La diarrhée chronique, définie comme l’émission persistante de selles molles ou liquides pendant plus de 4 semaines, touche environ 5 % de la population. Bien que dans la majorité des cas, il s’agisse du syndrome du côlon irritable, une affection bénigne, il est essentiel d’en déterminer la cause précise afin de mettre en place le traitement adapté.
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Principales causes
Les infections
Les infections sont une cause majeure de diarrhée chronique, en particulier chez les personnes immunodéprimées. De nombreux micro-organismes peuvent être impliqués :
Les bactéries
Plusieurs espèces bactériennes pathogènes sont fréquemment retrouvées dans les selles de patients atteints de diarrhée chronique.
Les principales sont Salmonella, Campylobacter, certains types de Escherichia Coli (E. coli entéro-pathogènes, entéro-toxinogènes, entéro-invasifs, entéro-hémorragiques), Clostridium difficile, Yersinia, Shigella et Vibrio.
Ces bactéries sécrètent des toxines qui provoquent une inflammation de la muqueuse intestinale, des ulcérations, et/ou stimulent une sécrétion excessive de liquide.
Les virus
Certains virus sont également en cause, notamment les Rotavirus, Norovirus, Coronavirus et Adénovirus entériques.
Ils provoquent une atteinte des cellules de la muqueuse intestinale, conduisant à un dysfonctionnement de l’absorption et de la sécrétion liquidienne.
Les parasites
Plusieurs parasites unicellulaires peuvent être responsables de diarrhées chroniques, en particulier Giardia intestinalis (Lamblia), Entamoeba histolytica, Cryptosporidium, Cyclospora et Isospora.
Ils se multiplient dans la lumière intestinale, provoquant une inflammation chronique.
Ces germes pathogènes sont le plus souvent contractés lors de voyages dans les pays en développement, de contacts avec des personnes infectées ou par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés.
Chez les personnes immunodéprimées, notamment celles infectées par le VIH, le risque d’infections parasitaires, bactériennes ou virales chroniques à l’origine de diarrhées est très élevé.
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) constituent un groupe d’affections caractérisées par une activation chronique et excessive du système immunitaire au niveau de la muqueuse digestive. Celle-ci devient le siège d’une inflammation persistante à l’origine de lésions plus ou moins étendues.
On distingue classiquement deux pathologies principales : la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Bien que leurs manifestations cliniques et leurs atteintes soient sensiblement différentes, ces deux entités partagent des mécanismes physiopathologiques communs faisant intervenir des facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux.
La rectocolite hémorragique
La rectocolite hémorragique est une inflammation chronique touchant la muqueuse du rectum et du côlon. L’atteinte est continue, limitée à la couche superficielle de la paroi intestinale.
Les symptômes associent classiquement des diarrhées glairo-sanglantes, des douleurs abdominales, du ténesme rectal et une perte de poids. Des manifestations extra-intestinales sont possibles, en particulier rhumatologiques, dermatologiques et ophtalmologiques.
L’évolution se fait classiquement par poussées entrecoupées de périodes de rémission. Le risque de cancer colorectal est augmenté, imposant une surveillance endoscopique régulière.
La maladie de Crohn
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La maladie de Crohn est une inflammation chronique transmurale, pouvant toucher l’ensemble du tube digestif de la bouche à l’anus, avec une prédilection pour l’iléon terminal et le côlon.
Les symptômes sont polymorphes avec diarrhées, douleurs abdominales, altération de l’état général, manifestations articulaires ou cutanées.
L’atteinte est segmentaire, avec une alternance de zones malades et saines. Des complications locales sont fréquentes : sténoses inflammatoires ou cicatricielles, abcès, fistules. Le risque de cancer colorectal est également majoré.
L’évolution est imprévisible, faite de poussées et de rémissions, aboutissant souvent à des lésions irréversibles. Dans certains cas, une intervention chirurgicale peut être nécessaire.
Les intolérances alimentaires
De nombreux patients présentent une inaptitude à digérer convenablement certains composés présents dans leur alimentation. Cette incapacité engendre des troubles digestifs chroniques tels que des diarrhées.

L’intolérance au lactose
L’intolérance au lactose résulte d’un déficit en lactase, l’enzyme permettant de scinder le lactose (sucre du lait) en glucose et galactose, ses composants assimilables. Ce déficit, d’origine génétique, touche majoritairement les populations d’origine asiatique et africaine.
Lors de l’ingestion de produits laitiers, le lactose traverse l’intestin grêle sans être décomposé. Dans le côlon, il est alors métabolisé par la flore bactérienne, produisant gaz et acides gras à l’origine de douleurs abdominales, ballonnements et diarrhées osmotiques.
La maladie coeliaque
La maladie coeliaque, également nommée intolérance permanente au gluten, est une affection auto-immune déclenchée par l’ingestion de gluten chez les individus génétiquement prédisposés. Elle touche environ 1% de la population.
Le gluten est une protéine présente dans le blé, le seigle et l’orge. Chez les patients coeliaques, il provoque une réaction immunitaire conduisant à une inflammation chronique de la muqueuse de l’intestin grêle.
Cette atteinte entraîne une perturbation de l’absorption intestinale à l’origine de carences nutritionnelles et une fuite de liquide dans la lumière intestinale aboutissant à des diarrhées. D’autres manifestations sont possibles comme une perte de poids, des ballonnements ou de la fatigue.
Ainsi, les intolérances alimentaires constituent une cause fréquente de diarrhées chroniques. Leur diagnostic repose sur des tests sanguins spécifiques et sur l’effet d’un régime d’éviction. Le seul traitement est alors l’exclusion stricte et définitive de l’aliment en cause.
Les diarrhées motrices
Les diarrhées motrices résultent d’une accélération anormale du transit intestinal, sans lésion de la paroi. Le côlon est alors le siège de contractions excessives qui chassent trop rapidement son contenu dans le rectum, ne laissant pas le temps à l’absorption des liquides et des électrolytes.
Plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine d’une perturbation de la motricité colique :
Facteurs digestifs
- Syndrome du côlon irritable à prédominance diarrhéique : trouble fonctionnel très fréquent caractérisé par des douleurs abdominales et troubles du transit.
- Chirurgies digestives avec résection intestinale étendue : l’adaptation du transit post-opératoire peut persister.
- Post-gastrectomie et post-vagotomie : perturbation durable de la motricité.
Facteurs endocriniens
- Hyperthyroïdie : l’excès d’hormones thyroïdiennes accélère le transit.
- Diabète de type 1 instable : en cas d’hypoglycémies fréquentes.
Facteurs neurologiques
- Neuropathie végétative d’origine diabétique.
- Maladie de Parkinson.
- Accident vasculaire cérébral du tronc cérébral ou des noyaux gris centraux.
Facteurs médicamenteux
Certains médicaments stimulent la motricité intestinale :
- Laxatifs stimulants (séné, bisacodyl…).
- Antiacides contenant du magnésium.
- Inhibiteurs de la cholinestérase (donépézil, rivastigmine…).
- Antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Autres causes
De nombreuses autres affections peuvent être en cause :
- Les tumeurs colorectales bénignes (polypes) ou malignes.
- Certaines maladies pancréatiques (pancréatite chronique, cancer).
- Les chirurgies digestives avec résection intestinale.
- Certains médicaments (antibiotiques, AINS, chimiothérapie…).
- Les maladies neurologiques (Parkinson, accident vasculaire cérébral…).
Il est donc essentiel d’explorer de façon approfondie toute diarrhée chronique, en particulier chez les personnes de plus de 50 ans ou présentant des symptômes ou antécédents inquiétants.
Mécanismes physiopathologiques
Les mécanismes à l’origine des diarrhées chroniques sont multiples mais on peut les classer en 4 catégories principales :
Diarrhée osmotique
Elle survient lorsqu’une quantité excessive de solutés non absorbés reste dans la lumière intestinale, provoquant un appel d’eau. On retrouve :
- Intolérances alimentaires (lactose, fructose…) ;
- Médicaments osmotiquement actifs ;
- Pullulation microbienne.
Diarrhée sécrétoire
L’intestin sécrète de façon excessive de l’eau et des électrolytes, dépassant les capacités d’absorption. Causes possibles :
- Tumeurs sécrétantes (VIPome, gastrinome) ;
- Cholerrhée endocrine (thyrotoxicose, mastocytose) ;
- Infection à Vibrio cholerae.
Diarrhée inflammatoire
Des lésions de la muqueuse intestinale altèrent les mécanismes d’absorption et de sécrétion. On retrouve :
- Maladies inflammatoires chroniques intestinales ;
- Infections parasitaires ou bactériennes invasives ;
- Ischémie mésentérique.
Diarrhée motrice
Le transit colique est anormalement accéléré. L’eau et les électrolytes n’ont pas le temps d’être réabsorbés. Causes possibles :
- Syndrome de l’intestin irritable ;
- Hyperthyroïdie, diabète ;
- Neuropathie autonome.
Diagnostic
Le diagnostic d’une diarrhée chronique repose sur une démarche rigoureuse comprenant un interrogatoire fouillé, un examen clinique méticuleux et des examens complémentaires ciblés. L’objectif est d’identifier la ou les causes possibles de la diarrhée chronique afin de guider la prise en charge thérapeutique.

Interrogatoire
L’interrogatoire est une étape cruciale pour orienter le diagnostic étiologique. Le médecin s’attachera à préciser :
- Les caractéristiques de la diarrhée : date de début, nombre de selles par jour, aspect glairo-sanglant ou graisseux, horaire de survenue, soulagement par la prise d’antidiarrhéiques.
- Les signes digestifs associés : douleurs abdominales, ballonnements, nausées.
- L’existence de signes généraux : fièvre, amaigrissement, asthénie.
- Les antécédents du patient : chirurgie digestive, maladies inflammatoires ou tumorales, troubles thyroïdiens.
- Les facteurs favorisants : voyage récent, prise médicamenteuse, modifications alimentaires.
Cet interrogatoire médical approfondi permet d’orienter l’examen clinique et les explorations complémentaires ultérieures.
Examen clinique
L’examen physique est le deuxième temps fort de l’évaluation. Il comprend :
- L’inspection de la cavité buccale à la recherche de signes de carences nutritionnelles.
- La palpation de l’abdomen pour dépister une sensibilité ou une masse.
- La recherche de signes d’insuffisance surrénale : hypotension orthostatique, hyperpigmentation cutanée.
- L’examen proctologique à la recherche de lésions inflammatoires ou tumorales.
- L’évaluation de l’état nutritionnel : poids, albuminémie, numération formule sanguine.
Cet examen clinique approfondi affine l’orientation diagnostique avant la réalisation d’examens complémentaires spécifiques.
Explorations complémentaires
De nombreux examens biologiques, endoscopiques ou radiologiques peuvent être indiqués selon le contexte clinique. Les plus fréquents sont :
- Analyse des selles : examen parasitologique, dosage de la calprotectine fécale.
- Analyse du sang : numération formule sanguine, ferritine, albumine, TSH.
- Endoscopie digestive haute et basse avec biopsies intestinales.
- Imagerie : échographie abdominale, scanner, IRM.
Ces explorations diagnostiques sophistiquées, réalisées par des spécialistes, permettent le plus souvent d’identifier la cause de la diarrhée chronique et de proposer une prise en charge adaptée.
Traitements
Le traitement de la diarrhée chronique dépendra de la cause identifiée suite au bilan diagnostique. Néanmoins, quelques grands principes de prise en charge peuvent être dégagés.
Mesures générales
Quelle que soit l’origine de la diarrhée chronique, certaines mesures générales sont toujours recommandées.
Tout d’abord, une réhydratation adaptée est capitale afin de compenser les pertes hydro-électrolytiques. Des boissons contenant du sel et du sucre, ou les solutions de réhydratation orale disponibles en pharmacie, permettent de maintenir l’équilibre hydrominéral.
De plus, l’alimentation doit être adaptée en privilégiant les féculents, les carottes, les bananes et en évitant les fruits et légumes verts, les plats épicés ou glacés. Une consultation diététique peut s’avérer utile.
Traitements médicamenteux
Différentes classes de médicaments symptomatiques peuvent soulager la diarrhée chronique.
Les probiotiques, contenant des bactéries bénéfiques, sont parfois utilisés mais leur efficacité est variable selon les études. Ils constituent plutôt un traitement d’appoint.
Les antidiarrhéiques les plus employés sont les ralentisseurs du transit intestinal comme le lopéramide, et les antisécrétoires tels que le racécadotril. Ils doivent être utilisés avec précaution chez certains patients.
D’autres traitements médicamenteux plus spécifiques seront prescrits en fonction de la cause de la diarrhée chronique identifiée. Il peut s’agir d’antibiotiques, de corticoïdes, d’immunosuppresseurs ou encore d’antiparasitaires.
Éducation thérapeutique
L’éducation du patient revêt un rôle primordial. Le médecin ou l’équipe soignante devront informer de façon complète le patient sur sa pathologie, les mesures hygiéno-diététiques à suivre et les signes de gravité à surveiller. Cette démarche éducative vise à rendre le patient acteur de sa prise en charge.
Ainsi, la prise en charge de la diarrhée chronique fait appel à différentes stratégies thérapeutiques qui devront être adaptées à chaque patient. Seul un suivi médical rapproché permettra d’en assurer l’efficacité et la tolérance.
Ce qu’il faut retenir
La diarrhée chronique altère significativement la qualité de vie des patients. Sa prise en charge précoce et adaptée est donc capitale afin d’éviter la dénutrition et les complications.
L’exploration étiologique, basée sur l’interrogatoire, l’examen clinique et des examens complémentaires ciblés, permettra dans la majorité des cas d’identifier la cause de la diarrhée chronique et de proposer le traitement approprié.