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Qui aurait cru que cette petite poudre blanche, 200 fois plus sucrée que le sucre, pourrait faire l’objet d’une telle controverse ? L’aspartame, cet édulcorant omniprésent dans nos boissons light et nos aliments diététiques, est sur le point d’être classé comme “probablement cancérogène pour l’homme” par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une branche de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette annonce prévue d’après Reuters pour le 14 juillet 2023, pourrait bouleverser l’industrie agroalimentaire et notre perception des produits allégés. Mais avant de jeter toutes vos canettes de soda light, prenons le temps de comprendre ce qui se cache derrière cette décision.
L’aspartame : un édulcorant sous surveillance
L’aspartame est un édulcorant de synthèse découvert en 1965. Il possède un pouvoir sucrant 150 fois plus élevé que le sucre et est aujourd’hui utilisé dans de nombreux produits dits “allégés” ou “lights”. Autorisé en France depuis 1988, notre pays n’est pas une grande consommatrice d’aspartame d’après une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (le CREDOC). Un peu moins d’un français sur cinq (19 %) déclare consommer de l’aspartame. De plus, la consommation est réalisée en faible quantité puisqu’en moyenne les consommateurs ingèrent 60,3 mg par jour d’aspartame ce qui est près de 40 fois inférieur à la DJA fixée par les autorités européennes.
En effet, depuis 1981, il est considéré qu’un apport quotidien de 40 milligrammes d’aspartame par kilogramme de poids corporel par jour était sans danger. Cela équivaut à entre 12 et 36 canettes de boissons light (selon la quantité d’aspartame contenue dans les boissons) par jour pour un adulte de 60 kg.
Cependant, malgré cette consommation modérée, l’aspartame est sous le feu des projecteurs. En effet, le CIRC devrait déclarer l’aspartame comme “cancérogène possible”. L’annonce officielle devrait être rendue public le 14 juillet prochain. Cette décision se base sur 130 études.
Un classement comme “cancérogène probable”
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui est une agence de l’Organisation mondiale de la santé, a pour mission d’identifier les causes du cancer afin de pouvoir mettre en place des mesures préventives. Pour cela, le CIRC évalue la cancérogénicité, c’est-à-dire le potentiel cancérigène, de différents agents tels que les produits chimiques, les composés physiques et biologiques, les mélanges complexes, les expositions professionnelles, les processus physiques et biologiques, ainsi que les modes de vie.
Pour classer ces agents, le CIRC utilise une échelle de cinq niveaux :
- Groupe 1 : cancérogène pour l’homme. Ce groupe comprend les agents pour lesquels il existe suffisamment de preuves pour conclure qu’ils peuvent causer le cancer chez l’homme. Les preuves peuvent provenir d’études épidémiologiques montrant le développement de cancer chez l’homme après exposition à ces agents.
- Groupe 2A : probablement cancérogène pour l’homme. Ce groupe comprend les agents pour lesquels il existe des preuves limitées de cancérogénicité chez l’homme et des preuves suffisantes de cancérogénicité chez l’animal.
- Groupe 2B : possiblement cancérogène pour l’homme. Ce groupe comprend les agents pour lesquels il existe des preuves limitées de cancérogénicité chez l’homme et moins que suffisantes de cancérogénicité chez l’animal.
- Groupe 3 : inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’homme. Ce groupe comprend les agents pour lesquels les preuves de cancérogénicité sont inadéquates chez l’homme et inadéquates ou limitées chez l’animal.
- Groupe 4 : probablement non cancérogène pour l’homme. Ce groupe est réservé aux agents pour lesquels il existe des preuves suggérant une absence de cancérogénicité chez l’homme et chez l’animal.
Il est important de noter que ces classifications ne préjugent pas du niveau de risque de cancer associé à l’exposition à un agent particulier. Elles indiquent simplement le degré de certitude avec lequel on peut affirmer que l’agent est cancérogène. Par exemple, un agent classé dans le groupe 1 est certainement cancérogène, mais cela ne signifie pas que l’exposition à cet agent causera nécessairement le cancer ; cela dépendra de nombreux autres facteurs, tels que le niveau et la durée de l’exposition.
Par ailleurs, le CIRC n’est pas un organisme de sécurité alimentaire. Son rôle est d’évaluer les preuves scientifiques de la cancérogénicité des différentes substances. C’est ensuite aux agences de sécurité alimentaire de chaque pays de prendre des décisions en matière de réglementation.
Une décision attendue
En parallèle de cette décision du CIRC, le JECFA, qui est un Comité mixte d’experts de l’OMS et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture sur les additifs alimentaires, examine également l’utilisation de l’aspartame cette année. Il doit annoncer ses conclusions le jour même où le CIRC rend publique sa décision, soit le 14 juillet.
D’après un porte-parole du CIRC, “les conclusions des comités du CIRC et du JECFA étaient confidentielles jusqu’en juillet, mais elles étaient “complémentaires”, la conclusion du CIRC représentant “la première étape fondamentale pour comprendre la cancérogénicité” de l’aspartame. En effet, le JECFA, de son côté, “effectue une évaluation des risques, qui détermine la probabilité qu’un type spécifique de dommage (le cancer, par exemple) se produise dans certaines conditions et à certains niveaux d’exposition”.
Le point de vue d’Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste
Le Dr Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, a partagé son point de vue sur cette question. Selon lui, “ce futur classement de l’aspartame en tant que cancérogène probable n’est pas une surprise. C’est un produit sur lequel pèse des interrogations depuis longtemps déjà. Son devenir métabolique dans notre organisme est mal connu, notamment sa dégradation et sa transformation au niveau de la flore intestinale. L’Inserm a suggéré il y a plusieurs années une association accrue entre risque de cancer et consommation d’aspartame, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il existe un lien entre les deux. Toutefois, le chiffre de 13 % d’augmentation des cas de cancers tous types confondus a quand même été avancé. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que ce risque est “individu-dépendant”. Pour ne prendre aucun risque, mieux vaut donc utiliser du sucre en quantité modérée, ou des alternatives naturelles, comme le miel ou le sirop d’agave”.
Ce qu’il faut retenir
L’aspartame, cet édulcorant omniprésent dans notre alimentation, pourrait donc être classé comme “probablement cancérogène pour l’homme”. Cette annonce, attendue pour le 14 juillet, pourrait bien changer notre perception de cet édulcorant et de nombreux produits dits “allégés” ou “lights”. En attendant, il est important de rappeler que la modération est la clé. Comme le suggère le Dr Cocaul, utiliser du sucre en quantité modérée, ou des alternatives naturelles, comme le miel ou le sirop d’agave, pourrait être une solution plus sûre.