L’Italie, la Grèce, l’Espagne, le Maroc, Chypre et la Croatie ont en commun ce patrimoine culturel immatériel qu’est la diète méditerranéenne, reconnue par l’UNESCO en 2010, dans laquelle le poisson, consommé modérément, constitue une des ressources importantes en protéines facilement assimilables, en bons lipides, en oligoéléments et en vitamines.
Grâce à une mer chaude qui héberge environ 600 espèces de poissons dont on retrouve sur les étalages l’anguille, les anchois, la baudroie, la bonite, le carrelet, le chinchard, le congre, la daurade, le loup, le merlu, le maquereau, la raie, la rascasse, le rouget, la roussette, la sardine, la sole, le thon, pour ne citer que les plus connus, le régime méditerranéen bénéficie d’un large choix de poissons, qu’elle accommode grillés ou bouillis.
Les ressources halieutiques naturelles du bassin méditerranéen sont une richesse qui a très tôt profité aux populations des régions du bord de mer. Dans les civilisations antiques, le poisson était une ressource alimentaire importante dont témoigne l’archéologie avec des scènes de pêche ou de conservation sur des monuments ou des fresques. Les poissons étaient vidés et séchés à l’air libre ou gardés en saumure et consommés frais, grillés ou bouillis.
Sous le règne d’Auguste (27 av. J.-C. – 14 av. J.-C.), le romain Marcus Apicius, fin gourmet, consacra un des dix livres de sa compilation de recettes romaines aux poissons. Certains auteurs antiques relatent les pêcheries romaines où de nombreux esclaves, de l’Égypte jusqu’au détroit de Gibraltar, pratiquent diverses méthodes de pêche. Des témoins parlent des viviers qui permettent une réserve d’espèces parfois fort rares. Les cultures méditerranéennes partagent une idée commune de la diététique enseignée par les médecins grecs ou romains de l’Antiquité, comme Hippocrate ou Galien, ou les médecins arabes, tel Avicenne, reprise par les médecins européens comme Arnaud de Villeneuve ou Aldebrandin de Sienne au XIIIe siècle.
Sur l’étal du poissonnier
Aujourd’hui, quel poisson consommer ? Sauvage ou d’élevage ? Gras ou maigre ? Telles sont les questions que l’on peut se poser lorsqu’on fréquente les étalages des poissonniers.
En effet, si certains poissons sont dits à “chair maigre” et d’autres à “chair grasse”, c’est leur teneur en lipides, variable selon les espèces, de 0,5 à 15 %, qui va déterminer la qualité première du poisson. Les poissons maigres sont l’églefin, le bar, la morue, le merlu, la dorade, le cabillaud, l’aiglefin, le flet, le merlan, la sole (de 0,5 à 2 % de lipides). Les poissons gras sont l’anchois, le hareng, la sardine, le saumon, le maquereau (et la truite, difficile à trouver en Méditerranée) (10 à 15 % de lipides). Les algues, principale nourriture des poissons sauvages, leur apportent ces bons acides gras indispensables à notre santé ; les poissons d’élevage n’en contiennent pas ou peu, car ils sont le plus souvent nourris avec des farines diverses. Et plusieurs problèmes sanitaires ont été révélés, notamment avec les traitements antiparasitaires, toxiques pour l’homme, des élevages de saumons.
Selon une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 40 espèces de poissons de la Méditerranée risquent de disparaître dans les prochaines années. Ce rapport incrimine les méthodes de pêche qui détruisent des centaines d’animaux marins et la surpêche de certaines espèces comme le thon rouge. Soyons responsables de notre consommation et choisissons des espèces moins menacées, comme la sardine (de plus de 10 cm de long), le maquereau, la rascasse, le lieu jaune, le thon blanc, le sar, etc.
Bienfaits pour la santé
Les lipides du poisson sont de “bonnes graisses”, essentiellement composées d’oméga-3, acides gras polyinsaturés, classés comme acides gras essentiels, car le corps humain en a besoin, mais ne les produit pas (ils doivent donc être apportés par l’alimentation). Les principaux acides gras du groupe oméga-3 sont l’acide alpha linolénique, l’acide eicosapentaenoïque (EPA) et l’acide docosahexaenoïque (DHA).
Ces bonnes graisses ont un impact favorable sur la composition des membranes cellulaires et du cerveau et participent à de nombreux processus biochimiques de l’organisme tels que la régulation de la pression sanguine, l’élasticité des vaisseaux, les réactions immunitaires et anti-inflammatoires, ou encore l’agrégation des plaquettes sanguines. Dans le cadre d’un régime hypotoxique et d’un mode de vie sain, les oméga-3, en équilibrant le taux de triglycérides sanguins, aident également à lutter contre l’excès de cholestérol et par conséquent contre diverses maladies du système circulatoire telles que les plaques d’athérome ou l’artériosclérose.
Les poissons sont aussi riches en protéines que les viandes rouges ou blanches (15 à 20 g de protéines pour 100 g de chair), mais plus faciles à digérer. Ils fournissent également un apport intéressant en iode, magnésium, phosphore et vitamines A, B6, B12, D et E. En revanche, la qualité des nutriments varie d’une espèce à l’autre en fonction de l’âge, du sexe, de la saison et surtout de l’environnement et de l’alimentation. Si possible, préférez les poissons sauvages, ou ceux provenant d’un élevage biologique.
Comment consommer du poisson ?
Chez le poissonnier, choisissez un poisson à l’œil vif, brillant et globuleux, aux écailles iridescentes, aux branchies humides et rouge rosé, à la queue tendue et à l’odeur marine, celle des algues. En cas d’odeur forte, piquante, semblable à celle de l’ammoniac, évitez ces poissons, car ils peuvent provoquer une réaction “allergique” due à une forte production d’histamine, une substance qui se forme lorsque le poisson perd sa fraîcheur.
Choisissez de petits poissons bleus comme le maquereau, la sardine ou le hareng, qui contiennent moins de toxines et de métaux lourds que les espèces plus grandes. Les poissons situés au sommet de la chaîne alimentaire comme le thon, l’espadon, le bar sont presque toujours plus contaminés par des polluants et/ou des métaux ou métalloïdes, dont le mercure sous forme de méthylmercure toxique.

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Certaines personnes développent des réactions ou des allergies au poisson, parfois liées à la caséine, une protéine du lait que l’industrie alimentaire utilise dans la fabrication du saumon reconstitué ou dans d’autres préparations à base de poisson, qu’il faut éviter. Le poisson contient parfois des larves vivantes ; s’il doit être consommé cru, il est préférable de le congeler au préalable.
La cuisson détruit les vitamines et les oligo-éléments, aussi, pour tirer le meilleur parti du poisson, essayez de le consommer cru si vous n’êtes pas enceinte ou si vous n’allaitez pas, en le préparant en tartare ou en carpaccio, ou mariné au citron vert ; sinon, préférez une cuisson douce, un pochage rapide ou une cuisson à la vapeur.
Pour une meilleure assimilation et une excellente digestion, évitez d’associer ces protéines “fortes” contenues dans le poisson avec des féculents “forts” comme le blé (pâtes) ou l’avoine ; préférez l’accompagnement de légumes ou de féculents “faibles” comme la pomme de terre, le riz, la patate douce ou le potiron.
Invitez les poissons gras à votre table deux fois par semaine et les poissons maigres une fois par semaine, et préparez des portions de la taille d’une paume d’adulte. Essayez de consommer du poisson frais acheté le jour même ou préférez le poisson congelé en mer au moment de la pêche au poisson frais conservé quelques jours dans votre réfrigérateur. Vous pourrez ainsi profiter de tous ses bienfaits !