Le pancréas est un organe essentiel de notre appareil digestif. Situé dans l’abdomen, derrière l’estomac, sa fonction principale est de produire les enzymes digestives et les hormones régulant le taux de sucre dans le sang. Lorsque le pancréas s’enflamme, on parle alors de pancréatite. Cette pathologie douloureuse et parfois mortelle peut prendre deux formes : aiguë ou chronique.
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La pancréatite aiguë, une inflammation brutale
La pancréatite aiguë se manifeste soudainement, à la suite d’un dysfonctionnement pancréatique. Généralement bénigne, elle peut cependant présenter des complications sévères. Environ 25 % des patients atteints développeront des séquelles à long terme. Voyons plus en détails les causes, symptômes et traitements actuels de cette pathologie.
Des symptômes typiques et intenses
La crise de pancréatite aiguë débute le plus souvent par l’apparition brutale de douleurs abdominales violentes, de type coliques, irradiant dans le dos. Ces douleurs, souvent qualifiées de 10/10 sur l’échelle de la douleur, sont persistantes et résistent aux antalgiques classiques.
S’y associent fréquemment des nausées et vomissements importants, ainsi qu’une fièvre modérée. Le patient présente également une tachycardie et une tension artérielle basse. Dans certains cas, un ictère (coloration jaune de la peau) peut survenir.
Ces symptômes doivent conduire rapidement à une hospitalisation pour bilan et traitement.
Des causes multiples
Plusieurs facteurs de risque de pancréatite aiguë ont été clairement identifiés :
- La présence de calculs biliaires : ils sont retrouvés chez 40 % des patients ;
- Une consommation excessive d’alcool : elle multiplie le risque par 5 ;
- Une hypertriglycéridémie (taux de graisses dans le sang trop élevé) ;
- La prise de certains médicaments (azathioprine, estrogènes…) ;
- Des traumatismes abdominaux ;
- Des infections virales ou bactériennes ;
- Des anomalies génétiques touchant le pancréas.
Plus rarement, la pancréatite aiguë peut survenir à la suite d’une intervention chirurgicale sur l’abdomen ou après une endoscopie digestive.
Un diagnostic reposant sur le dosage des enzymes pancréatiques
Devant ce tableau clinique évocateur, le diagnostic de pancréatite aiguë est confirmé par une élévation significative des taux sanguins d’enzymes pancréatiques (lipase et/ou amylase).
Un scanner abdominal permet d’évaluer la sévérité de l’atteinte pancréatique et de rechercher d’éventuelles complications.
Traitements : du repos digestif aux gestes interventionnels
La prise en charge d’une crise de pancréatite aiguë nécessite une hospitalisation en service de gastroentérologie ou de réanimation.
Le traitement de première intention consiste en un repos digestif avec mise en place d’une perfusion pour réhydratation. Des antalgiques puissants sont administrés pour soulager la douleur.
Un traitement étiologique est instauré lorsqu’une cause est identifiée : cholécystectomie en cas de lithiase biliaire, arrêt des médicaments en cause…
En présence de complications, d’autres gestes interventionnels peuvent être nécessaires : CPRE (cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique) pour désobstruer les canaux pancréatiques, drainage chirurgical ou pose de stent, etc.
Des complications aux conséquences dramatiques
Bien que généralement bénigne, la pancréatite aiguë peut parfois évoluer de façon extrêmement péjorative, menaçant le pronostic vital du patient. Examinons plus en détails les principales complications qui peuvent survenir.
Atteinte de la fonction rénale
L’inflammation aiguë du pancréas entraîne fréquemment une déshydratation sévère de l’organisme, du fait des vomissements et de l’augmentation du débit cardiaque. Cette déplétion hydrosodée majeure peut provoquer une insuffisance rénale fonctionnelle par hypoperfusion des reins.
S’y ajoute parfois une atteinte organique directe liée à la libération de cytokines pro-inflammatoires. L’association de ces deux mécanismes conduit dans certains cas à une nécrose tubulaire aiguë, forme sévère d’insuffisance rénale nécessitant des séances d’épuration extrarénale urgentes.
Altération de la fonction respiratoire
Secondairement au syndrome inflammatoire intense, un œdème pulmonaire peut apparaître, compromettant dangereusement l’hématose. À cette congestion liquidienne des alvéoles s’associe fréquemment une détresse respiratoire aiguë par atteinte directe de la structure des poumons.
Ces défaillances respiratoires requièrent alors une prise en charge spécialisée en réanimation, avec assistance ventilatoire. L’évolution peut malheureusement être défavorable avec survenue d’un syndrome de défaillance multiviscérale.
Risque de diabète
La destruction d’une partie plus ou moins importante des cellules pancréatiques productrices d’insuline au cours de la pancréatite aiguë peut entraîner une insuffisance endocrinienne durable. Cette incapacité de l’organisme à réguler sa glycémie se manifeste par un diabète, transitoire ou définitif.
Outre la nécessité d’un traitement substitutif à vie par insuline dans certains cas, cette complication métabolique majore le risque de développer à long terme des atteintes cardiovasculaires et rénales.
Formation d’abcès
L’importante libération d’enzymes digestives lors de la crise aiguë conduit parfois à la constitution de collections liquidiennes infectées au sein du pancréas : les abcès. Le risque majeur est alors celui d’une diffusion hématogène des germes pathogènes, à l’origine d’une septicémie gravissime.
Un tel abcès pancréatique requiert en urgence une prise en charge interventionnelle, endoscopique ou chirurgicale, pour drainage de la collection et traitement antibiotique intensif.
Décès
Malgré les progrès récents de la médecine, la pancréatite aiguë sévère demeure une pathologie redoutable, engageant le pronostic vital dans 5 à 10 % des cas. Au delà des complications précédemment citées, la défaillance multiviscérale et le choc septique qui peuvent survenir sont responsables d’une mortalité encore trop élevée.
Une fois la crise résolue, la guérison complète du pancréas est possible. Mais chez 25 % des patients, des lésions pancréatiques chroniques persistantes apparaissent à distance, évoluant alors vers une pancréatite chronique.

La pancréatite chronique, une inflammation organique durable
La pancréatite chronique correspond à une inflammation prolongée du pancréas conduisant à une destruction progressive de l’organe. Apparaissant le plus souvent à la suite d’épisodes répétés de pancréatite aiguë, elle peut aussi se développer insidieusement. Examen des causes, symptômes et options thérapeutiques.
Une altération organique irréversible
Contrairement à la forme aiguë, la pancréatite chronique provoque des lésions irréversibles au niveau de la structure et de la fonction pancréatique. On observe une fibrose de l’organe, une destruction des cellules productrices d’enzymes digestives et d’insuline, une dilatation des canaux pancréatiques (sténoses).
Ces changements entraînent une insuffisance pancréatique exocrine et endocrine à l’origine de nombreuses complications.
Des symptômes discrets ou bruyants
Les signes cliniques de la pancréatite chronique sont variables selon les patients, allant de symptômes discrets à un tableau bruyant.
Les manifestations les plus fréquentes sont :
- Des douleurs abdominales chroniques, souvent après les repas ;
- Une perte de poids progressive ;
- Des selles grasses, volumineuses et nauséabondes (stéatorrhée) ;
- Un diabète par manque d’insuline.
Certains patients présentent également un ictère, des vomissements, une fatigue intense ou des carences nutritionnelles.
90 % des cas liés à une consommation excessive d’alcool
La principale cause de pancréatite chronique est une consommation excessive d’alcool pendant plusieurs années, retrouvée chez 90 % des patients. D’autres facteurs de risque sont plus rarement en cause :
- Calculs biliaires ;
- Anomalies génétiques (mucoviscidose…) ;
- Hypertriglycéridémie sévère ;
- Tabagisme.
Un diagnostic reposant sur l’imagerie
Le diagnostic de la maladie repose essentiellement sur des examens d’imagerie comme l’IRM ou le scanner abdominal, montrant une atrophie pancréatique avec calcifications et dilatations canalaires.
Un test respiratoire à l’urée marquée permet d’évaluer la fonction exocrine du pancréas. D’autres examens biologiques, fonctionnels ou endoscopiques peuvent être réalisés pour rechercher des complications éventuelles.

Des options thérapeutiques limitées
À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif de la pancréatite chronique. La prise en charge vise à soulager les symptômes et à prévenir les complications par :
- Un sevrage alcoolique strict et définitif ;
- La prescription d’enzymes pancréatiques de substitution ;
- Un régime pauvre en graisses ;
- Des antalgiques en cas de douleurs.
En cas de complications :
- Drainage chirurgical ou endoscopique ;
- Dérivation pancréatique ;
- Transplantation pancréatique (rare).
Malheureusement, ces mesures restent souvent insuffisantes pour enrayer l’évolution de la maladie.
Des complications redoutables
L’altération progressive du pancréas entraîne de nombreuses complications :
- Diabète par manque d’insuline (80 % des patients) ;
- Stéatorrhée : digestion difficile des graisses ;
- Carence en vitamines liposolubles (A, D, E, K) ;
- Hypertension portale : hypertension dans les vaisseaux du foie ;
- Risque accru de cancer du pancréas.
Ces complications altèrent la qualité de vie et peuvent conduire au décès prématuré des patients.
Prévenir la pancréatite, un enjeu de santé publique
La pancréatite étant une pathologie aux conséquences sévères, sa prévention représente un véritable enjeu de santé publique. Quelles sont les mesures préventives recommandées ?
Limiter les facteurs de risque modifiables
Plusieurs recommandations permettent de réduire le risque de développer une pancréatite :
- Éviction complète de l’alcool ;
- Alimentation équilibrée pauvre en graisses ;
- Correction d’éventuelles dyslipidémies ;
- Arrêt du tabac ;
- Surveillance régulière des facteurs de risque.
La prévention passe aussi par le dépistage et le traitement rapide de la lithiase biliaire et du diabète.
Optimiser la prise en charge des patients
Améliorer la prise en charge des patients atteints de pancréatite est également un axe essentiel pour limiter les complications et séquelles.
Cela nécessite :
- Un diagnostic précoce des premiers signes ;
- L’éducation thérapeutique du patient ;
- La coordination des professionnels de santé ;
- L’accès à l’innovation : nouvelles thérapies, dépistage…
Vos questions fréquemment posées
La pancréatite est-elle contagieuse ?
Non, la pancréatite n’est pas une maladie contagieuse. Il s’agit d’une inflammation du pancréas, le plus souvent due à des facteurs de risque individuels (alcool, lithiase biliaire…). Elle ne peut donc pas se transmettre d’une personne à l’autre.
Combien de temps dure une pancréatite aiguë ?
Dans la majorité des cas bénins (80 %), la pancréatite aiguë guérit en moins d’une semaine. Mais elle peut durer plus longtemps, de quelques semaines à quelques mois, si elle s’accompagne de complications ou évolue vers une forme chronique (25 % des cas).
Quels sont les traitements naturels contre la pancréatite ?
Il n’existe malheureusement pas de traitement naturel validé scientifiquement permettant de guérir ou soulager efficacement la pancréatite. Le repos digestif, l’hydratation et la prise d’antalgiques restent les pierres angulaires de la prise en charge. Certains compléments alimentaires ou plantes pourraient avoir un effet bénéfique mais leur efficacité demande à être confirmée.
La pancréatite chronique se guérit-elle avec le temps ?
Non, contrairement à la forme aiguë, la pancréatite chronique est une atteinte organique irréversible qui évolue progressivement vers la destruction du pancréas. Elle ne se guérit donc pas spontanément avec le temps. Seul l’arrêt total de la consommation d’alcool permet de stabiliser les lésions pancréatiques et de prévenir l’aggravation de la maladie.
Quelle est l’espérance de vie après une pancréatite aiguë ?
L’espérance de vie après une pancréatite aiguë dépend de la gravité de l’épisode. En cas de forme bénigne, le taux de mortalité est inférieur à 5 % et le pronostic est bon avec guérison complète. En cas de forme sévère, le taux de mortalité peut atteindre 20 %. Et chez les survivants, 25 % garderont des séquelles pancréatiques évoluant vers la chronicité. L’espérance de vie est alors diminuée.
Le mot de la fin
La pancréatite est une pathologie complexe et sournoise qui peut évoluer silencieusement vers une destruction fatale du pancréas.
La prévention primaire par la réduction des facteurs de risque modifiables (tels que la consommation d’alcool, le tabagisme et l’obésité) ainsi que le dépistage précoce demeurent donc essentiels pour endiguer cette maladie silencieuse.
Son diagnostic précoce et sa prise en charge optimisée sont essentiels pour améliorer le pronostic des patients.