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L’essor des maladies dites de civilisation amène la communauté scientifique à identifier une diététique salvatrice. Le régime crétois, plus qu’un régime alimentaire, apparaît être l’une des clés vers une meilleure hygiène de vie.
Les bienfaits du régime des populations méditerranéennes (celui des Crétois en particulier) furent officiellement reconnus le 11 avril 1997 à Rome, par le Conseil italien de la recherche, à l’initiative de la Commission européenne, comme jouant un rôle prépondérant dans la prévention des maladies cardiovasculaires et autres (cancers…). Le régime crétois se distingue du régime méditerranéen par l’absence de produits laitiers à base de vache et une consommation plus réduite de viandes.
En bref
- Le régime crétois est reconnu pour ses bienfaits en matière de prévention des maladies cardiovasculaires et autres affections comme le cancer. Il se distingue du régime méditerranéen par une absence de produits laitiers à base de vache et une consommation plus modérée de viandes ;
- Les bases de ce régime sont une faible consommation de produits animaux, une forte consommation d’acides gras insaturés comme l’huile d’olive, et une alimentation riche en légumes, fruits, céréales complètes et légumineuses ;
- Le régime crétois n’est pas seulement une question d’alimentation, mais fait partie d’un mode de vie plus large qui inclut l’activité physique, la spiritualité et des liens sociaux forts.
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Origine du régime crétois
L’intérêt pour le mode de vie crétois et son alimentation a démarré, par hasard, en 1948 suite à une commande de la Grèce auprès de la Fondation américaine Rockefeller pour améliorer les conditions d’hygiène sanitaire de la Crète. Cette étude (portant sur le mode de vie, l’état de santé et les habitudes alimentaires des Crétois) révéla des résultats plus qu’inattendus puisqu’il en ressortit qu’ils se portaient bien mieux que les Américains !
Ces conclusions furent renforcées par les travaux d’Ancel Keys, un scientifique américain, qui entreprit en 1958 une étude comparative sur les risques des maladies coronariennes dans sept pays (États-Unis, Finlande, Italie, Japon, Pays-Bas, Yougoslavie, les îles de Crète et de Corfou). Cette enquête, menée sur plus de vingt ans, révéla que la mortalité par infarctus du myocarde ou maladie coronarienne était de 9 pour 100 000 habitants en Crète contre 466 en Finlande et 424 aux États-Unis. Les contrées méditerranéennes, Corfou (149), Yougoslavie (145) et Italie (200), se situaient entre ces deux extrêmes. La Crète présentait également le taux de mortalité, toutes causes confondues, le moins élevé au monde.
Mais la reconnaissance réelle du « régime crétois » comme modèle de santé se fera plus tardivement grâce aux résultats obtenus par le Pr Serge Renaud (père du « paradoxe français ») au sein de son service de pathologies cardiovasculaires à l’hôpital de Lyon.
Entre 1988 et 1993, il expérimenta deux protocoles alimentaires différents auprès de patients victimes d’un premier infarctus. Le premier groupe se vit prescrire un régime hypolipidique classique (diminution des graisses animales et augmentation des graisses végétales riches en acides gras polyinsaturés) et le second le régime crétois.
Les résultats, publiés dans la revue médicale The Lancet du 11 juin 1994, mirent en évidence que le régime crétois prévalait et réduisait de 70 % les risques des pathologies cardiovasculaires.
Productions agricoles de la Crète et climat
La Crète est la cinquième plus grande île de la mer Méditerranée. Sa position entre les 34e et 35e parallèles lui confère le statut de territoire le plus méridional d’Europe, à hauteur de l’Afrique du Nord. Trois massifs montagneux se succèdent d’ouest en est, culminant à plus de 2 200 m.
Le climat crétois connaît des étés chauds et secs, et des hivers cléments (de 10 à 15 °C). Les pics de pluie se situent principalement entre décembre et janvier avec des répartitions inégales selon la topographie.
Les parties orientales et méridionales de l’île sont plus sèches que celles du Nord et de l’Ouest, plus exposées aux vents chargés d’humidité.
La culture principale est l’olivier et couvre près de la moitié de ses surfaces cultivées. La Crète produit aussi de nombreux fruits (raisin, agrumes, melon, kiwi, avocat, pastèque, banane, figue…) et légumes (tomates, concombre, aubergine, poivron…), des céréales (blé, orge, riz, seigle…). La vigne occupe une place croissante. L’île exporte également des plantes aromatiques et médicinales. La flore crétoise est très abondante (environ 1 800 espèces de plantes à fleurs dont 10 % sont endémiques). La moitié de la superficie de l’île sert de pâturage.
Principes et aliments phares
Le régime crétois puise ses racines dans la civilisation minoenne, il y a plus de 3 000 ans et est globalement resté inchangé malgré l’influence des nombreuses forces colonisatrices (Romains, Empire byzantin, Vénitiens et Turcs…). Il se caractérise par :
Une faible consommation de produits animaux
La viande rouge (mouton, agneau, chevreau) est consommée en de rares occasions lors des fêtes ou cérémonies religieuses. La volaille ou le lapin se consomment de façon hebdomadaire (deux fois par semaine). La faible place occupée par cet aliment permet ainsi d’éviter l’excès de graisses saturées. La consommation moyenne de viande du Crétois est de 35 g par jour.
Le poisson et les autres produits de la mer (crustacés, céphalopodes…) sont consommés principalement autour des zones côtières, de façon également modérée (2 fois par semaine). Dans les zones montagneuses, leur place dans l’alimentation est encore plus réduite et exclusivement sous forme de morue salée.
Les petits escargots gris, récoltés dans la nature, sont très prisés des Crétois. Nourris d’herbes et de plantes aromatiques sauvages, ils sont d’une grande valeur nutritionnelle (protéines, oméga-3, minéraux et vitamine D contenue dans leur foie).
Les laitages, consommés quotidiennement, sont exclusivement issus du lait de brebis et de chèvre. Le lait n’est pas consommé tel quel, mais transformé en fromage ou yaourt. Le beurre et la crème fraîche sont inexistants.
La consommation d’œufs n’est pas quotidienne (2 fois par semaine).
Une forte consommation d’acides gras insaturés
L’huile d’olive est la matière grasse la plus utilisée tant en matière d’assaisonnement que support pour la cuisson. On retrouve également de l’huile de colza. L’intérêt de ces lipides est leur forte proportion en acides gras mono-insaturés réputés comme protecteurs cardiovasculaires (ils abaissent le mauvais cholestérol sans en affecter le bon). Le Crétois consomme près de 100 g d’huile d’olive par jour. L’extraction de l’huile d’olive se fait « à froid », sans ajout de solvants. Les Crétois consomment aussi quotidiennement des oléagineux (noix, amandes…).
Une forte consommation de légumes, fruits, plantes sauvages, céréales complètes et légumineuses
Les céréales et les légumineuses sont la base énergétique de l’alimentation au niveau glucidique et en acides aminés. Riches en fibres, elles jouent un rôle dans la prévention de certaines maladies (cancer du côlon, constipation, hypercholestérolémie, diabète…) et contiennent de nombreuses vitamines (groupe B, E, K) et des sels minéraux (magnésium, calcium, phosphore…). La céréale principale est le blé, consommé sous forme de pain (autrefois cuit pour le mois et ramolli dans l’eau), puis l’orge et plus rarement le riz et le seigle. Les céréales représentent 50 % du repas et sont souvent accompagnées de légumineuses.
Chaque repas est largement accompagné de légumes cultivés consommés surtout du printemps à l’automne, les plantes sauvages prenant le relais d’octobre à fin mai. La cueillette des végétaux sauvages fait partie intégrante de la vie des Crétois ; ils sont consommés bouillis pour éviter une éventuelle contamination par parasitose.
Plus richement pourvus en vitamines et minéraux que les fruits et légumes cultivés (feuilles de violette : 210 mg/100 g de vitamine C, soit quatre fois plus que l’orange), ils contiennent des protéines complètes et équilibrées en acides aminés essentiels, de valeur équivalente à l’œuf.
Les fruits (frais ou secs) sont consommés toute l’année et à chaque repas, de même que les plantes aromatiques (thym, marjolaine, sarriette, sauge trilobée, origan, menthe…) et les alliacées.
Un apport calorique quotidien raisonnable
La ration calorique quotidienne se situe entre 1 800 et 2 500 calories et se trouve répartie au cours des trois repas (absence de collation en dehors) malgré une activité physique importante (le Crétois parcourait en moyenne 13 km à pied par jour avant le tout automobile). L’alimentation est très frugale. Le seul sucre consommé est le fructose issu du miel et des fruits, les pâtisseries étant réservées pour les festivités.
Fervents pratiquants de la religion orthodoxe, les Crétois voient leur année ponctuée par de nombreux jeûnes où seuls sont autorisés les fruits de mer, les céphalopodes, les escargots et l’ensemble des produits végétaux. Cette observance permet ainsi de purifier l’organisme, le régénérer et accroître sa longévité.
Une consommation modérée, mais quotidienne de vin rouge
Le vin, réputé pour ses propriétés protectrices cardiovasculaires, est consommé à raison de deux verres par jour. Le raki (alcool fort issu du marc de raisin) fait partie des moments festifs. Au quotidien, on retrouve des boissons comme le café (semblable au café turc avec le marc au fond de la tasse), les jus d’orange frais, les tisanes, le thé des montagnes (thé endémique issu de la variété Sideritis syriaca).
Menu type
Le matin : un fruit, une poignée d’oléagineux, un yaourt accompagné de miel de
thym, pain complet et huile d’olive, une boisson chaude.
Le midi : une crudité, une protéine animale (poisson, œuf, fromage, viande) ou
végétale (légumineuse) accompagnée de céréales et de légumes cuits, un fruit, un
verre de vin.
Le soir : une soupe de légumes, légumineuse et céréales, un fruit, un verre de
vin rouge
Une alimentation à haute densité nutritionnelle
Les Crétois respectent la saisonnalité des végétaux, les consomment frais et à maturité.
Les animaux pâturent une grande partie de l’année, consomment des herbes sauvages, ne sont pas soumis à un élevage intensif. Ces éléments, conjugués à une absence de pollution environnementale, un fort taux d’ensoleillement, des méthodes ancestrales de transformation des aliments, contribuent fortement à la richesse nutritive des aliments.
Le mode de préparation et les associations de saveur
Le mode de cuisson des aliments respecte leurs saveurs et leurs propriétés nutritives. Les produits sont soit bouillis, légèrement poêlés, frits, braisés ou cuits à l’étouffée.
La lactofermentation des produits laitiers procure ses bienfaits au niveau de la flore intestinale.
Le repas crétois est aussi un mélange harmonieux entre les différentes saveurs (piquant, acide, amer, astringent, salé, sucré), préceptes que l’on retrouve dans la diététique d’Extrême-Orient et qui contribuent à la vitalité des organes.
L’environnement social et nature
Les choix alimentaires des Crétois, la qualité et la fraîcheur des aliments, la frugalité expliquent une partie des atouts santé de ce régime, mais d’autres éléments, tous aussi importants, y contribuent :
- La vie traditionnelle se déroule dans un climat paisible ponctué par le travail aux champs et à la maison. Les repas sont pris dans le calme, en famille, et les aliments mâchés longuement.
- La sieste quotidienne, en milieu de journée, repose l’organisme.
- Leurs connaissances du milieu naturel leur permettent de profiter des bienfaits des végétaux, des fruits sauvages et plantes médicinales.
- Leur spiritualité, via la religion, leur confère une certaine sérénité. Les liens sociaux sont forts : les habitants se retrouvent en fin d’après-midi pour partager un café, en soirée pour danser ou écouter de la musique.
Le Crétois a ainsi su préserver un art de vivre où ses journées sont rythmées par le travail, les loisirs et le repos.
Vers plus de conscience
La bonne santé des Crétois est multifactorielle. Certes, les choix alimentaires sont importants mais l’on s’aperçoit, comme pour les centenaires d’Okinawa, que d’autres éléments interviennent : l’activité physique quotidienne, le lien social, la spiritualité, une philosophie de la vie fondée sur le partage, le respect des biorythmes tant physiologiques que naturels. En somme, une certaine sagesse…