé couché, deadlift ou autre exercice de musculation ou d’haltérophilie.
Si vous choisissez d’en faire usage, il peut être conseillé de le tester une fois à l’entraînement pour que le choc de la stimulation ne soit pas gênant lors d’une compétition.
Restez fidèle à vous-même. N’utilisez pas de l’ammoniac uniquement pour le plaisir ou pour avoir l’air cool. Utilisez-le parce qu’il correspond à votre personnalité et à votre façon de vous préparer.
Autres conseils pour optimiser vos performances
Sources éditoriales et fact-checking