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Vous savez bien sûr que la créatine est bénéfique pour la force et la puissance. Mais vous ne connaissez probablement pas les avantages et les effets moins connus dont nous traiterons dans cet article.
Il ne fait aucun doute que la créatine est une référence dans le domaine des compléments pour la force musculaire. La façon dont la créatine fonctionne et pourquoi elle est si efficace est assez simple à comprendre :
- La créatine est fabriquée par le corps ou apportée par l’alimentation et les compléments alimentaires.
- Nous stockons la créatine dans nos muscles. Un groupe phosphate peut facilement se lier à la créatine, formant ainsi de la phosphocréatine, qui est également stockée dans nos muscles.
- Lorsque les muscles travaillent, ils utilisent de l’ATP (adénosine triphosphate). L’adénosine triphosphate (trois phosphates) cédant un groupe phosphate pour produire de l’énergie, se transforme en adénosine diphosphate (deux phosphates).
- À ce moment-là, la phosphocréatine peut faire un don rapide de son groupe phosphate à l’ADP qui redevient de l’ATP. Ce dernier pourra alors à nouveau être utilisé pour la conversion d’énergie chimique (liaison moléculaire) en énergie mécanique (mouvement musculaire).
La créatine joue donc principalement le rôle de transporteur d’énergie (phosphate) pouvant être utilisé immédiatement.
Un effort intensif se caractérise non seulement par la quantité maximale d’ATP disponible, mais surtout par la vitesse avec laquelle elle est utilisée.
Comparée à un état de repos, la demande d’ATP peut augmenter jusqu’à 1 000 fois(1) pendant un exercice intense. Si l’ATP n’est pas disponible dans un délai raisonnablement rapide, les performances ne peuvent tout simplement pas être maintenues, et l’intensité diminuera en conséquence.
La phosphocréatine permet une restauration rapide de l’ATP, mais un muscle ne peut pas stocker de la créatine et de la phosphocréatine à volonté. En ce sens, la créatine peut être considérée comme un réservoir quantitativement limité, mais presque instantané, servant à la reconstitution de l’ATP.
Le but de la supplémentation en créatine est d’augmenter la quantité de créatine stockée, renforçant ainsi la capacité de ce système énergétique à générer de l’ATP rapidement.
En outre, il a été démontré que la créatine augmente la masse maigre(2), probablement en raison du fait qu’elle augmente la rétention de liquide intramusculaire et qu’elle améliore les capacités physiques.
Je pourrais écrire une revue complète sur les centaines d’études montrant que la créatine augmente la force et la puissance pour les efforts de courte durée et d’intensité élevée.
Mais je ne le ferai pas, car le sujet a cessé d’être intéressant depuis une quinzaine d’années. J’explorerai plutôt dans cet article certains aspects moins connus de la créatine et je répondrai aux questions les plus fréquemment posées.
En bref
- La créatine agit principalement comme un transporteur d’énergie rapide, aidant à la restauration rapide de l’ATP, ce qui est crucial pour maintenir des performances élevées pendant un exercice intense ;
- Outre son rôle dans la production d’énergie, la créatine a également des effets sur la masse maigre, notamment en augmentant la rétention de liquide intramusculaire et en améliorant les capacités physiques ;
- Il existe des “répondants” et des “non-répondants” à la supplémentation en créatine. Les non-répondants ont généralement des niveaux élevés de créatine musculaire naturelle et bénéficient donc moins de la supplémentation.
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Mécanismes permettant d’améliorer les performances
Bien que le mécanisme ergogénique principal et le plus direct de la créatine soit la facilitation rapide de la resynthèse d’ATP, deux autres mécanismes sont moins bien connus et moins fréquemment évoqués.
Lorsque l’ATP est utilisé (hydrolysé), il perd un groupe phosphate, mais un ion hydrogène est également libéré dans ce processus (voir schéma ci-dessous). En outre, la glycolyse anaérobie est plus importante pendant un effort de haute intensité, ce qui augmente davantage la quantité d’ions hydrogène.
Pendant une activité physique, l’accumulation des ions hydrogène entraîne une acidose entraînant(3) l’apparition de fatigue.
Lorsque la phosphocréatine fait don de son groupe phosphate pour réformer l’ATP à partir de l’ADP, un ion hydrogène est nécessaire à ce processus(4).
La régulation (tamponnage) de l’hydrogène représente vraisemblablement un mécanisme secondaire(5) par lequel la supplémentation en créatine aide à retarder la fatigue pendant un exercice intense.
Il ne fait aucun doute que le rôle direct de la créatine dans la production d’ATP soit le principal mécanisme par lequel elle augmente la force des muscles. Cependant, lorsque des études démontrent que la créatine améliore les efforts de courte durée et à haute intensité, qui sont susceptibles de provoquer beaucoup d’acidose dans le muscle, il est possible que l’effet tampon du pH contribue légèrement au résultat. Franchement, si vous faites quoi que ce soit à une intensité suffisamment élevée qui puisse provoquer une acidose importante, vous devriez prendre de la créatine pour son effet régénérateur d’ATP. Cela dit, si le fait de connaître le pouvoir tamponnant de la créatine est le dernier argument qui vous amènerait à utiliser une supplémentation en créatine, alors cela vaut la peine de vous en parler.
La créatine est réputée depuis longtemps pour augmenter la masse musculaire. Après une semaine seulement de supplémentation en créatine, il est fréquent d’observé une augmentation de 1 à 2 kg du poids du corps, et cette augmentation rapide est provoquée par la rétention d’eau.
La créatine est osmolytique, ce qui signifie que de la même façon que le glycogène, la créatine musculaire attire l’eau dans la cellule musculaire.
De ce fait, lorsque l’on commence à se supplémenter, une rétention d’eau allant de 1 à 2 litres peut être observée. Si on ajoute à cette prise de poids induite par l’eau, les adaptations hypertrophiques provoquées par l’augmentation des capacités à l’entraînement, certaines données indiquent que la créatine influe plus ou moins directement sur l’hypertrophie des muscles.
Comme l’ont observé Chilibeck et al(6), la créatine peut également favoriser l’augmentation de la masse maigre en agissant directement sur la myostatine, les facteurs de régulation myogénique, l’IGF-1 ou insulin-like growth factor-1 (littéralement, facteur de croissance 1 ressemblant à l’insuline), les dérivés réactifs de l’oxygène, et les cellules satellites musculaires.
L’activation des cellules satellites est une étape clé dans l’hypertrophie déclenchée par l’entraînement : lorsqu’un muscle est sollicité ou endommagé, les cellules satellites augmentent la quantité de noyaux dans ses fibres, ce qui augmente sa capacité à fabriquer les protéines.
Un certain nombre de facteurs régulateurs myogéniques jouent un rôle dans la promotion de l’activation des cellules satellites, tandis que la myostatine inhibe cette activation. Il semblerait que la créatine augmente directement la production de facteurs régulateurs myogéniques en augmentant le gonflement cellulaire causé par la rétention d’eau intracellulaire, et en augmentant indirectement leur production grâce à une élévation d’IGF-1, qui augmente le taux de croissance des cellules. Il a également été démontré que la créatine diminue l’activité de la myostatine, favorisant ainsi simultanément les mécanismes qui augmentent l’activation des cellules satellites et ceux qui inhibent l’activation des cellules satellites. Enfin, la production excessive de dérivés réactifs de l’oxygène favorise l’inflammation et l’atrophie. En éliminant ces composants réactifs, la créatine peut contribuer à réduire le stress oxydatif et empêcher leur atrophie, favorisant en définitive la croissance musculaire.
Lorsque des études de longue durée (plus de quelques semaines) décrivent un gain de poids en réponse à une supplémentation en créatine, ce gain de poids est parfois considéré comme “juste du poids en eau” ou exclusivement attribué à une amélioration des capacités d’entraînement due à la créatine. Elles ne tiennent pas compte du fait que la créatine ait des effets plus directs sur l’hypertrophie musculaire et ne tiennent pas compte d’un mécanisme qui pourrait contribuer aux bienfaits de la créatine sur la force et les performances musculaires.
Quelle est la meilleure créatine ?
La créatine monohydrate est la forme classique et “standard” des suppléments de créatine. C’est la première à avoir été découverte, c’est la plus abordable et c’est la plus étudiée à ce jour.
Des centaines d’études ont montré que la créatine monohydrate augmente efficacement les réserves de créatine dans les muscles et améliore les performances physiques. Cependant, une grande variété de créatines a été étudiée afin de trouver celle qui est la meilleure. Les différentes formes de créatine ne manquent pas, mais ce sont la créatine citrate, le chlorhydrate éthyl ester de créatine, la créatine nitrate et les formes tamponnées de créatine qui sont les plus populaires.
Cette quête de la meilleure créatine a le mérite de proposer des études qui se focaliser sur les résultats plutôt que sur les mécanismes d’action. Chaque fois qu’une nouvelle forme de créatine fait son apparition, elle est accompagnée d’explications techniques sur les raisons pour lesquelles elle pourrait ou devrait surpasser la créatine monohydrate. Or, jusqu’à présent, aucune d’entre elles n’a prouvé qu’elles augmentaient plus la rétention et les performances associées à la créatine monohydrate.
Plus important encore, ces diverses “options” de créatine semblent s’attaquer à un problème qui n’existe pas. La créatine monohydrate est très efficace pour augmenter le stockage de créatine dans les muscles et les performances, et même si une créatine plus efficace était disponible, il est difficile d’imaginer que cela permettrait de faire beaucoup mieux que de permettre une saturation légèrement plus rapide, ou une saturation légèrement plus importante (mais non physiologique) avec une dose inférieure.
Malgré mon scepticisme sur les autres formes de créatines, je suis prêt à changer d’avis si une nouvelle forme incroyable de créatine se présente. Mais pour l’instant, la créatine monohydrate est la forme de créatine la mieux étudiée, la plus efficace et la plus abordable sur le marché.
Si vous êtes vraiment préoccupé par la maximisation complète de la rétention de créatine, certaines études ont montré que l’ajout de glucides (ou de glucides + protéines) améliore légèrement cette rétention(7), mais (selon moi) pas assez pour vraiment y prêter attention.
Bien que le type exact de créatine ne soit pas particulièrement important, l’état chimique (solide ou liquide) l’est certainement. La poudre de monohydrate de créatine est remarquablement stable, jusqu’à une température de 40°C, et on n’observe aucune altération pendant une période de trois ans. Avec des températures de stockage atteignant 60°C, une dégradation commence à être observée après 44 mois d’exposition (à cette chaleur).
En comparaison, la créatine est assez instable sous forme liquide, surtout à des températures élevées et/ou à un pH bas. Une dégradation importante de la créatine se produit après seulement quelques jours dans un liquide, même avec un pH relativement neutre et à température ambiante. Par conséquent, la meilleure chose à faire serait d’acheter de la créatine sous forme solide (poudre ou capsule), de la conserver à température ambiante (ou inférieure) et de la consommer immédiatement après son mélange dans de l’eau.
Si vous devez faire votre mélange plusieurs heures avant de le consommer, il est préférable d’utiliser un liquide non acide et de le conserver à une température aussi froide que possible.
Maximiser la saturation en créatine musculaire
Le but de la supplémentation en créatine est de maximiser le stockage de créatine dans les muscles, et il existe deux méthodes courantes pour atteindre cette saturation. La méthode de surcharge(8) ou “phase de charge”, qui consiste à prendre de très fortes doses de créatine (20-25 grammes par jour, répartis en 4 ou 5 doses) pendant 4 à 7 jours d’affilée, est très populaire. Après cette phase de charge, les réserves de créatine musculaire sont saturées et une dose de maintien de 2 à 5 grammes par jour est alors consommée.
Bien que cette méthode soit efficace, elle n’est pas forcément nécessaire. Les recherches(9) ont montré que des doses quotidiennes modérées de 3 grammes par jour peuvent saturer les réserves de créatine musculaire au bout de 3 à 4 semaines environ.
Pour décider s’il faut ou pas faire une phase de charge, les principaux facteurs à considérer sont le temps et le confort gastro-intestinal. Si vous avez vraiment, vraiment besoin que vos résultats soient maximisés dans les sept jours suivants la supplémentation, la méthode de charge serait tout indiquée. Cependant, un léger inconfort gastro-intestinal(10) est souvent observé avec cette supplémentation en créatine et si vous avez des difficultés à absorber 20-25 grammes de créatine dans la journée, alors vous feriez mieux de diminuer la dose, et d’être plus patient.
Durée de supplémentation
Notre corps est très performant pour réguler les choses. Par exemple, prenons le cas d’une personne en bonne santé qui utilise des œstrogènes exogènes ou de la testostérone. Dans les deux cas, l’administration de ces hormones entraîne une inhibition de la boucle de rétroaction qui stimule leur production endogène. Pour cette raison, certaines personnes ont argumenté que la supplémentation en créatine pouvait supprimer la production endogène de créatine et que cela nécessitait un cyclage pour éviter une régulation négative à long terme de la production de créatine.
Alors oui, il est vrai qu’une supplémentation avec des doses standard de créatine réduit la production de créatine à court terme(11). Cependant, ce n’est pas nécessairement un problème si la production endogène se rétablit après l’arrêt d’une supplémentation. Après tout, il n’est pas nécessaire de continuer à produire beaucoup de créatine lorsque vous en avez 5 grammes (ou plus) chaque jour.
Par chance, la production endogène reprend dès que vous cessez de prendre de la créatine, et les études(12) n’ont jamais constaté que la supplémentation à long terme en créatine entrave la production de créatine une fois la supplémentation terminée.
Par conséquent, la seule raison de faire un cycle de créatine serait que vous n’avez pas envie de dépenser de l’argent pour reconstituer votre réserve de créatine.
La dernière considération relative à la prise de créatine concerne le moment où cette dernière doit être ingérée. Il existe très peu d’études (trois, pour être précis) comparant directement les effets de la supplémentation en créatine avant et après une activité physique. Les résultats de ces trois études ont été combinés dans une petite méta-analyse. Les résultats suggèrent que la supplémentation post-exercice peut entraîner des augmentations légèrement plus importantes de la masse maigre, sans différence significative observée au niveau de la force. La littérature sur ce sujet est extrêmement restreinte et j’hésite donc à tirer des conclusions définitives, et nous disposons de nombreuses preuves montrant que la supplémentation en créatine est efficace avec de nombreux timing différents. Ainsi, prendre de la créatine au moment le plus pratique semble être tout à fait suffisant, mais il pourrait être judicieux de prendre de la créatine après l’entraînement si vous êtes soucieux de maximiser ses bienfaits.
Les répondants et non-répondants
C’est un aspect relativement peu connu : le fait qu’il existe des personnes non répondantes à une supplémentation en créatine.
Pour que la créatine améliore les performances, il faut qu’elle augmente de manière significative les réserves de créatine musculaire. Et certaines personnes peuvent avoir une saturation musculaire en créatine quasi complète / complète naturellement, si bien qu’elles n’obtiennent aucun avantage avec une supplémentation en créatine.
L’une des premières études(13) sur la supplémentation en créatine a mesuré à la fois la teneur en créatine musculaire et le taux de resynthèse de phosphocréatine après la période de repos consécutive à un entraînement. Chez cinq participants, les réserves de créatine et la resynthèse de phosphocréatine ont augmenté de 25 % et de 35 % respectivement après la supplémentation, mais chez trois participants (37,5 % de l’échantillon) les résultats n’ont montré aucune augmentation significative pour les deux paramètres.
Environ dix ans plus tard, une autre équipe de chercheurs a constaté dans une étude(14) qu’il y avait trois “types” de réponses à la créatine. Sur les onze personnes, trois (27 % de l’échantillon) présentaient une augmentation assez importante de la quantité de créatine musculaire stockée après la supplémentation, cinq (45 %) ont obtenu une augmentation moyenne (mais significative) et trois (27 %) une très légère augmentation. Par ailleurs, les participants qui répondaient à la créatine ont amélioré leur force à la presse à cuisses après 5 jours de supplémentation, mais pas les participants non-répondants. Les non-répondants avaient des taux de créatine musculaire plus élevés dès le début de l’expérience, moins de fibres musculaires de type II, une section transversale musculaire plus petite et moins de masse graisse que les personnes répondantes. Ces caractéristiques fournissent des informations utiles pour déterminer votre probabilité d’être un non-répondant et aident aussi à expliquer pourquoi de multiples études ont montré que la supplémentation en créatine a des effets plus importants chez les végétariens(15) que chez les consommateurs de viande.
La proportion de non-répondants signalée par ces études laisse à penser qu’ils ne sont pas rares, ce qui peut être l’un des nombreux facteurs contribuant au fait qu’environ 30 % des quelques premières études(16) sur la créatine n’ont signalé aucun effet ergogénique significatif. Enfin, il est important de noter que la non-réponse à la créatine est en fait un facteur variable et pas absolu. Certains répondent extrêmement favorablement, d’autres n’ont pratiquement aucune réponse, et la plupart des autres se situent quelque part entre les deux. Ainsi, lorsque nous utilisons le terme “non-répondant” dans la littérature, il s’agit plutôt de personnes qui présentent un degré de réponse considéré comme négligeable.
J’hésite à utiliser ces études pour estimer le pourcentage de personnes susceptibles d’être des non-répondantes. Les échantillons de personnes sont très petits, ne proviennent pas vraiment de la population générale et ne sont pas aléatoires. Lorsque les échantillons sont aussi petits, trois sur huit peuvent très facilement se transformer en un sur huit ou en cinq sur huit, par simple hasard. Ainsi, 13 % deviennent facilement 63 % et la population mondiale de non-répondants passe d’environ un milliard à environ cinq milliards… Cela dit, on peut conclure sans hésiter qu’il n’est pas rare d’être un non-répondant, mais cela ne semble pas être la norme. Ainsi, la “meilleure estimation” actuelle est d’environ 20 à 30 %. D’après mon expérience, les personnes qui pensent être des non-répondants sont souvent déçues de ne pas avoir le plaisir de profiter d’une supplémentation en créatine pour améliorer leur performance. Mais en réalité, le fait de ne pas y répondre est une excellente nouvelle : vous êtes génétiquement prédisposé à bénéficier d’une pleine réserve de créatine gratuite à vie !
Créatine et os
La question des os est rarement abordée et ne reçoit pas assez d’attention. Mais tout comme les muscles, l’os est un tissu métaboliquement actif qui s’adapte fortement en réponse à un entraînement avec résistance. Au cours de la dernière décennie, une partie des études sur la créatine a commencé à se concentrer sur l’os plutôt que sur le muscle. Le raisonnement derrière ce sujet est double. Tout d’abord, l’entraînement avec résistance augmente la masse musculaire et la force. Par conséquent, la pression exercée sur les os pendant les exercices est plus importante, ce qui stimule le processus de développement osseux(17). Deuxièmement, les os sont des tissus métaboliquement actifs qui dépendent de l’ATP. Le rôle de la phosphocréatine dans la resynthèse de l’ATP devrait renforcer l’approvisionnement en ATP disponible pour les cellules osseuses, ce qui pourrait favoriser la formation osseuse et réduire la résorption osseuse. Et comme l’ont indiqué Forbes et al. dans une méta-analyse(18), il existe quelques études montrant des taux plus faibles d’une protéine associée à la résorption osseuse après une supplémentation en créatine et un entraînement avec résistances par rapport aux entraînements seuls.
Ces résultats suggèrent que la résorption osseuse a été réduite, favorisant potentiellement une augmentation de la masse et de la densité osseuses.
Une méta-analyse(19) a récemment évalué cinq études sur la supplémentation en créatine associée à un entraînement avec résistance chez des personnes âgées. Les analyses combinées n’ont pas confirmé l’hypothèse selon laquelle l’ajout de créatine augmenterait la densité minérale osseuse, mais les données révèlent une lueur d’espoir. Il y avait quelques éléments clés qui semblaient déterminer avec quelle étude la créatine s’avérait bénéfique. Par exemple, une seule étude a duré une année complète, tandis que les autres ont duré six mois ou moins. L’os est métaboliquement actif et réagit aux stimuli externes, mais il demeure relativement lent (encore plus chez des personnes âgées) : il faut donc un certain temps pour voir des changements vraiment importants dans le remodelage osseux, surtout quand on cherche à quantifier l’effet de la créatine.
Dans cette logique, seule l’étude de 12 mois(20) a fait état d’un effet bénéfique significatif sur la densité osseuse avec une supplémentation en créatine. Un autre facteur clé semble être la fréquence d’entraînement. Bien que certaines études de la méta-analyse aient demandé aux participants d’effectuer un entraînement avec résistance 1 à 2 jours par semaine, deux études ont utilisé une fréquence de 3 entraînements par semaine. Et ces deux études(21)(22) avec une fréquence d’entraînement plus élevée ont observé des effets bénéfiques sur la densité osseuse ou sur la composition minérale osseuse, malgré le fait qu’une de ces études ait duré seulement trois mois(23).
Par ailleurs, ces études effectuées avec des fréquences plus élevées ont également fourni des doses de créatine adaptées au poids du corps (~0,1 gramme/kilogramme), tandis que les autres études (qui n’ont révélé aucun avantage significatif) ont donné une dose uniforme de 5 grammes de créatine. Il est donc possible que la dose constante de 5 grammes de créatine ait été légèrement sous-dosée chez les personnes de plus grande corpulence dans les études n’ayant rapporté aucun avantage significatif.
Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que la créatine est plus susceptible d’être bénéfique pour les os dans le cadre d’un entraînement avec résistance plus fréquent (au moins trois jours par semaine), et à des doses de ~0,1 g/kg de poids corporel. En outre, le mécanisme par lequel la créatine influe sur le renouvellement des os semble être de nature plus anti-catabolique qu’anabolique. Ainsi, des effets plus importants sont susceptibles d’être observés dans des contextes où le renouvellement osseux est accéléré ou quand la perte osseuse est plus importante, comme dans le cas de perte de poids importante, en particulier lorsque les entraînements sont intensifs, ou en raison du vieillissement.
Créatine et cerveau
Nous savons depuis longtemps que la créatine joue un rôle essentiel dans le cerveau. Bien que la quantité de créatine dans le cerveau ne représente qu’environ 5 % de la créatine totale du corps humain, les carences en créatine dans le cerveau ont des effets catastrophiques. Il existe des maladies congénitales qui causent une carence en créatine dans le cerveau, soit à cause d’une déficience de production ou soit à cause d’un problème de transport. Lorsqu’un enfant naît avec ce dysfonctionnement, on observe souvent de graves effets sur les fonctions cognitives et la croissance(24). Et même en l’absence d’anomalie, les chercheurs ont suggéré que la créatine pourrait jouer un rôle important dans la survenue et la gravité d’un grand nombre de maladies du cerveau, dont les lésions traumatiques, la maladie de Huntington, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la maladie d’Alzheimer.
Par ailleurs, certaines études ont montré que la supplémentation en créatine peut augmenter jusqu’à 10 %(25) la quantité de créatine et de phosphocréatine stockée dans le cerveau. À ce titre, beaucoup de chercheurs se sont penchés sur les effets de la créatine sur le cerveau plutôt que sur les muscles.
Les bienfaits supposés d’une supplémentation en créatine sont liés sa capacité de faciliter la resynthèse de l’ATP. Le cerveau est l’un des organes les plus actifs sur le plan métabolique(26) et il nécessite une quantité d’énergie énorme à produire. Il fonctionne sans cesse, simplement pour rappeler à votre corps de respirer et de faire battre votre cœur lorsque vous dormez.
La créatine dans le cerveau fonctionne comme une source d’énergie incontournable pour garantir aux neurones d’avoir toujours suffisamment d’ATP afin de soutenir leur activité métabolique. Une carence en créatine est associée à des effets néfastes sur le fonctionnement et l’intégrité des neurones en manque.
En temps normal, les processus cognitifs augmentent l’activité cérébrale, ce qui augmente la demande d’ATP.
Comme l’expliquent Dolan et al.(27), le rôle de la créatine dans la facilitation de la resynthèse de l’ATP est élevé lorsque ces tâches cognitives deviennent plus complexes ou sont perturbées par des facteurs de stress aigu comme le manque de sommeil, l’hypoxie, la fatigue. Une récente étude(28) a résumé les effets de la supplémentation en créatine sur la fonction cognitive chez les personnes en bonne santé. Les résultats indiquent que la créatine a amélioré de façon assez constante les résultats sur des tests portant sur la mémoire à court terme et sur le raisonnement. Bien que certains résultats positifs aient été signalés pour d’autres aspects cognitifs, comme la mémoire à long terme, la mémoire spatiale, le contrôle inhibiteur, le temps de réaction et la fatigue nerveuse, ces résultats ont connu une amélioration moins régulière. L’étude a également révélé que la supplémentation en créatine était plus susceptible d’améliorer les fonctions cognitives chez les personnes âgées par rapport aux jeunes et chez les végétariens(29) par rapport aux mangeurs de viande.
Le développement et la gravité de plusieurs pathologies cérébrales sont directement liés au dysfonctionnement mitochondrial et à l’altération de la production d’ATP. Par conséquent, on s’intéresse beaucoup à la façon dont les effets protecteurs de l’ATP de la créatine peuvent être liés aux fonctions cérébrales, tant pour la santé que pour les maladies. La progression et la sévérité des lésions cérébrales et de nombreuses maladies neurodégénératives sont également liées au stress oxydatif. Par conséquent, il a été suggéré(30) que la créatine puisse avoir des effets antioxydants sur le cerveau en plus d’éventuels mécanismes non énergiques associés à d’autres substances.
En ce qui concerne les lésions cérébrales, comme les accidents ischémiques et les traumatismes cérébraux légers (commotions cérébrales), les études animales(31) indiquent que la supplémentation en créatine peut réduire la gravité des blessures et améliorer leur guérison. Bien qu’il soit difficile de faire des recherches chez l’humain dans lesquelles des lésions cérébrales graves seraient intentionnellement provoquées, ces études animales démontrent que les effets de la créatine sur la bioénergétique mitochondriale et le stress oxydant peuvent atténuer les dommages résultant de lésions au cerveau.
La recherche chez l’homme(32) a également démontré les avantages de la supplémentation en créatine pour les personnes souffrant de carences innées dans la synthèse de créatine, démontrant ainsi que la supplémentation orale en créatine peut influencer les taux de créatine dans le cerveau à un niveau cliniquement significatif, au moins dans les cas extrêmes. Plusieurs études animales ont également suggéré que la créatine pourrait avoir un rôle thérapeutique prometteur pour un certain nombre de maladies neurodégénératives, notamment la maladie de Huntington, la maladie de Parkinson et la SLA.
Bien que la littérature sur la créatine relative aux fonctions cérébrales soit assez limitée, Dolan et al.(33) fournissent une synthèse concise de ce que nous savons à ce jour. Les études tendent à montrer que la créatine a des effets minimes sur les fonctions cognitives dans des conditions normales, mais ses effets deviennent plus flagrants avec des facteurs de stress. Les facteurs de stress aigus comprennent la privation de sommeil, la fatigue, l’hypoxie et les commotions cérébrales. Les facteurs de stress chroniques comprennent la carence innée en créatine, la dépression et le vieillissement. Les bienfaits cognitifs de la créatine semblent être plus prononcés(34) chez les adultes plus âgés et les végétariens que chez les jeunes adultes et les personnes omnivores. Il y a lieu d’espérer que la créatine sera un traitement d’appoint modestement bénéfique pour la prise en charge de l’évolution et des symptômes de certaines maladies neurologiques, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour vérifier l’utilité de cette application potentielle.
Effets secondaires de la créatine
Si vous recherchez les effets secondaires de la créatine sur Google, vous obtiendrez un nombre assez important de résultats. Les crampes musculaires, les problèmes rénaux, les problèmes de foie, la déshydratation, la prise de poids et les troubles gastro-intestinaux sont les plus fréquemment mentionnés. Heureusement, plusieurs centaines d’études sur la créatine ont été menées au cours des dernières décennies, dont certaines ont duré jusqu’à cinq ans. Nous connaissons donc très bien ce que la créatine peut occasionner (et ce qu’elle ne peut pas causer).
Intuitivement, les préoccupations concernant le foie et les reins ont un sens. Ces deux organes participent à la production de créatine et à son élimination, et on observe de légers changements dans certains biomarqueurs associés à la fonction de chaque organe(35). Cependant, des études approfondies sur le fonctionnement de ces organes n’ont, à maintes reprises, pas permis de démontrer des effets délétères de la supplémentation en créatine(36) ni sur le foie ni les reins chez les personnes en bonne santé, et consommant de la créatine à des doses ergogéniques. Par exemple, une étude(37) sur la créatine a constaté une augmentation des taux de créatinine sérique. La créatinine est un produit de dégradation de la créatine et est utilisée comme marqueur de la fonction rénale dans des circonstances ordinaires. L’utilisation de la créatinine pour faire des suppositions sur la fonction rénale est cependant fondée sur le principe que l’on ne prend pas de créatine en grande quantité. Par conséquent, il est normal de constater des valeurs élevées de créatinine pendant une supplémentation en créatine : elles reflètent simplement que vous avez dépassé la norme établie par le test de la créatinine sérique. Cela dit, des résultats anormaux d’analyses sanguines ne devraient jamais être ignorés, mais des tests plus rigoureux sont nécessaires pour évaluer efficacement la fonction rénale dans ce cas.
En ce qui concerne la fonction rénale et hépatique, des études approfondies ont systématiquement montré que la supplémentation en créatine n’est pas nuisible chez les personnes en bonne santé.
Une grande partie des controverses sur les effets secondaires de la créatine peuvent être attribuées à des anecdotes et à des témoignages dans lesquels la créatine a été mise en cause ou accusée à la hâte.
Un bon exemple de cela est une étude de cas(38) qui a fait l’objet d’un réexamen(39) réalisé par Rawson et al. Le patient de l’étude de cas présentait une rhabdomyolyse, qui peut entraîner une insuffisance rénale. Les auteurs étaient tellement convaincus par le rôle de la créatine dans le développement de la rhabdomyolyse que le titre de l’étude mentionnait spécifiquement la créatine. Cela dit, il est important de se rappeler que la créatine a été étudiée des centaines de fois, avec des milliers de participants, et je ne me souviens pas avoir lu un seul cas de rhabdomyolyse dans aucune de ces études. De plus, le patient de l’étude avait récemment pris des anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie intraveineuse, avait subi une intervention chirurgicale incluant l’utilisation d’un garrot, qui sont toutes des voies très plausibles pour développer une rhabdomyolyse. C’est à partir d’anecdotes comme celles-ci que des liens ont été établis entre la créatine et des effets comme la déshydratation ou les crampes musculaires. En réalité, plusieurs études(40) ont confirmé que la créatine n’a aucun effet négatif sur l’hydratation, les crampes musculaires ou les lésions musculaires.
Au contraire, certaines études(41) montrent même que la supplémentation en créatine permet de réduire l’incidence des problèmes de chaleur/déshydratation, des crampes musculaires et des blessures chez les joueurs de football professionnels.
L’idée que la créatine provoque une déshydratation est une notion particulièrement curieuse, car elle augmente de façon importante et efficace la quantité d’eau intracellulaire. Ainsi, il a été démontré à plusieurs reprises que la créatine améliore le niveau d’hydratation et les réponses thermorégulatrices pendant un effort par temps chaud, exerçant ainsi un effet protecteur plutôt qu’un effet nocif.
Bien que la créatine ne semble pas causer de lésions rénales, de lésions hépatiques, de rhabdomyolyse, de déshydratation, de crampes musculaires ou de lésions musculaires chez des personnes en bonne santé, il existe certaines pathologies rénales et hépatiques pour lesquelles la supplémentation en créatine peut être contre-indiquée; il serait donc préférable de consulter un médecin avant de commencer une supplémentation en créatine, si vous avez un problème rénal ou hépatique préexistant.
Cela dit, la créatine ne semble pas nuire aux reins et au foie, et elle peut même prévenir l’accumulation pathologique de graisse hépatique(42). Par ailleurs, elle n’altère pas la capacité de l’organisme à produire de la créatine après l’arrêt de la supplémentation. Cela ne veut pas dire pour autant que la créatine ne présente aucun effet secondaire. Certaines personnes considèrent la prise de poids provoquée par la rétention d’eau comme un effet secondaire, et cela se produit chez la plupart des personnes. Il est également assez fréquent d’observer un inconfort gastro-intestinal(43) avec la prise de suppléments de créatine. Cet effet est sans doute exacerbé si la créatine est mal mélangée, ingérée à fortes doses ou avec une grande quantité de caféine. Pour finir, il y a des domaines assez spécifiques dans lesquels les effets de la créatine sont un peu plus compliqués, et une explication plus détaillée s’impose. Ces sujets comprennent le rôle de la créatine dans les réponses immunitaires et l’asthme, les effets de la créatine sur la chute des cheveux et la possibilité que la caféine interfère avec les effets de la créatine.
Effets de la créatine sur l’inflammation, le stress oxydatif, le système immunitaire et la fonction pulmonaire
Lorsque les scientifiques étudient l’inflammation, une méthode courante consiste à provoquer une inflammation sur la patte d’un rat de laboratoire et de mesurer l’œdème causé par l’inflammation (enflure) qui en résulte. Cela a tendance à déclencher de nombreuses réactions de plusieurs médiateurs inflammatoires, dont l’histamine, les prostaglandines, le facteur de nécrose tumorale et une variété d’interleukines et de récepteurs de type toll, qui participent fortement à ce processus.
Comme l’ont étudié Riesberg et al.(44), les premières études sur les rats ont révélé que la créatine injectée et consommée par voie orale atténuait les réactions inflammatoires lorsque plusieurs modèles d’inflammation aiguë étaient testés. Les résultats semblent également se vérifier dans le cas d’une inflammation chronique : il a été démontré que la créatine a des effets favorables contre la progression de l’arthrite, et ce, avec deux modèles différents d’arthrite chez les rats.
Des études ont également démontré que la créatine réduit les marqueurs de l’inflammation après une course de 30 km(45), un demi-triathlon Ironman(46) et un test anaérobie de course à pied(47). La créatine peut également influencer le stress oxydatif. De nombreuses études(48) utilisant des cultures cellulaires ont montré que la créatine protégeait les cellules incubées des dommages oxydatifs, et une étude(49) chez le rat a démontré que 28 jours de supplémentation en créatine avaient un effet antioxydant sur la réponse due à des efforts physiques intensifs.
Malheureusement, les recherches humaines sur ce sujet sont assez limitées. Une étude(50) a toutefois révélé une réduction significative de la réponse à un stress oxydatif lors d’un exercice de musculation chez des sportifs après une supplémentation en créatine.
Comme on peut s’y attendre, les altérations de l’inflammation, du système immunitaire et du stress oxydatif ne sont pas forcément toutes de bonnes choses. Par exemple, une étude(51) antérieure a noté que ces effets pourraient collectivement avoir un effet immunosuppresseur. Malheureusement, peu d’études sur la créatine sont assez longues pour faire des extrapolations pertinentes sur ce sujet. Une étude de trois ans(52) menée auprès de joueurs de football universitaires n’a révélé aucune augmentation dans la fréquence des maladies chez les consommateurs de créatine, mais les effets immunosuppresseurs documentés précédemment pourraient être plus significatifs chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli.
Il a également été démontré que la créatine exacerbe les troubles de remodelage des voies respiratoires et les réactions allergiques/inflammatoires chez les souris atteints d’asthme(53). Cependant, des études ont également montré que les exercices aérobiques aident à atténuer ces effets négatifs(54). De plus, les effets de la créatine chez les personnes atteintes d’affections pulmonaires ne sont pas tous négatifs; de petites études préliminaires chez l’humain ont suggéré que la créatine peut avoir des effets bénéfiques modestes pour les entraînements, mais la fonction pulmonaire ne présentait ni un effet positif ni négatif dans ces deux études, sur les adaptations et le bien-être de patients souffrant de maladie pulmonaire obstructive chronique(55) et de mucoviscidose(56).
En conclusion, la créatine semble influencer la fonction immunitaire, l’inflammation et le stress oxydatif. Les inconvénients potentiels de la créatine en ce qui concerne l’asthme et le système immunitaire ne sont pas encore entièrement compris; néanmoins, si j’avais de l’asthme ou une affection inflammatoire allergique similaire ou un système immunitaire déficient, je ferais personnellement preuve de prudence et hésiterais à prendre des suppléments de créatine. Mis à part ces cas particuliers, les effets de la créatine sur la fonction immunitaire, l’inflammation, le stress oxydatif et la fonction pulmonaire semblent être modestement bénéfiques ou neutres.
Gain de force, perte de cheveux ?
Si vous avez déjà entendu dire que la créatine est liée à la perte de cheveux, il existe une étude sur laquelle s’appuie ce lien présumé. Cette étude(57), réalisée en 2009, portait sur les effets d’une période de charge en créatine d’une semaine et de deux semaines de supplémentation de maintien, sur les taux sanguins d’androgènes de rugbymans âgés de 18 à 19 ans. Plusieurs études antérieures avaient évalué les effets de la créatine sur les taux de testostérone, et la majorité d’entre elles n’avaient trouvé aucun effet significatif. Bien que cette étude n’ait pas non plus révélé d’effet sur la testostérone, une augmentation significative de la dihydrotestostérone (DHT) a été observée. C’est un fait important, car la DHT est connue pour jouer un rôle direct dans la perte des cheveux chez les hommes(58). La testostérone est convertie en DHT par une enzyme appelée 5ɑ-reductase et lorsque la DHT se lie aux récepteurs des follicules pileux, la chute des cheveux est favorisée par miniaturisation du follicule pileux.
Dans l’étude, les participants ont démarré avec un placebo et la valeur initiale de DHT était de 1,26 nmol/L. Les taux de DHT ont chuté à 1,09 au jour 7, et à 1,06 au jour 21. C’était un essai croisé, donc les mêmes sujets ont aussi participé au protocole avec créatine. Au début de la phase de supplémentation, la DHT de base était de 0,98 nmol/L ; elle a augmenté à 1,53 nmol/L au 7e jour puis est revenue à 1,38 au 21e jour. Il est important de noter que des valeurs allant jusqu’à environ 3,0-3,5 nmol/L(59) sont considérées comme “normales” et que les taux de DHT dans l’étude sur la créatine étaient assez irréguliers. Par exemple, les différences entre les protocoles, qui devraient (théoriquement) être à peu près égales, différaient de près de 0,3 nmol/L, et la DHT aurait dû être globalement stable pour le protocole placebo, mais elle a baissé de 0,2 nmol/L. Il est par conséquent peu probable que ces résultats sur les effets de la créatine soient inquiétants, car la valeur de base curieusement faible (0,98 nmol/L) a augmenté considérablement au bout d’une semaine avant de revenir à 1,38 nmol/L, soit 0,12 nmol/L seulement de plus que la valeur initiale du protocole placebo.
À l’heure actuelle, je n’ai connaissance que d’une seule étude mesurant les changements de la DHT en réponse à la supplémentation en créatine. L’étude a fait état d’une augmentation, mais les taux de DHT sont restés dans les limites de la normale. De plus, il existe de nombreuses étapes qui séparent les taux sanguins de DHT de la perte de cheveux. Pour cela, la DHT doit se lier aux récepteurs appropriés des follicules pileux et induire la miniaturisation des follicules pileux. Il n’est pas certain que cette légère augmentation du taux de DHT aurait un effet mesurable sur le taux de chute des cheveux chez les personnes avec des prédispositions génétiques. Il n’y a donc aucune raison de croire que la créatine puisse causer la chute des cheveux chez les personnes qui ne sont pas génétiquement prédisposées à en perdre.
Créatine et caféine
Au milieu des années 1990, alors que la recherche sur la créatine commençait à peine à se développer, un groupe de chercheurs a soupçonné que la caféine pourrait améliorer l’absorption de la créatine si elle était consommée en même temps. La créatine pénètre dans les cellules musculaires par l’intermédiaire de transporteurs spécifiques dépendants du sodium(60). Ainsi, le groupe de chercheurs supposait que la caféine augmenterait l’activité des pompes sodium-potassium ATPase, ce qui augmenterait théoriquement l’activité du transporteur de créatine (et l’absorption de créatine musculaire) en augmentant le gradient de sodium dans la membrane musculaire.
Les chercheurs ont été surpris de constater que l’ajout de caféine n’avait aucun effet sur l’absorption de créatine musculaire(61). Cependant, les chercheurs ont été encore plus surpris de constater que l’ajout de caféine semblait bloquer l’effet bénéfique de la supplémentation en créatine sur l’amélioration des performances. Même si le stockage de la créatine musculaire était significativement élevé, la prise de créatine et de caféine n’a pas amélioré les performances lors d’un test de leg extension, comparé au test placebo, alors que le protocole avec créatine seule avait considérablement amélioré les performances. Comme on pouvait s’y attendre, leur discussion sur les résultats n’a donné que très peu de suggestions concrètes sur les causes, car c’était tout à fait le contraire de ce qu’ils s’attendaient à trouver.
Six ans plus tard, le même groupe de chercheurs a mené une autre étude sur les mécanismes potentiels par lesquels la caféine pourrait bloquer les effets de la créatine sur les performances. Dans cette étude(62), ils ont analysé les effets de la créatine et de la caféine sur le temps de relaxation musculaire. En théorie, un temps de relaxation réduit est une bonne chose. Le fonctionnement des ponts actine-myosine (fixation, détachement et rattachement répétés des ponts transversaux actine-myosine) est ce qui permet la production de force et les ponts doivent se détacher avant de se rattacher à nouveau. Le ralentissement du temps de relaxation musculaire est une conséquence bien connue de la fatigue, et un détachement plus rapide pourrait donc être propice à générer une force élevée en un court laps de temps grâce à un rythme plus rapide du cycle de contraction actine myosine et un temps de récupération accéléré entre les contractions se succédant. Dans l’étude de suivi, le groupe de recherche a constaté que la créatine seule réduit le temps de relaxation, alors que la consommation répétée (plusieurs jours) de caféine seule augmente en fait le temps de relaxation. Lorsque la caféine était consommée de façon régulière pendant la période de charge en créatine, l’effet de la créatine sur le temps de relaxation musculaire était atténué et le temps de relaxation n’était pas réduit de façon significative. En ce sens, le groupe de recherche avait mis en place un mécanisme plausible pour expliquer ses observations antérieures.
Il faut dire que ces deux études sont plutôt légères pour expliquer comment la caféine bloque l’effet ergogénique de la créatine avec un temps de relaxation musculaire prolongé. Il y a peut-être plus à dire sur le sujet.
Roger Harris fait parti de ces chercheurs ayant étudié créatine pendant des années, de sorte que son expertise sur la créatine a autant de poids que celle de quiconque. Après que la question de la créatine et de la caféine ait commencé à faire parler d’elle, son groupe a fait une petite étude(63) pour voir s’ils trouveraient des effets similaires. À nouveau, le leg extension a été utilisé dans le cadre de cette étude qui a démontré l’efficacité de la créatine seule, et une atténuation des bénéfices avec l’ajout de caféine. Fait intéressant, cette étude a révélé que quatre participants sur dix ayant participé à cette étude se sont plaints de malaises gastro-intestinaux, qui étaient nettement plus fréquents lorsque la caféine était ingérée avec de la créatine qu’avec de la créatine seule. Ce n’est pas la seule étude à avoir observé un inconfort gastro-intestinal en réponse à la combinaison de créatine et de caféine : Quesada et Gillum(64) avaient aussi signalé cette gêne chez trois des sept sujets et un autre groupe a observé la même chose chez quatre des 13 autres sujets(65).
Les gens adorent la créatine et ils raffolent de la caféine. Suggérer qu’ils devraient choisir l’un ou l’autre, c’est comme leur dire de choisir un de leurs deux enfants. Par conséquent, il y a beaucoup de gens qui refusent tout simplement d’envisager la possibilité que la caféine puisse atténuer les effets de la supplémentation en créatine sur les performances. Il y a quelques arguments couramment utilisés pour suggérer que la question de la créatine et de la caféine est assez simple et qu’il n’existe aucune interaction. Le premier argument a trait au fait que de nombreuses études antérieures sur la créatine ont permis, et même encouragé, les participants à mélanger leur créatine dans du café et/ou du thé chaud. La recommandation était logique à l’époque, car la créatine se mélange beaucoup plus efficacement dans une boisson chaude. Cependant, cette logique n’est pas complètement dénuée de sens. Une tasse de café ou de thé peut apporter jusqu’à 100 mg de caféine, plus ou moins, ce qui est bien loin de la dose de 5 mg/kg utilisée dans de nombreuses études montrant une interaction créatine-caféine. De plus, il serait tout à fait inexact de considérer le café ou le thé comme de “l’eau caféinée” et d’ignorer les centaines de composés bioactifs qu’ils contiennent. Il n’est pas invraisemblable de penser que l’un de ces nombreux composés puisse modifier la relation entre la créatine et la caféine ou exercer leurs propres effets indépendamment les uns des autres.
Le deuxième argument suggère que “l’interaction” observée dans les études sur la créatine/caféine est en fait attribuable au retrait de la caféine. Cet argument soutient que l’apport en caféine pendant quelques jours d’affilée favorise la dépendance physiologique. Pour contourner les résultats trompeurs des effets ergogéniques de la caféine, de nombreuses études sur la créatine/caféine interdisent la caféine dans les heures qui suivent les tests d’effort, ce qui pourrait en théorie nuire aux performances à cause des symptômes du manque. Cependant, les travaux publiés(66) par le groupe de Harris jettent le doute sur cet argument. Ils ont testé les performances deux heures après l’administration d’une dose de caféine, et à nouveau le lendemain. Les interférences entre la caféine et la créatine étaient en fait plus apparentes pendant les essais qui ont eu lieu deux heures après l’administration d’une dose de caféine, au moment où les sujets seraient beaucoup moins vulnérables aux symptômes de sevrage qui perturbent leurs performances que pendant les tests menés 24 heures après l’ingestion. Le troisième argument est assez simple : des études ont démontré que les suppléments de pré-entraînement associant plusieurs ingrédients, contenant à la fois de la créatine et de la caféine, sont des stimulants efficaces. Cet argument suppose que la créatine a effectivement joué un rôle dans l’effet ergogénique observé, en plus des avantages que les sujets ont pu tirer de la caféine, de la bêta-alanine et de 26 autres substances qui composaient cette formulation. Cet argument ne tient pas compte non plus du fait que la plupart des compléments de pré-entraînement avec plusieurs ingrédients comprennent également beaucoup moins de créatine et de caféine que les doses auxquelles l’interaction a été observée.
D’autres études sont donc nécessaires à ce sujet, mais le schéma ci-dessous résume bien ce que nous savons actuellement. Jusqu’à présent, les quelques études sur la consommation régulière de doses ergogéniques de caféine pendant la phase de charge en créatine ont soit trouvé que la caféine bloquait les bienfaits de la créatine, soit n’ont rapporté aucun effet spécifique. Cependant, aucune des quelques études réalisées n’a démontré une efficacité supérieure de la créatine associée à une forte dose de caféine. La raison de cet aspect fait l’objet d’un débat. Certains ont suggéré que l’effet diurétique de la caféine s’oppose à l’effet de rétention d’eau de la créatine, mais nous savons que leur co-ingestion ne modifie pas les propriétés pharmacocinétiques l’une de l’autre et que la caféine ne modifie en rien la saturation en créatine des muscles. Bien qu’il puisse y avoir un certain risque d’effets contraires sur le temps de relaxation musculaire, la combinaison de fortes doses de créatine (généralement plus de 10 grammes par jour) et de caféine (généralement plus de 5 mg/kg par jour) semble souvent induire un inconfort digestif chez environ 30-40 % des individus. L’affaire n’est pas résolue, mais je suis de plus en plus convaincu que la question de la créatine et de la caféine se résume à un malaise gastro-intestinal, situation dans laquelle il est difficile de donner le meilleur de soi-même lors d’un effort physique.
Mes conseils pour allier créatine et caféine
Comme je l’ai souligné précédemment, certaines études indiquent que l’ingestion de grandes doses de créatine, typiquement celle utilisées lors de période de charge (plus de 20 grammes par jour) en association avec des doses ergogéniques quotidiennes de caféine anhydre (3-5 mg par kg de poids de corps) peut entraîner des troubles gastriques. Il existe plusieurs façons de minimiser ce problème.
- L’approche la plus radicale serait d’éviter de consommer de la caféine pendant la prise de créatine.
- Une approche moins extrême consiste simplement à gérer les quantités. Par exemple, en utilisant une dose de maintien de créatine (5 grammes par jour) plutôt qu’une dose de charge (20 grammes par jour), ou en limitant les doses de caféine à des niveaux “ordinaires” (<3 mg/kg par jour) qui sont susceptibles de vous donner un peu d’énergie, mais peu susceptibles de contribuer de façon significative à vos performances.
- Une approche encore moins stricte consisterait à séparer simplement le moment où vous prenez vos compléments; idéalement, la caféine serait consommée de 30 à 60 minutes avant une séance d’entraînement, et la créatine à d’autres moments de la journée. Avec un protocole d’entretien de supplémentation en créatine, cela pourrait très facilement se faire en consommant la caféine en début de journée et la créatine en une seule dose plus tard dans la soirée.
Fait à ne pas oublier, de nombreuses personnes ressentent un malaise stomacal lorsqu’elles consomment de la créatine, même en l’absence de caféine. Dans ce cas, il y a quelques stratégies qui peuvent être utiles.
- La recherche a montré que les maux d’estomac sont beaucoup plus prononcés lorsqu’on consomme une dose quotidienne de 10 grammes de créatine
Certaines anecdotes laissent entendre que d’autres formes de créatine (créatine phosphate, créatine magnésium, etc.) peuvent minimiser les symptômes gastro-intestinaux comparativement à la créatine monohydrate. Mais cela n’a jamais été prouvé scientifiquement. Au contraire, les études montrent que les trouves gastriques sont les mêmes(67). Le chlorhydrate de créatine (Con-cret) et la créatine micronisée, censée mieux se dissoudre et passer l’estomac plus rapidement, peuvent être légèrement meilleure que la créatine monohydrate classique. Mais vous pouvez également obtenir cette augmentation de solubilité en mélangeant simplement votre créatine monohydrate à une boisson chaude.
Donc, si vous ressentez des douleurs à l’estomac lorsque vous prenez de la créatine, vous n’êtes pas seul. Les stratégies simples pour réduire au minimum le risque d’inconfort comprennent la prise de créatine avec des aliments, le mélange de créatine dans une boisson chaude, la prise de moins de créatine ou son fractionnement en plusieurs petites doses, la prise de créatine micronisée et la réduction de la quantité de caféine quotidienne (< 3 mg par kg de poids de corps) quand vous consommez votre créatine. Bien qu’il soit possible que certaines des autres formes de créatine aient une plus grande solubilité dans l’eau ou induisent moins de détresse gastro-intestinale, ces formes alternatives ont tendance à faire l’objet de moins de recherches sur leur innocuité et leur efficacité.
Conclusion
On sait que la supplémentation en créatine augmente la capacité de stockage musculaire de créatine et de phosphocréatine, augmentant ainsi le poids de corps. Mais la créatine ne se limite pas à la rétention d’eau, elle favorise la production d’ATP dans les muscles lors d’exercices intenses, et de nombreuses questions continuent à être soulevées. La créatine influe sur un grand nombre d’organes, dont le cerveau, les os et les poumons. Elle influe sur l’inflammation, le stress oxydatif et la fonction immunitaire. Des questions concernant les formes optimales de créatine, les stratégies de dosage optimal, les effets secondaires et les interactions avec d’autres suppléments persistent. Voici un résumé de ce que nous savons actuellement de la créatine :
- La créatine améliore les performances physiques pour les exercices de haute intensité, principalement en saturant les muscles en créatine et en phosphocréatine, ce qui permet un recyclage rapide de l’ATP pendant un effort.
- Aucune forme de créatine n’a démontré une meilleure efficacité que la créatine monohydrate. À retenir que la créatine monohydrate se dégrade assez rapidement dans un liquide, elle doit donc être mélangée peu avant son ingestion.
- La période de charge et les cycles de la créatine sont possibles, mais pas nécessaires.
- La créatine peut avoir des effets bénéfiques modestes sur la santé des os et du cerveau.
- La créatine est largement exempte d’effets secondaires chez les personnes en bonne santé, à l’exception d’inconforts gastriques occasionnels. Cet inconfort peut probablement être atténué en dissolvant complètement la créatine, en évitant les doses supérieures à 5 grammes par prise et en évitant de consommer en même temps de fortes doses (≥3-5 mg/kg) de caféine en même temps. Chez les personnes souffrant d’asthme, d’un système immunitaire affaibli ou de certaines affections rénales ou hépatiques, une plus grande prudence est de rigueur en ce qui concerne les effets secondaires.
- Une seule étude a montré que la créatine augmentait les taux de DHT, mais la DHT est restée dans la moyenne de référence, ce qui n’équivaut pas nécessairement à une perte de cheveux.
- Quelques études ont montré que la caféine à forte dose atténue les avantages de la charge de créatine sur les performances, mais cela pourrait simplement être lié à une gêne gastrique causée par la combinaison de doses élevées des deux ingrédients. Il est donc possible d’éviter cela en mettant en œuvre des approches de dosage plus stratégiques pour les deux ingrédients.
Autres compléments pour optimiser vos performances
Sources éditoriales et fact-checking