Le syndrome de l’intestin irritable, également appelé « côlon irritable » ou « colopathie fonctionnelle », est un trouble digestif chronique qui touche jusqu’à 15 % de la population dans les pays occidentaux. Bien que bénin, il peut sérieusement impacter la qualité de vie des personnes atteintes. Zoom sur cette affection encore méconnue et mal comprise.
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Qu’est-ce que le syndrome de l’intestin irritable ?
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) se caractérise par un ensemble de symptômes digestifs récurrents et invalidants, sans cause organique identifiable. On parle de « trouble fonctionnel » car il n’y a pas de lésion visible de l’intestin, contrairement aux maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique.
Le SII se manifeste le plus souvent par :
- Des douleurs abdominales type crampes, ballonnements ou brûlures ;
- Des troubles du transit, alternant diarrhées et constipation ;
- Une sensation d’évacuation incomplète ou d’urgence ;
- La présence de mucus dans les selles.
Ces symptômes surviennent par crises entrecoupées de périodes de rémission. Leur intensité et leur fréquence sont très variables d’une personne à l’autre. Certains patients décrivent également des manifestations extra-digestives comme des maux de tête, de la fatigue ou des douleurs musculaires.
Le SII apparaît généralement entre 15 et 40 ans et touche deux fois plus les femmes que les hommes. Des antécédents familiaux sont souvent retrouvés, suggérant une composante génétique. Néanmoins, les causes exactes restent à ce jour inconnues.
Les différents types de SII
En fonction de l’aspect prédominant des selles lors des poussées, on distingue 4 sous-types de SII :
- Le SII à prédominance diarrhéique (SII-D) : selles molles et fréquentes ;
- Le SII à prédominance constipée (SII-C) : selles dures et rares ;
- Le SII mixte (SII-M) : alternance de diarrhées et constipation ;
- Le SII inclassable (SII-U) : ne correspondant à aucun des types précédents.
Cette classification permet d’adapter au mieux la prise en charge thérapeutique. Elle peut cependant évoluer au cours du temps chez un même patient.
Un trouble de l’interaction cerveau-intestin
Si les mécanismes à l’origine du SII demeurent mal élucidés, les chercheurs s’accordent aujourd’hui pour le définir comme un trouble de l’interaction cerveau-intestin (ou troubles de l’axe cérébro-intestinal). En effet, on observe chez les patients atteints une hypersensibilité viscérale associée à des anomalies de la motricité intestinale.
Concrètement, le cerveau et l’intestin communiquent en permanence via le système nerveux entérique, véritable « second cerveau ». Or, chez les personnes souffrant du SII, ce dialogue semble perturbé. L’intestin devient hypersensible et hyperréactif aux stimuli, ce qui se traduit par une perception exacerbée de la douleur et des contractions anarchiques (spasmes).
Plusieurs facteurs déclenchants ou aggravants ont été identifiés :
- Le stress et l’anxiété ;
- Certains aliments (produits laitiers, aliments gras, épices…) ;
- Les infections intestinales ;
- La prise d’antibiotiques ;
- Les troubles du sommeil ;
- Les variations hormonales (règles).
Des modifications du microbiote intestinal (dysbiose) pourraient également jouer un rôle dans la physiopathologie du SII. Des études ont en effet montré une composition et une diversité altérées de la flore bactérienne intestinale chez les patients. Cette piste ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques, notamment via l’utilisation de probiotiques.
Un diagnostic d’élimination
Il n’existe pas à l’heure actuelle de test diagnostic spécifique du SII. Son diagnostic repose donc essentiellement sur l’interrogatoire du patient (anamnèse) et l’examen clinique. Le médecin s’appuie sur des critères précis, dits de Rome IV, qui définissent le SII comme la présence de douleurs abdominales récurrentes associées à un trouble du transit, évoluant depuis au moins 6 mois.
Des examens complémentaires peuvent être prescrits pour éliminer d’autres pathologies aux symptômes proches (coloscopie, imagerie, tests sanguins et de selles…). Cependant, dans la majorité des cas, ils se révèlent normaux.
Poser le diagnostic de SII est donc un véritable challenge pour les médecins. Il est souvent retardé de plusieurs années, source d’errance et d’anxiété pour les patients. Un suivi par un gastro-entérologue est recommandé en cas de symptômes persistants et invalidants.
Traiter le SII au cas par cas
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La prise en charge du SII est complexe et doit être personnalisée en fonction du profil de chaque patient. L’objectif est de soulager les symptômes et d’améliorer la qualité de vie, en combinant mesures hygiéno-diététiques, traitements médicamenteux et approches psychologiques.
Adapter son alimentation
Le conseil diététique est un pilier de la prise en charge. Certains aliments sont connus pour exacerber les symptômes et sont donc à limiter voire à éviter :
- Produits laitiers (intolérance au lactose fréquente) ;
- Aliments riches en FODMAPs (glucides fermentescibles comme le blé, les oignons, les légumineuses…) ;
- Aliments épicés, gras ou frits ;
- Excitants (café, alcool) ;
- Boissons gazeuses.
À l’inverse, adopter une alimentation riche en fibres (fruits, légumes, céréales complètes) peut aider à réguler le transit. De même, une bonne hydratation est essentielle pour prévenir la constipation. La tenue d’un carnet alimentaire permettant d’identifier ses propres facteurs déclenchants peut s’avérer très utile.
En cas de symptômes sévères, un régime d’éviction dit « low FODMAP » (pauvre en glucides fermentescibles) peut être proposé. Très restrictif, il doit être encadré par un diététicien et n’est pas recommandé au long cours.
Soulager les symptômes
Côté médicaments, les options varient selon le type de SII. Les antispasmodiques comme le phloroglucinol sont souvent prescrits en première intention pour calmer les douleurs. Des laxatifs ou des anti-diarrhéiques peuvent être associés en fonction du trouble prédominant.
Certaines molécules spécifiques du SII existent également, comme le linaclotide (Constella) indiqué dans les formes constipées. Des antibiotiques comme la rifaximine ont montré une efficacité dans les SII post-infectieux. Enfin, les antidépresseurs à faibles doses peuvent être proposés pour leur effet antalgique, anxiolytique et régulateur du transit.
Des médecines alternatives comme la phytothérapie, l’acupuncture ou l’hypnose suscitent un intérêt croissant. Si leur efficacité reste à démontrer, elles peuvent constituer un complément intéressant en fonction des préférences du patient.
Vivre avec un SII
Bien que le SII ne mette pas en jeu le pronostic vital, il peut sévèrement impacter la qualité de vie des personnes atteintes. Les symptômes sont souvent invalidants, nécessitant de nombreux aménagements au quotidien (proximité des toilettes, choix des aliments…). La maladie est encore mal comprise par l’entourage, renforçant l’isolement des patients.
Briser le tabou qui entoure le SII est donc essentiel. Des associations comme l’APSSII (Association des Patients Souffrant du Syndrome de l’Intestin Irritable) proposent soutien et information aux malades et à leurs proches. Parler ouvertement de ses symptômes avec son médecin est également crucial pour adapter au mieux sa prise en charge.
Car s’il n’existe pas à ce jour de traitement curatif, il est possible de vivre mieux avec un SII. Cela demande certes des efforts et de la patience, mais une bonne hygiène de vie associée à un suivi médical personnalisé permet dans la majorité des cas de contrôler la maladie. Les progrès de la recherche, notamment sur le microbiote intestinal, laissent espérer pour l’avenir de nouvelles pistes thérapeutiques ciblées et efficaces.
En attendant, le mot d’ordre est d’apprendre à apprivoiser son SII pour reprendre le contrôle sur ses intestins… et sur sa vie ! Car comme le dit si bien le slogan de l’APSSII : « Ne laissez pas vos intestins gâcher votre vie, agissez ! »