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Depuis plusieurs années, les aspects interdisciplinaires de la performance sportive sont de plus en plus étudiés.
En ce sens, la nutrition sportive constitue un enjeu de plus en plus important pour les chercheurs ainsi que pour les professionnels intervenant sur le terrain.
Un régime alimentaire adapté à la pratique sportive d’un athlète permet ainsi de répondre à plusieurs problématiques :
- Répondre aux besoins énergétiques liés au processus d’entraînement ;
- Maximiser les adaptations métaboliques consécutives à une séance d’entraînement tout en agissant sur les aspects prophylactiques de l’entraînement ;
- Répondre aux contraintes concernant la composition corporelle (exemple : rapport poids/puissance à vélo).
Dans cette optique, l’apport journalier en macronutriments représente un objectif majeur de recherche dans une optique de développement de la performance.
Dans les sports de force, nous savons par exemple que l’apport quotidien en protéines revêt une importance capitale(1)(2).
Dans les sports d’endurance, l’intérêt est davantage porté sur l’importance de l’apport glucidique au sein du processus d’entraînement.
Dès lors, il apparaît primordial de considérer les besoins alimentaires et énergétiques comme spécifiques à chaque discipline.
Rôle des glucides dans les sports à dominante aérobie
Dans les sports à dominante aérobie, le rôle des glucides au cours d’un effort prolongé est désormais bien connu.
Des travaux réalisés il y a déjà 30 ans(3) ont permis de mettre en évidence le rôle majeur des glucides lors d’exercice de haute intensité. De la même façon, il est désormais avéré que le glucose, par l’intermédiaire du glycogène musculaire (forme de stockage du glucose), constitue l’unique substrat énergétique utilisé par l’organisme lors d’efforts effectués à intensité maximale.
Ce phénomène est concomitant à une réduction progressive de l’utilisation des lipides à partir d’un certain niveau d’intensité ; on parle de crossover métabolique(4).
C’est ainsi qu’à partir des années 80, la plupart des régimes alimentaires se sont orientés sur une consommation massive de glucides, également appelés hydrates de carbone (CHO).
Plusieurs études(5)(6) sont ainsi parvenues à mettre en évidence qu’une grande consommation de glucides (entre 6 et 10 grammes par kilos de poids corporel et par jour), couplée à un entraînement intensif en aérobie, permettait une augmentation des teneurs en glycogène intra-musculaire.
Ces valeurs peuvent augmenter jusqu’à environ 700 grammes au niveau musculaire pour les athlètes très entraînés en endurance. Cependant, peu de données permettent à l’heure actuelle d’établir un lien de cause à effet entre régime hyper-glucidique et amélioration des performances sportives.
Il est néanmoins certain que l’épuisement de ces réserves en glycogène intra-musculaire représente l’un des principaux facteurs limitants dans le cadre de la performance aérobie.
Nous savons par exemple qu’un exercice de 90 minutes à 75% de la consommation maximale d’oxygène (Vo2max) suffit à entraîner une déplétion glycogénique majeure et, par conséquent, une diminution des performances.
L’épuisement des réserves glycogéniques consécutif à un entraînement prolongé entraîne en effet une impossibilité pour l’athlète de maintenir son intensité de travail.
Le rôle du glycogène dans la performance en endurance prolongée est donc central. Il est notamment à l’origine du fameux “mur” que rencontrent la plupart des marathoniens débutants (ou confirmés) aux alentours du 30e kilomètre.
En effet, en l’absence de quantités suffisantes de glycogène au niveau musculaire et hépatique, l’organisme se trouve alors dans l’obligation d’oxyder les lipides afin de poursuivre la production d’énergie chimique nécessaire à la resynthèse d’adénosine triphosphate.
Un certain nombre d’athlètes n’étant pas habitués à utiliser cette voie énergétique, leur rendement énergétique s’en trouve alors fortement diminué. Ces phénomènes expliquent notamment pourquoi les athlètes pratiquant des efforts de plusieurs heures se voient bien souvent dans l’obligation de réduire leurs allures après plusieurs heures de course.
Stratégies d’épargne des stocks de glycogène
Afin d’endiguer ce phénomène de déplétion glycogénique à l’effort, plusieurs solutions ont été testées en laboratoire et sur le terrain, avec des résultats plus ou moins probants.
La première et l’une des solutions les plus couramment observées chez les athlètes d’endurance amateurs consiste en un apport plus ou moins important de glucides exogènes durant l’effort.
Absorbés la plupart du temps sous forme de gels et/ou de boissons de l’effort, ces glucides sont, pour la plupart, constitués d’un mélange de glucose (maltodextrine, dextrose) et de fructose.
Cette utilisation combinée de différents types de glucides permet une meilleure oxydation des substrats via le recrutement de différents transporteurs membranaires(7)(8).
La tolérance digestive des athlètes face à cet apport important de glucides durant l’effort représente toutefois une limite majeure dans une optique d’épargne des stocks de glycogène musculaire.
Cette tolérance digestive limitée peut notamment engendrer des douleurs à l’estomac, des ballonnements voire même des diarrhées.
Au-delà du simple apport de glucides durant l’effort, différentes stratégies nutritionnelles ont progressivement vu le jour afin de permettre à l’athlète d’optimiser ses stocks de glycogène lors d’un effort soutenu prolongé en endurance et, ainsi, d’améliorer ses performances.
Sans rentrer dans le détail de ces différents procédés, nous pouvons toutefois mentionner le régime dissocié scandinave (RDS), le régime Low-Carb High-Fat (LCHF) ou encore le célèbre régime cétogène.
L’objectif de ces régimes est d’augmenter l’oxydation lipidique à l’effort via une importante consommation de lipides et, ainsi, de préserver les réserves en glycogène musculaire.
En déplaçant le “crossover point” vers la droite, les régimes hyperlipidiques permettent en effet de réduire la glycogénolyse (utilisation du glycogène) à l’effort(9), offrant ainsi théoriquement la possibilité aux athlètes de poursuivre leur effort plus longtemps.
Cette réduction du métabolisme des glucides par rapport à celui des lipides se traduit au niveau physiologique par une diminution du quotient respiratoire (QR) à l’effort.
Cependant, cette baisse du QR et cette augmentation du métabolisme lipidique à l’effort ne se traduisent pas en termes de performances. De plus, il a été rapporté une diminution des performances(10)(11)(12) lors d’efforts sous-maximaux prolongés (à partir de 80% de Vo2max) ainsi que lors d’efforts effectués à haute intensité (proche du Vo2max).
Cette diminution de la performance sur des efforts à haute intensité s’explique principalement par une déplétion glycogénique limitant la capacité des athlètes à oxyder des substrats glucidiques nécessaires lors de ce type d’efforts.
Périodisation glucidique et stratégie “sleep-low”
Dans le cas d’athlètes de bon/haut niveau en sports d’endurance, la capacité à produire des efforts de haute intensité, que ce soit lors d’entraînements ou en compétition, s’avère cependant primordiale.
La diminution de la capacité à réaliser de tels efforts dans le cadre de régimes hyperlipidiques et/ou faibles en glucides constitue donc la principale faiblesse des stratégies précédemment évoquées.
Un compromis semble donc à trouver chez les athlètes désireux d’améliorer leurs performances entre l’amélioration du métabolisme lipidique et le maintien de teneurs en glycogène musculaire importantes.
Dans cette optique, de plus en plus de recherches et d’entraîneurs se tournent depuis quelques années vers les stratégies dites de “périodisation glucidique“.
Ces dernières, connues sous le nom de “train low, compete high”, consistent à alterner entre des phases d’entraînements dites “à glycogène bas”, ou la consommation de glucides est réduite, et des phases ou la disponibilité en glucides est au contraire importante (séances à haute intensité).
Les entraînements effectués à glycogène bas permettent d’augmenter l’oxydation des lipides à l’effort en utilisant les niveaux de glycogène musculaire comme régulateur du métabolisme énergétique.
En effet, le glycogène possède un rôle fondamental en ce qui concerne la régulation des adaptations à l’exercice grâce à la mise en place de “cascades biochimiques adaptatives” ; plusieurs études ont ainsi démontré que s’entraîner avec des teneurs en glycogène musculaire suffisamment basses augmentait l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la biogenèse mitochondriale (création de nouvelles mitochondries) tels que p53 ou PGC-1α(13)(14)(15).
De l’autre côté, la qualité du travail fourni sur les séances de haute intensité (85% de VO2max ou plus) est conservée grâce à une consommation importante de glucides lors des heures précédant ce type d’entraînement.
De plus, la consommation régulière de glucides permet de maintenir une bonne tolérance digestive chez les athlètes, pour qui des régimes hyperlipidiques s’accompagnent souvent de troubles digestifs lors de la consommation de glucides exogènes à l’effort.
Le protocole “sleep-low” (littéralement “dormir bas”) représente l’un des protocoles les plus poussés à l’heure actuelle en matière d’entraînement à glycogène bas.
Il consiste à effectuer un entraînement à haute intensité en fin de journée afin de dépléter de manière importante les réserves en glycogène musculaire.
Cet entraînement doit être effectué après avoir consommé des glucides les heures précédentes (petit-déjeuner/déjeuner/collation) afin de garantir une qualité de travail optimale.
L’entraînement à haute intensité pourra, entre autres, se présenter sous la forme d’intervalles à haute intensité, entrecoupés de périodes de récupération (HIIT).
Cette méthode a en effet démontré toute son efficacité lorsqu’il s’agit de développer son Vo2max ou sa puissance critique ; elle permet en effet d’augmenter le temps passé à plus de 90% du Vo2max et ainsi de générer de nombreuses adaptations physiologiques.
Les fractions d’efforts pourront être relativement longues (entre 1 et 5′) ou à l’inverse relativement courtes (entre 15” et 1′).
Le choix de la durée pourra notamment dépendre du cycle de travail dans lequel vous vous situez au moment de l’utilisation d’un protocole d’entraînement à glycogène bas.
Par la suite, une période de jeûne glucidique est observée afin de majorer les adaptations biochimiques résultant de la diminution des réserves en glycogène musculaire en post-effort.
Dans le cadre du protocole sleep-low, le repas du soir se constitue classiquement d’une source de protéines ainsi que de légumes à faible teneur glucidique.
Cet apport, quoique relativement limité, permet de préserver le système immunitaire(16) notamment grâce à l’apport de glutamine et d’antioxydants.
Enfin, le lendemain matin, une séance en endurance fondamentale (aux alentours du premier seuil ventilatoire) est effectuée afin de majorer les adaptations précédemment évoquées.
D’un point de vue pratique, une étude à confirmé le fait qu’un tel protocole permettait d’abaisser significativement les teneurs en glycogène musculaire et d’ainsi augmenter l’expression à court terme de certains gènes impliqués dans la performance aérobie(17).
Ces résultats sont toutefois à prendre avec précaution et ne font pour l’heure par l’objet d’un consensus scientifique, comme en attestent les résultats d’une récente étude(18).
L’hypothèse d’un “seuil glycogénique”(19), en deçà duquel les adaptations biochimiques consécutives à un effort physique seraient majorées semble encore donc à démontrer.
En ce qui concerne l’impact d’une stratégie de type “sleep-low” sur la performance dans les sports à dominante aérobie, là encore les résultats divisent la communauté scientifique.
En 2005, une équipe de chercheurs(20) mettait en évidence qu’un entraînement biquotidien sur les muscles extenseurs du genou associé à une faible disponibilité en hydrates de carbone permettait une augmentation des performances sur ce même groupe musculaire.
En 2015, une seconde étude(21) a mis en évidence qu’un protocole d’entraînement à glycogène bas maintenu 6 jours par semaine pendant 2 semaines était susceptible d’augmenter les performances de façon plus marquée qu’un protocole d’entraînement “classique”.
Pour cette étude, 18 sujets peu entraînés furent recrutés et séparés en deux groupes de manière randomisée. Chaque individu s’entraînait deux fois par jour à haute intensité (5×4 minutes à 60% de la puissance maximale) avec seulement 3 heures d’écart entre les deux entraînements.
Le groupe contrôle consommait 195 g de glucides entre les deux séances alors que le groupe test n’en consommait que 17 g.
De manière intéressante, les performances furent significativement meilleures chez le groupe test que pour le groupe contrôle, sans toutefois que cela ne se traduise par des modifications au niveau physiologique.
Enfin, un protocole(22) mené sur 21 triathlètes cette fois entraînés, est parvenu à démontrer qu’un protocole sleep-low mené sur 3 semaines à raison de 3 séances/semaines engendre une amélioration de 3% sur un 10 km en course à pied, une amélioration de l’économie de pédalage en sous-maximal ainsi qu’une diminution de 3% du pourcentage de masse grasse.
Toutes ces modifications n’étaient pas retrouvées au sein du groupe contrôle (n=10) pour qui l’apport journalier en glucides était cependant identique (6 g/kg/j).
Toutefois, plusieurs travaux viennent nuancer ces résultats. Une étude de 2019 conduite sur 13 individus entraînés en endurance(23) a ainsi constaté qu’un protocole sleep-low prolongé sur 4 semaines induisait une augmentation de l’oxydation lipidique à l’effort sous-maximal, sans que cela n’engendre de modifications de la performance.
À cela viennent s’ajouter les recherches menées par Gejl et son équipe(24) sur des sujets sportifs de haut niveau en endurance et qui démontrent l’absence d’effets sur la performance d’un protocole d’entraînement à glycogène bas de 4 semaines.
Enfin, notons que, dans les sports collectifs, la périodisation glucidique pourrait également avoir un intérêt en ce qui concerne l’amélioration des performances. En reprenant le modèle “train low, compete high”, les sportifs pratiquant ces disciplines seraient en mesure d’améliorer leurs performances en ajustant leur consommation de glucides en fonction de l’intensité requise lors d’un bloc d’entraînement/de compétition.
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Sources éditoriales et fact-checking