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Le diabète de type 2 est une pathologie métabolique fréquente caractérisée par une hyperglycémie chronique résultant d’un déficit en insuline et d’une résistance à l’action de cette hormone. Sa prévalence ne cesse d’augmenter à l’échelle mondiale, en lien avec l’épidémie d’obésité et de sédentarité. En France, on estime que plus de 3,5 millions de personnes sont diabétiques, soit environ 5 % de la population adulte.
Outre les complications cardiovasculaires bien connues, le diabète de type 2 accroît également le risque de souffrir de problèmes ostéo-articulaires. De nombreuses études épidémiologiques ont montré que les patients diabétiques, en particulier les femmes ménopausées, ont un risque plus élevé de développer des pathologies rachidiennes telles que des hernies discales, des sténoses lombaires ou des spondylolisthésis. Ils se plaignent aussi plus fréquemment de douleurs lombaires chroniques handicapantes.
L’origine de cette fragilité accrue du rachis chez les diabétiques reste mal comprise. Une équipe de chercheurs de l’université de Californie à San Diego(1) vient de publier une étude dans la revue PNAS Nexus apportant un éclairage nouveau sur cette question. Leurs travaux suggèrent que le diabète de type 2 altère les propriétés biomécaniques des disques intervertébraux, ce qui pourrait expliquer l’apparition plus fréquente de lombalgies et de dégénérescences discales.
Méthodologie de l’étude
Pour étudier l’impact du diabète sur le comportement mécanique des disques intervertébraux, les scientifiques ont utilisé un modèle animal bien caractérisé de diabète de type 2, des rats Zucker. Ces rats présentent une mutation génétique qui altère la signalisation de la leptine, une hormone sécrétée par le tissu adipeux, conduisant à une obésité massive et à un diabète à partir de 10 semaines.
Les chercheurs ont prélevé des segments de colonne vertébrale thoracique chez des rats Zucker âgés de 20 semaines, donc diabétiques depuis 10 semaines, ainsi que chez des rats sains du même âge servant de témoins. Ils ont ensuite soumis ces échantillons à diverses techniques d’imagerie et de tests biomécaniques pour évaluer la structure et les propriétés mécaniques des disques intervertébraux :
- Diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS) : cette technique permet d’étudier l’organisation à petite échelle des fibrilles de collagène, un composant essentiel de la matrice extracellulaire du disque intervertébral
- Compression uniaxiale : test consistant à appliquer une force de compression sur les disques pour mesurer leur capacité à résister à la déformation
Résultats : altération des propriétés biomécaniques des disques
Les expériences ont révélé des différences majeures de comportement mécanique entre les disques des rats diabétiques et ceux des rats sains.
Dans les disques de rats diabétiques, les deux mécanismes étaient significativement altérés. Plus précisément, le diabète a réduit la rotation des fibrilles de 31 % et la tension des fibrilles de collagène de 30 % (par rapport aux disques maigres).
Le raidissement des fibrilles de collagène dans les disques des rats diabétiques était cohérent avec une concentration 31 % plus élevée de liaisons croisées non enzymatiques et avec des preuves de déformations plastiques d’apparition plus précoce telles que le glissement des fibrilles et le délaminage de la matrice des fibrilles.
“Chez les rats diabétiques, la façon dont les disques vertébraux dissipent l’énergie sous compression est considérablement altérée : le diabète réduit la rotation et l’étirement des fibrilles de collagène, ce qui indique une capacité compromise à gérer la pression”, déclarent les chercheurs.
Interprétation : rôle des modifications du collagène
Pour interpréter ces résultats, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les altérations des propriétés mécaniques des disques chez les rats diabétiques étaient liées aux anomalies de structure du réseau de collagène mises en évidence par SAXS.
En effet, on sait que la matrice extracellulaire riche en collagène confère au disque intervertébral sa capacité à résister aux forces de compression tout en autorisant de légers mouvements entre les vertèbres. Or l’organisation très précise des fibrilles de collagène en lamelles concentriques est essentielle pour assurer ces propriétés mécaniques.
D’après les scientifiques, l’hyperglycémie chronique associée au diabète de type 2 entraînerait la glycation des fibres de collagène, c’est-à-dire la fixation de molécules de glucose sur certaines lysines. Cette glycation excessive rigidifierait les fibrilles de collagène et perturberait leurs interactions, conduisant à terme à une désorganisation de l’architecture fibrillaire.
Ces anomalies structurales fragiliseraient alors la matrice extracellulaire du disque intervertébral et réduiraient sa capacité à amortir les chocs et les mouvements. Il en résulterait une plus grande vulnérabilité mécanique se traduisant par des microtraumatismes répétés puis, à terme, par une détérioration accélérée du disque avec risque de hernies ou de dégénérescences.
Ce qu’il faut retenir
L’étude souligne que les mécanismes de déformation à l’échelle nanométrique des fibrilles de collagène s’adaptent à la charge de compression du disque intervertébral. Dans le contexte du diabète de type 2, ces mécanismes sont compromis, entraînant une fragilisation du collagène. Ces résultats fournissent de nouvelles informations sur les mécanismes potentiels sous-jacents aux lésions discales liées au diabète et pourraient éclairer le développement de stratégies préventives et thérapeutiques pour prévenir le mal de dos.
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Sources éditoriales et fact-checking