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La maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD, de l’anglais Non-alcoholic fatty liver disease) est une maladie caractérisée par l’accumulation excessive de graisse dans le foie, pour des raisons autres que la consommation d’alcool. La prédominance de la NAFLD en France est de 16,7% d’après le site Ameli. Les principaux facteurs de risques de la NAFLD sont l’obésité, le diabète de type 2, la dyslipidémie et le syndrome métabolique(1).
Bien que la NAFLD touche généralement les adultes, nous avons pu observer durant ces dix dernières années une augmentation des cas chez les enfants. Sa prédominance étant de 8% en moyenne(2), avec des taux allant jusqu’à 38% pour certains groupes d’enfants(3).
Malgré la prévalence de cette maladie chez les adultes, et le nombre croissant de cas chez les enfants, aucun traitement thérapeutique n’a été approuvé à ce jour pour contrôler la NAFLD. C’est un vrai problème, car la maladie du foie gras non alcoolique peut sur le long terme progresser vers une stéatohépatite non alcoolique (NASH, de l’anglais Non-Alcoholic SteatoHepatitis), une inflammation du foie non liée à l’alcool.
Les acides gras oméga 3 à longue chaîne, en particulier l’EPA et le DHA, ont été étudiés comme traitements potentiels pour la NAFLD, car il a été démontré qu’ils modifient l’expression des gènes(4) liés au métabolisme des acides gras dans le foie. Plus précisément, des recherches ont prouvé qu’ils augmentaient l’expression des gènes liés à l’oxydation des acides gras(5) et qu’ils diminuaient l’expression des gènes(6) liés à la synthèse des acides gras(7).
De nombreux essais cliniques ont été réalisés afin d’étudier l’effet de la supplémentation en oméga 3 chez les adultes et chez les enfants atteints de la maladie du foie gras non alcoolique.
L’objectif de l’étude que nous allons décrypter(8) était de réaliser une revue systématique et une méta-analyse sur l’effet d’une supplémentation en oméga 3 chez les adultes et les enfants atteints de NAFLD, et notamment sur ses résultats observés sur le foie et les paramètres métaboliques.
Qui et quoi a-t-il été étudié ?
Cette étude, répertoriée par PROSPERO, est une revue systématique et une méta-analyse d’essais contrôlés et randomisés ayant examiné les effets des acides gras oméga 3 à longue chaine sur les troubles hépatiques et métaboliques des adultes et des enfants atteints de NAFLD.
Les études retenues ont été celles qui comparaient une supplémentation en EPA ou DHA à un placebo ou à rien chez des adultes ou des enfants atteints de NAFLD.
Le premier effet était la modification de la teneur en graisses du foie.
Les résultats secondaires étaient nombreux : une diminution de la taille du foie, de la fibrose et des enzymes hépatiques, des taux de lipides sanguins, du glucose et de l’insuline à jeun, de l’insulinorésistance, des marqueurs d’inflammation ou de stress oxydatif et de la pression artérielle. Une amélioration de la composition corporelle et des taux d’oméga 3 ont aussi été observés.
Au total, 18 études furent finalement incluses à cette revue, dont 14 sur des adultes et 4 sur des enfants. Parmi les 14 essais contrôlés sur les adultes, 12 avaient été randomisées et 9 menés en double aveugle. Chacune des études incluait entre 5 et 68 participants par groupe, dont la moyenne d’âge était de 35 à 58 ans. Toutes les études sur des enfants étaient des études randomisées en double aveugle incluant 20 à 56 enfants par groupe d’un âge moyen de 11 à 14 ans.
Les doses, types et sources d’acides gras oméga 3 étaient très variés. Par exemple, l’étude(9) avec la plus basse dose avait choisi de tester 250 milligrammes de DHA provenant d’algues par jour pour des enfants. L’étude avec la plus haute dose avait utilisé des doses fractionnées d’huiles de poisson, avec jusqu’à neuf grammes d’huile de poisson par jour, totalisant 4626 milligrammes d’EPA and 2151 milligrammes de DHA. Concernant la durée des études, elles s’étalaient de deux mois à un an et demi.
Quels ont été les résultats de cette étude ?
Les principaux effets (ou leur absence) qui ont été constatés sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Parmi les principaux effets, commençons par le plus important : la graisse du foie.
La supplémentation en oméga 3 a réduit de manière significative la teneur en graisse du foie de 5,2 % dans les cinq études ayant rapporté cette donnée.
Les analyses des sous-groupes furent limitées par le petit nombre d’études.
Parmi les autres résultats en rapport avec le foie, on note que la supplémentation en oméga 3 a réduit de manière significative le taux de stéatose observé par imagerie médicale.
Le taux de stéatose a baissé à la fois chez les enfants et chez les adultes, indépendamment de la dose d’oméga 3, autant dans les études les plus courtes (moins de 6 mois) que les plus longues (plus de 6 mois), et autant parmi les études de haute qualité que parmi celles de qualité moindre.
La supplémentation a également réduit les enzymes hépatiques GGT et ALT, mais pas les AST.
Des résultats similaires ont été obtenus dans des sous-groupes pour les enzymes hépatiques, mais avec plus de variations.
Parmi les cinq études ayant publié les résultats de biopsies hépatiques chez des participants atteints de la NAFLD (quatre études pour la NASH, une étude pour la NAFLD), la supplémentation en oméga 3 n’a eu aucun effet sur le taux de fibrose hépatique, le taux de dégénérescence hépatocellulaire, le taux de stéatose, le taux d’inflammation lobulaire ou encore le degré de la NAFLD.
Lorsque toutes les études ont été regroupées, on a pu constater des améliorations significatives du cholestérol total, du LDL, des triglycérides et du HDL suite à une supplémentation en oméga 3.
Ces améliorations significatives subsistaient lorsque les études étaient limitées aux adultes ou duraient moins de six mois.
Chez les enfants, seuls les triglycérides ont diminué (p=0,056). Dans les études d’une durée supérieure à six mois, seuls les taux de LDL et de HDL se sont améliorés.
Cependant, la supplémentation en oméga 3 n’a eu aucun effet sur la glycémie à jeun, l’insuline à jeun ou l’adiponectine.
En revanche, on a noté une amélioration des résultats concernant la résistance à l’insuline (mesurée par l’index de HOMA). Lors de l’analyse en sous-groupes, on a observé que l’amélioration de l’index de HOMA avait lieu chez les enfants, mais pas chez les adultes.
La supplémentation en oméga 3 a également entraîné une réduction de l’IMC d’environ 1,0 kg/m2. Mais aucun effet de la supplémentation en oméga 3 sur le poids de corps n’a été constaté lorsque les deux études sur les enfants ont été exclues. En outre, aucun effet sur le poids, le tour de taille ou la pression artérielle, n’a été observé, y compris dans les analyses des différentes sensibilités et de sous-groupes.
Que nous dit vraiment cette étude ?
Cette étude nous montre qu’une supplémentation en acides gras oméga 3 à longue chaîne (EPA et DHA) peut améliorer les marqueurs métaboliques de la fonction hépatique, ainsi que les profils lipidiques sanguins et la sensibilité à l’insuline chez les personnes atteintes de la maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD). Cependant, ces acides gras oméga 3 ne semblent pas améliorer les caractéristiques histologiques ou la glycémie. Dans l’ensemble, les résultats suggèrent qu’une supplémentation en oméga 3 pourrait être bénéfique en tant que traitement adjuvant chez les personnes atteintes de la NAFLD.
Les effets observés semblent être valables tant chez les adultes que chez les enfants et un bon nombre de ces effets peut être observé dans des délais relativement courts (moins de six mois).
Au vu des résultats obtenus, il semble que les avantages d’une supplémentation en oméga 3 se limitent à une amélioration de certains processus métaboliques et éventuellement une réduction de certains processus inflammatoires.
Les données ne montrant aucun avantage sur les caractéristiques histologiques de la NAFLD ou de la NASH indiquent que les oméga 3 ne sont pas capables de produire un effet direct sur le tissu lui-même ou de faire régresser les maladies, mais plutôt d’atténuer certains des effets métaboliques qui se produisent par la suite.
Cette étude présente cependant plusieurs limites.
Premièrement, les doses et les sources d’oméga 3 étaient très variables (allant d’environ 250 milligrammes de DHA seul à près de 7 grammes d’EPA et de DHA).
Deuxièmement, le nombre d’études disponibles pour les analyses histologiques était limité et il se peut que ces résultats n’aient pas permis de relever de petits effets.
En outre, dans les études avec biopsies, les doses utilisées étaient faibles (environ 350 mg d’EPA et de DHA par jour), avec des échantillons de petite taille, et le groupe placebo a montré des améliorations inattendues, ce qui indique que des éléments perturbateurs externes, comme l’alimentation ou l’activité physique, ont pu influer sur les résultats.
Mettons les choses à plat
La NAFLD touche un pourcentage important de la population. La hausse du nombre d’enfants touchés par la NAFLD au cours des 20 dernières années est une préoccupation majeure. À ce jour, aucun médicament n’est disponible pour le traitement de cette maladie, et par conséquent, le fardeau de cette maladie ne cesse de progresser.
Cependant, il existe d’autres moyens non médicamenteux qui peuvent avoir un impact important sur le traitement de cette maladie, notamment la modification du mode de vie par la pratique d’une activité physique et/ou par des améliorations du régime alimentaire.
Il a en effet été démontré qu’une perte de poids de 10% ou plus résultant d’une amélioration de l’hygiène de vie d’une personne malade permettait d’améliorer la NAFLD à tel point que la plupart des signes de la maladie disparaissaient(10).
Chez les personnes atteintes de NASH(11), près de 90% des patients qui avaient atteint ce seuil de 10% de perte de poids ont connu des améliorations majeures, et 45% d’entre eux ont observé une réduction considérable de leur fibrose.
Plusieurs études ont démontré que l’exercice physique permettait de réduire la teneur en graisse du foie(12) et d’augmenter la sensibilité à l’insuline(13).
La restriction calorique, entraînant une perte de poids similaire, donne des résultats comparables à ceux qui pratiquent une activité sportive(14).
Cela dit, les améliorations les plus importantes sont observées lorsque des mesures sont prises à la fois sur le plan de l’alimentation et de la pratique d’une activité physique(15).
À la lumière de cette étude, une autre mesure non médicamenteuse peut être ajoutée à la liste : les acides gras oméga 3.
En tant que complément alimentaire, les acides gras oméga 3 permettent de bénéficier de certains effets thérapeutiques sur les aspects métaboliques du NAFLD.
La présente méta-analyse suggère que la supplémentation en oméga 3 peut améliorer les fonctions métaboliques du foie (telles qu’évaluées par les bilans hépatiques), ainsi que les profils lipidiques sanguins et les marqueurs de la résistance à l’insuline.
Il existe plusieurs mécanismes par lesquels les oméga 3 peuvent améliorer le NAFLD, qui sont résumés dans le schéma ci-dessous.
Premièrement, les oméga 3 sont des ligands connus du récepteur gamma activé par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR-γ)(16). Les PPAR-γ coordonnent la transcription d’une multitude de gènes(17) qui régulent le métabolisme des acides gras, favorisent leur oxydation et diminuent leur synthèse.
Ce mécanisme est l’une des voies par lesquelles la supplémentation en oméga 3 peut réduire les dépôts de graisse en cas de NAFLD et améliorer la fonction métabolique globale.
Il est prouvé que les oméga 3 peuvent apporter un bénéfice par le biais des mécanismes indépendants des PPAR-γ(18). En outre, les oméga 3 sont connus pour supprimer(19) la protéine 1a de liaison aux éléments de régulation des stérols, qui contribue également aux processus lipogéniques(20) dans le foie.
Enfin, les processus inflammatoires contribuent au dysfonctionnement métabolique présent dans la NAFLD(21). Il se pourrait que les oméga 3 aient des effets anti-inflammatoires mineurs(22), notamment en modulant(23) l’expression de la molécule inflammatoire IL-6, ainsi que le facteur de nécrose tumorale (TNFα)(24).
FAQ
En dehors des acides gras oméga 3, existe-t-il d’autres solutions nutraceutiques qui pourraient être utiles pour lutter contre le NAFLD/NASH ?
La silymarine, un extrait de Chardon-Marie qui a des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, a montré qu’elle améliorait à la fois l’AST et l’ALT(25) chez les personnes atteintes de NAFLD. Par ailleurs, il a été démontré qu’elle réduit la glycémie à jeun chez les personnes atteintes de diabète de type 2(26).
La berbérine pourrait également être bénéfique pour les personnes atteintes de NAFLD. Une étude contrôlée randomisée a montré que la berbérine était bénéfique pour diminuer la teneur en graisses hépatiques(27), parallèlement à des améliorations du mode de vie, tout comme la thiazolidinedione.
Une poignée d’autres compléments alimentaires sont actuellement étudiés (par exemple la vitamine E, la curcumine, le CoQ10), mais aucun élément probant ne permet actuellement d’affirmer qu’ils sont bénéfiques.
Je vous rappelle qu’il est important de consulter votre médecin avant de commencer toute supplémentation.
En quoi la maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD) et la stéatohépatite non alcoolique (NASH) sont-elles différentes ?
Ces deux maladies du foie sont apparentées, mais distinctes.
La NAFLD est définie comme un état dans lequel un excès de graisse est stocké dans le foie. Cliniquement, la NAFLD est classée comme un foie gras simple dans lequel une accumulation excessive de graisse s’est développée, mais où il y a très peu d’inflammation ou de dommages cellulaires.
La NASH est une forme de NAFLD dans laquelle, en plus de l’accumulation excessive de graisse, on observe une inflammation du foie (hépatite), des dommages cellulaires, et possiblement la présence de modifications structurelles telles que la fibrose.
La NASH apparaît chez environ 20%(28) des personnes atteintes de NAFLD et on la définit souvent comme étant la forme évolutive de NAFLD.
Vous trouverez un résumé de la progression d’un foie sain vers ces différents états de la maladie dans le schéma ci-dessous.
Ce qu’il faut retenir
La NAFLD représente un problème de santé publique important. Sachant que l’obésité est un des facteurs de risques principaux de cette maladie, et que les taux d’obésité ne cessent d’augmenter, il est probable que les taux de NAFLD continuent également d’augmenter.
Alors qu’aucun traitement thérapeutique n’a été approuvé à ce jour pour soigner la NAFLD, la supplémentation en oméga-3 apparaît petit à petit comme une option potentielle de traitement basée sur les compléments alimentaires.
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Sources éditoriales et fact-checking