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Faire du squat et du deadlift (soulevé de terre) avec un grand nombre de répétitions pourra certainement vous essouffler. Mais cela signifie-t-il que ces exercices de musculation peuvent améliorer vos capacités aérobiques aussi bien que le cardio HIIT classique ?
Un entraînement cardiovasculaire présente de nombreux avantages. Les plus connus sont liés à la santé et pour cause : une bonne condition physique cardio-respiratoire est un bon indicateur de longévité(1). Par ailleurs, la santé cardio-respiratoire ou cardiovasculaire peut également apporter certains avantages aux athlètes qui pratiquent des sports de force. Une meilleure capacité cardiorespiratoire peut améliorer votre capacité de récupération entre les séries et, par conséquent, le volume d’entraînement que vous pouvez endurer pendant une séance.
Hélas, la plupart des athlètes de force n’aiment pas particulièrement faire de cardio, c’est un fait indéniable. Si vous pratiquez un sport qui consiste à soulever des charges les plus lourdes possible, il est alors tout à fait concevable que le cardio ne vous fasse pas vibrer.
De ce fait, beaucoup de gens se demandent s’ils peuvent profiter des bienfaits d’un entraînement de cardio en faisant simplement leur entraînement avec un grand nombre de répétitions, ou en prenant des temps de repos courts. Vous serez essoufflé après une longue série de squats ou de deadlifts, et donc ce type d’entraînement serait un bon moyen pour améliorer sa condition physique et cardiovasculaire, pourrait-on croire.
Il est également avancé que la pratique d’un entraînement de musculation avec beaucoup de répétitions pourrait aider à atténuer l’effet d’interférence : le fait que les gens gagnent généralement moins de masse musculaire et de force en faisant à la fois de la musculation et du cardio, plutôt que de la musculation seule(2).
La présente étude que nous allons décrypter(3) avait pour but de vérifier ces théories. Pendant 8 semaines, un groupe de powerlifters et de strongmen de compétition ont effectué deux séances d’entraînement par intervalles de haute intensité (HIIT) par semaine, en faisant soit des squats et des deadlifts avec 60 % de 1RM soit des sprints à vélo.
Décryptage de l’étude
Objectif de l’expérience
Les deux questions principales de l’étude étaient les suivantes :
- Est-ce que des squats et des deadlifts avec un grand nombre de répétitions peuvent atténuer l’effet d’interférence par rapport aux sprints à vélo (ou même fournir un stimulus positif supplémentaire pour les adaptations de force), permettant des gains plus importants de force ?
- Les squats et les deadlifts avec un grand nombre de répétitions permettraient-ils d’augmenter les capacités cardio-pulmonaires de façon similaire aux sprints à vélo ?
Participants et méthodes
Participants
Les participants étaient 16 hommes ayant au moins 2 ans d’entraînement d’expérience, âgés de 21 à 28 ans. Tous étaient des athlètes de force qui participaient à des compétitions, avec un mélange de powerlifters et de strongmen. Ils ont été répartis au hasard dans deux groupes de huit personnes.
Deux personnes de chaque groupe ont indiqué qu’elles effectuaient un entraînement aérobique en plus de leur entraînement de force, tandis que les six autres dans chaque groupe ont indiqué ne pas pratiquer d’entraînement aérobique complémentaire. Tous les athlètes ont indiqué qu’ils étaient dans une période d’hypertrophie ou de force et qu’ils s’entraînaient 2 à 5 fois par semaine avec des charges comprises entre 60 et 85 % de leur 1RM, et entre 7 et 8,5 de RPE (niveau d’effort perçu).
Comme ils ont fourni un RPE avec une décimale, cela signifie qu’ils utilisaient probablement une échelle de RPE basée sur le nombre de répétitions, donc un RPE de 7 à 8,5 signifie qu’ils poussaient généralement sur chaque série jusqu’à ce qu’il leur reste 1,5 à 3 répétitions avant l’échec.
Mesures
Le test sur step de 3 minutes (appelé test YMCA) a été utilisé pour évaluer la VO2max. Ce test consiste à demander aux participants de faire des montées sur un step de 30 cm pendant trois minutes, à raison de 24 montées par minute avec une cadence rythmée par un métronome. À la fin du test, la fréquence cardiaque est mesurée pendant une minute. La VO2max est alors estimée en utilisant l’équation (pour les hommes) : 111,33 – (0,42 x nombre de battements par minute). Il a été démontré que cette estimation est très proche à la VO2max mesurée (r = 0,83) dans la population générale(4).
La force a été évaluée en mesurant des extensions de jambe/genou. Ce mouvement a été choisi à la place des squats ou des deadlifts, car les participants étaient habitués de ces exercices, mais personne n’en faisait dans leur entraînement à ce moment-là.
L’entraînement en force des participants n’étant pas contrôlé, les chercheurs ont voulu s’assurer que l’évaluation de la force n’était pas trop affectée par les différents programmes d’entraînement des participants (c.-à-d. que la force au squat peut évoluer considérablement en 8 semaines en passant d’intensité faible à forte ou d’élevée à réduite, mais la force d’extension de genou ne fluctuerait pas tant que ça).
Tous les participants pouvaient faire au moins deux répétitions avec toute la pile de poids de l’appareil d’extension de genou, si bien que le calcul de la RM basée sur la formule de Dohoney(5) a plutôt servi à mesurer la force que la RM. L’équation utilisée était 82,07 + (0,76 x poids) + (5,66 x répétitions), et les 1RM estimés ont montré une bonne corrélation (r = 0,82) avec les 1RM réelles.
Entraînement
Un groupe était étiqueté AM (pour Aerobic Mode) et l’autre, SM (pour Strength Mode).
Le groupe AM a effectué du HIIT deux fois par semaine en faisant des sprints sur vélo. Chaque séance commençait par un échauffement de 5 minutes à une RPE de 5-6 sur une échelle de Borg modifiée de 0 à 10 (0 représentant aucun effort et 10 représentant un effort maximal), suivi de 7 sprints de 30 secondes avec une RPE de 8-9 avec des intervalles de 90 secondes de repos (RPE entre 5 et 6). Le sprint final a été suivi d’un temps de récupération de 5 minutes à 4-5 de RPE.
Le groupe SM a effectué du HIIT deux fois par semaine en utilisant des squats un jour et des deadlifts l’autre jour. On leur permettait de choisir la largeur de la position et la position de la barre qu’ils voulaient pour les squats du moment qu’ils étaient capables de squatter avec la profondeur réglementaire en powerlifting (la face antérieure des hanches passe sous le haut du genou) et d’utiliser la position en deadlift qui leur convient le plus. Ils se sont échauffés jusqu’à 60 % de leur 1RM et ont fait 7 séries d’autant de répétitions qu’il fallait pour atteindre un RPE de 8-9 (c’est-à-dire qu’ils arrêtaient 1 ou 2 répétitions avant l’échec), espacées avec 90 secondes de repos passif. Chaque série a duré en moyenne 16 à 30 secondes, et les participants ont effectué 8 à 15 répétitions par série avec une cadence de répétition rapide (environ une seconde pour l’excentrique et une seconde pour le concentrique). Après la septième série, ils ont marché sur un tapis roulant à un rythme correspondant à 4-5 de RPE, pendant 5 minutes pour un retour au calme.
Résultats de l’étude
Avant l’entraînement, le groupe AM était significativement plus léger (86±7kg par rapport aux 100±kg) et le groupe SM avait une VO2 max estimée significativement supérieure (71,1±2,7 mL⋅kg-1⋅min-1 contre 66,5±3,2 mL⋅kg-1⋅min-1). Il n’y avait pas d’autres différences importantes avant de commencer les entraînements.
La force 1RM d’extension de genou calculée a augmenté de façon similaire dans les deux groupes : 7,2±3,7 kg pour le groupe AM, et 6,6±3,5 kg pour le groupe SM. Ces deux valeurs correspondaient à des tailles d’effet modérées de 0,62 pour le groupe AM et de 0,57 pour le groupe SM. La taille d’effet entre les groupes était négligeable : 0,17.
Les deux groupes ont obtenu des augmentations de la VO2max estimée : 5,3±2 mL⋅kg-1⋅min-1 pour le groupe AM et 2,8±1,4 mL⋅kg-1⋅min-1 pour le groupe SM, ce qui correspond à des valeurs élevées de la taille des effets intragroupes, de 1,79 et 0,95, respectivement. Il y avait une différence significative entre les groupes (p<0,05), la VO2max augmentant davantage dans le groupe AM, correspondant à une plus grande taille de l’effet entre groupes avec 1,45.
Mes commentaires et interprétations
Il y a quelques points qui m’ont beaucoup plu dans cette étude. Le premier étant qu’il s’agissait de science “du monde réel”. C’est le type d’étude que n’importe quel coach ou entraîneur personnel peut faire pour ses clients, car elle a été entièrement réalisée dans une salle de musculation de base avec du matériel facilement disponible : une barre, un step et une machine de leg extension.
Elle était également réaliste, dans le sens où elle ressemblait au type d’entraînement que les gens peuvent suivre dans la réalité. Lorsque la plupart des athlètes de force ajoutent du HIIT à leur entraînement, ils n’apportent pas de changements proactifs au reste de leur programme pour l’adapter (peut-être imprudemment) d’après mon expérience : ils l’ajoutent simplement à leur entraînement actuel.
Dans cet esprit, j’aime aussi le fait de mesurer la force avec une machine de leg extension plutôt qu’à l’aide de squats ou de deadlifts. C’est un exercice facile à faire, et qui ne se laisserait pas indûment influencer par les différents programmes d’entraînement des athlètes (puisqu’aucun d’eux ne faisait ce mouvement dans leur entraînement) et qui permet une mesure fiable de la force des quadriceps.
Cela dit, il y avait aussi quelques imperfections. La plus grande lacune était, évidemment, que leur entraînement de force n’était pas contrôlé.
L’autre lacune notable est que les principaux résultats (force d’extension du genou et VO2max) étaient des estimations et non pas des mesures. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un gros problème en ce qui concerne la force d’extension du genou, car les changements estimés de 1RM étaient simplement basés sur une équation rep-max ; donc même si les 1RM estimés étaient inexacts, il reste incontestable que les participants ont pu faire plus de répétitions avec le même poids, traduisant un gain de force ou endurance de force, ou les deux. Toutefois, l’utilisation d’équations permettant de déterminer les aptitudes aérobiques de ces personnes a clairement posé problème avec ces participants.
Pour expliquer le problème, vous devez d’abord comprendre quelques notions de physiologie aérobie. Votre corps utilise l’oxygène que vous respirez dans la dernière étape du métabolisme aérobie. Lorsque vous vous entraînez plus intensément, les besoins en oxygène augmentent. Ainsi, mesurer la quantité totale d’oxygène que votre corps peut utiliser, par rapport à votre gabarit, vous indique dans quelle mesure vous êtes en forme en vous indiquant combien d’énergie votre corps peut produire pendant une période donnée pour vous permettre de faire votre entraînement. Cette mesure est appelée VO2max, et elle est habituellement exprimée en millilitres d’oxygène par kilogramme de masse par minute (mL⋅kg-1⋅min-1). Bien que la VO2max soit l’une des principales mesures utilisées pour les exercices aérobiques, ce n’est pas une mesure que l’on retrouve couramment dans les études sur la musculation, donc permettez-moi de vous donner quelques précisions.
Je pense que vous comprenez le problème. Avant le programme d’entraînement, les deux groupes avaient des valeurs de VO2max estimées se situant entre 60 et 70, et les deux groupes avaient des valeurs de VO2max de 70 après leurs entraînements.
Il est impossible que cela reflète la réalité.
Des études antérieures(6) indiquent que les athlètes de force ont généralement des valeurs de VO2max aux alentours de 50mL⋅kg-1⋅min-1. Donc soit les auteurs de cette étude ont trouvé un groupe de powerlifters et strongmen avec une condition physique aérobique qui rendrait jaloux la plupart des coureurs de marathon (en plus, 75 % des participants ont déclaré ne pas faire d’entraînement dédié de cardio) soit le test qui a été utilisé pour estimer la VO2max après 3 minutes de step ne convient pas aux pratiquants des sports de force.
Je pense que cette dernière option est la plus probable. Il serait donc intéressant pour les futures études d’étudier pourquoi le test sur step surestime la VO2max pour les athlètes de force, ce qui pourrait donner des indications supplémentaires sur les mécanismes par lesquels l’entraînement de force contribue à améliorer les capacités physiques des athlètes en endurance(7).
Un dernier point sur les estimations de VO2max avant de passer à autre chose : Même si elles n’étaient manifestement pas exactes (valides) pour ce type de sportif, il est probable qu’elles soient tout de même suffisamment précises (fiables) pour nous renseigner sur les variations de la capacité aérobie.
- L’exactitude nous indique à quel point une mesure est proche de la valeur réelle qu’elle est censée mesurer (ce qu’on appelle la validité en recherche).
- La précision nous indique à quel point les mesures qui sont prises suivent les variations de la valeur réelle qu’elles sont censées mesurer (ce qu’on appelle la fiabilité dans la recherche).
Par exemple, si vous pesez 80 kg et que votre balance vous donne des valeurs entre 79,7 kg et 80,3 kg, cela est précis, mais pas exact.
Si vous pesez 80 kg et qu’il est indiqué que vous pesez 76 kg à chaque fois, et si vous prenez 2 kg, et qu’il est indiqué 78 kg à chaque fois, son exactitude est inférieure, mais sa précision est supérieure ; les poids réels sont faux, mais le changement du poids est correct et la fluctuation est la bonne.
Avec de bons outils de mesure, la précision peut être très élevée ; c’est le but du travail scientifique. Cependant, même si l’exactitude de la mesure laisse à désirer (comme c’est le cas ici), tant que la variation est précise, vous avez quand même une bonne idée du changement.
En gardant tout cela à l’esprit, voici les conclusions que nous pouvons retenir de cette étude :
Les deux stratégies de HIIT ont eu une incidence semblable sur la force. Mais comme leur entraînement de force n’était pas encadré, il est possible que les gains de force enregistrés aient été influencés par les différents programmes d’entraînement de chaque groupe. Cependant, le fait de tester la force à l’aide d’un exercice qui n’était pas présent dans les programmes des athlètes a probablement permis de limiter ce biais. Mais comme on n’a pas observé un groupe surpasser l’autre en termes de force, il est impossible de dire si un des deux protocoles HIIT a aidé ou entravé le développement de la force. On peut néanmoins dire que, quels que soient les effets des entraînements HIIT sur les participants, ils étaient probablement similaires sur la force pour les deux groupes.
Alors que le HIIT à vélo et le HIIT avec squats/deadlifts ont pu améliorer les capacités aérobiques des athlètes de force, le HIIT à vélo est sans doute plus efficace pour ce faire. Je vous propose un récap :
- Il est possible que l’exactitude des calculs de VO2max obtenus à l’aide du test sur step soit faussée chez les athlètes de force. En effet, les estimations de cette étude étaient douteuses, alors que la même équation a fait ses preuves dans les études sur la population générale
Prise dans son ensemble, et en examinant les données du point de vue d’un athlète et d’un entraîneur, cette étude suggère que les athlètes de force devraient probablement ajouter du HIIT sur vélo à leur entraînement, plutôt que des squats et des deadlifts avec peu de temps de repos si leur but est de renforcer leurs performances cardiovasculaires. Non seulement le groupe AM a connu des augmentations plus importantes de la VO2max estimée, et il a aussi obtenu des augmentations de force similaires.
D’un point de vue plus pratique, si vous vous mettez à la place des athlètes, le cyclisme HIIT vous offre beaucoup plus de flexibilité dans votre entraînement que du HIIT avec des squats et les deadlifts.
Le HIIT sur vélo est éprouvant, et la première fois que vous en ferez, vous aurez peut-être mal le lendemain, mais vous vous y adapterez rapidement. Cela pourrait freiner la récupération du squat ou du deadlift, mais l’impact sera probablement acceptable (surtout si vous n’êtes pas très sec ou si vous n’avez pas un grand déficit calorique).
Cependant, un grand nombre de squats ou de deadlifts à 60 % de 1RM et avec un temps de repos court entre les séries seront tout aussi éprouvants. Cette étude n’a pas recueilli de données sur la façon dont les athlètes avaient besoin de réajuster leur entraînement de force pour s’adapter au programme de HIIT, mais je suis convaincu que le groupe SM a dû (ou du moins aurait dû) modifier davantage ses entraînements de squats ou deadlift pour avoir le temps de récupérer et avoir moins de difficulté à faire du HIIT les jours qui ont suivi, au moins pour avoir la possibilité de s’entraîner plus intensément.
Fondamentalement, le fait de faire votre HIIT avec des squats ou des deadlifts vous procure des avantages aérobiques moins importants et nécessite des entraînements hebdomadaires moins fréquents, réduisant la quantité de travail spécifique que vous pouvez gérer en force.
La sécurité doit également être prise en compte. Êtes fatigué lorsque vous faites du vélo est sans danger.
En revanche, le fait de combattre la fatigue métabolique lors de squats et deadlifts avec un nombre de répétitions élevées augmente le risque d’erreurs techniques et met votre corps dans des situations qui peuvent augmenter le risque de blessures.
Ce qu’il faut retenir
Si vous êtes un athlète de force et que vous ajoutez du HIIT à votre programme, cette étude indique que le vélo peut être un choix plus judicieux plutôt qu’un grand nombre de répétitions et peu de repos, avec des squats et deadlifts.
Les squats et deadlifts en HIIT supplémentaires n’ont pas plus favorisé le développement de la force, alors que le HIIT sur vélo a permis une plus grande amélioration de la capacité aérobie. Par ailleurs, d’un point de vue pratique, il est plus facile de moduler un programme d’entraînement pour y intégrer du HIIT sur vélo, qui est aussi l’option la plus sûre lorsque l’on cherche à travailler avec une intensité maximale.
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Sources éditoriales et fact-checking