Le terme « skinny fat » ou « faux maigre », aussi appelé « mince mais gras », désigne une condition où une personne a un poids considéré comme normal selon son indice de masse corporelle (IMC), mais présente néanmoins un pourcentage de graisse corporelle élevé et une faible masse musculaire. Cette apparence trompeuse cache en réalité des risques importants pour la santé, similaires à ceux de l’obésité. Bien que n’étant pas un terme médical à proprement parler, le « skinny fat » est de plus en plus reconnu comme un véritable enjeu de santé publique.
Les causes du « skinny fat » : mode de vie et facteurs de risque
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le développement du « skinny fat ».
Mode de vie sédentaire
Manque d’activité physique
L’absence d’exercice régulier, en particulier de musculation, est un facteur de risque majeur du « skinny fat ». Une vie sédentaire entraîne inexorablement une fonte musculaire et un ralentissement du métabolisme de base. Ce dernier étant largement déterminé par la masse musculaire, sa diminution favorise l’accumulation de graisse corporelle, même sans prise de poids.
Comportements sédentaires
Au-delà du manque d’activité physique volontaire, les comportements sédentaires quotidiens jouent un rôle non négligeable. Rester assis de longues heures au travail ou devant des écrans (télévision, ordinateur, smartphone) réduit les dépenses énergétiques et entrave le développement musculaire, créant un terrain propice au « skinny fat ».
Alimentation déséquilibrée
Excès d’aliments ultra-transformés
Une alimentation riche en produits ultra-transformés, denses en énergie mais pauvres en nutriments essentiels, favorise le stockage des graisses au détriment de la masse musculaire. Ces aliments, souvent riches en sucres raffinés et en acides gras saturés, provoquent des pics glycémiques et une insulinorésistance, aggravant le « skinny fat ».
Carence en protéines
Une consommation insuffisante de protéines de qualité entrave la synthèse musculaire et accentue la sarcopénie liée à l’âge. Les protéines sont indispensables pour préserver et développer la masse maigre. Leur carence, fréquente dans les régimes restrictifs non équilibrés, amplifie la perte musculaire et donc le « skinny fat ».
Facteurs génétiques et hormonaux
Prédispositions génétiques
Certains individus présentent une prédisposition génétique à stocker davantage de graisse et à éprouver des difficultés à gagner du muscle, même avec un poids normal. Ces variations génétiques touchent notamment les gènes impliqués dans le métabolisme des graisses et des sucres ou la réponse à l’insuline.
Dérèglements hormonaux
Des perturbations hormonales comme l’insulinorésistance, un excès de cortisol ou un déficit en hormones sexuelles (testostérone, œstrogènes) peuvent aggraver le « skinny fat ». Ces dérèglements favorisent le stockage des graisses, en particulier au niveau abdominal, et entravent le développement musculaire. Le stress chronique, en augmentant le cortisol, joue un rôle notable.
Vieillissement et sarcopénie
Perte musculaire liée à l’âge
Avec l’avancée en âge, survient naturellement une perte progressive de la masse et de la force musculaires, appelée sarcopénie. Ce déclin s’accélère après 60 ans et s’accompagne souvent d’une augmentation de la masse grasse. Sans une pratique régulière de musculation, cette évolution inéluctable mène au « skinny fat ».
Altérations métaboliques
Le vieillissement s’accompagne aussi d’altérations métaboliques comme une diminution de la sensibilité à l’insuline et une baisse de la dépense énergétique de repos. Ces changements favorisent l’accumulation de graisse, surtout viscérale, et compliquent le maintien de la masse musculaire, accentuant le risque de « skinny fat » chez les seniors.

Les dangers du « skinny fat » pour la santé
Malgré une apparence mince, les personnes « skinny fat » s’exposent à de nombreux risques pour leur santé, souvent sous-estimés.
Une pression artérielle et un taux de cholestérol élevés
Les individus présentant un phénotype « skinny fat » s’exposent à un risque accru de développer des pathologies cardiovasculaires. En effet, malgré une apparence mince, ils présentent fréquemment une hypertension artérielle ainsi qu’une hypercholestérolémie.
Ces anomalies métaboliques, souvent insidieuses car asymptomatiques, fragilisent progressivement le système cardiovasculaire. L’hypertension artérielle soumet les artères à un stress mécanique chronique, altérant leur élasticité et favorisant le développement de plaques d’athérome. Quant à l’excès de cholestérol sanguin, en particulier de LDL-cholestérol, il participe à l’obstruction progressive des vaisseaux, un processus appelé athérosclérose.
L’athérosclérose, une menace silencieuse
L’athérosclérose est un processus lent et progressif où les artères se rigidifient et se rétrécissent en raison de l’accumulation de dépôts lipidiques dans leur paroi. Chez les personnes « skinny fat », ce phénomène est favorisé par le profil lipidique délétère associant un taux élevé de LDL-cholestérol et un taux bas de HDL-cholestérol, le « bon cholestérol » aux propriétés protectrices.
Au fil des années, l’athérosclérose peut aboutir à une obstruction complète d’une artère, privant brutalement d’oxygène le territoire qu’elle irrigue. Selon la localisation, cela peut provoquer un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou une ischémie aiguë d’un membre, autant d’événements potentiellement fatals ou handicapants.
Le spectre du diabète de type 2
Une insulinorésistance fréquente
Le « skinny fat » est étroitement lié à l’insulinorésistance, un trouble métabolique où les cellules de l’organisme deviennent moins sensibles à l’action de l’insuline. Cette hormone clé permet normalement l’entrée du glucose dans les cellules pour y être utilisé comme carburant.
Lorsque l’insulinorésistance s’installe, les cellules répondent moins bien au signal de l’insuline et le glucose s’accumule dans le sang. Le pancréas tente de compenser en produisant davantage d’insuline, mais à terme, ce mécanisme s’épuise. Le taux de sucre sanguin s’élève alors de façon chronique, définissant le diabète de type 2.
Un risque accru de complications
Le diabète de type 2 est une maladie grave aux multiples complications. L’hyperglycémie chronique altère progressivement les vaisseaux sanguins et les nerfs, touchant de nombreux organes.
Les complications les plus redoutées sont la rétinopathie diabétique pouvant conduire à la cécité, la néphropathie diabétique évoluant vers l’insuffisance rénale, la neuropathie diabétique source de douleurs et de troubles sensitifs, et le « pied diabétique » exposant à un risque d’amputation. Le diabète accélère aussi considérablement le processus d’athérosclérose, majorant le risque d’infarctus et d’AVC.
La graisse viscérale, une bombe à retardement
Une localisation délétère pour la santé
La graisse viscérale, située profondément dans l’abdomen et entourant les organes internes comme le foie et les intestins, est particulièrement néfaste pour la santé. Contrairement à la graisse sous-cutanée, elle est métaboliquement très active et sécrète de nombreuses substances pro-inflammatoires.
Chez les personnes « skinny fat », cette graisse viscérale est souvent présente en excès malgré un poids normal. Elle agit comme un véritable organe endocrinien perturbant l’équilibre métabolique de l’organisme. Elle favorise l’insulinorésistance, l’inflammation chronique et la dysrégulation de la pression artérielle, autant de facteurs précipitant l’apparition des maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2.
Un risque accru de mortalité
De nombreuses études ont montré que l’excès de graisse viscérale, indépendamment de l’IMC, est associé à une augmentation significative de la mortalité, en particulier d’origine cardiovasculaire.
Ce tissu adipeux ectopique et dysfonctionnel semble accélérer le vieillissement de l’organisme et réduire l’espérance de vie. Combiné à une faible masse musculaire, autre caractéristique du « skinny fat », il définit un phénotype particulièrement à risque de décès prématuré toutes causes confondues.
Diagnostiquer le « skinny fat » : au-delà de l’IMC
Détecter le « skinny fat » nécessite d’aller au-delà de la simple mesure du poids ou du calcul de l’IMC. Le tour de taille est un indicateur plus pertinent, reflétant l’adiposité abdominale. Chez l’homme, un tour de taille supérieur à 94 cm (102 cm chez la femme) signe un excès de graisse viscérale.
Cependant, la méthode la plus fiable reste la mesure de la composition corporelle par des techniques comme l’impédancemétrie bioélectrique. Cet examen indolore permet de déterminer précisément les pourcentages de masse grasse, de masse maigre et d’eau dans l’organisme. Il met en évidence un excès de graisse malgré un poids normal.
Un bilan sanguin évaluant la glycémie, l’insulinémie, le cholestérol et les triglycérides est aussi recommandé pour dépister d’éventuelles anomalies métaboliques associées au « skinny fat ».
Comment corriger le « skinny fat » ? Conseils pratiques
Adopter un mode de vie sain est la clé pour lutter contre le « skinny fat ». L’activité physique régulière, en particulier la musculation, permet de développer la masse musculaire et de réduire la masse grasse. Il est recommandé de pratiquer des exercices de renforcement musculaire au moins trois fois par semaine, en ciblant les principaux groupes musculaires.
L’alimentation joue aussi un rôle crucial. Il faut privilégier une alimentation équilibrée, riche en protéines pour favoriser le développement musculaire, et pauvre en sucres raffinés et aliments ultra-transformés. Les régimes restrictifs sont à proscrire, car ils entraînent une perte de muscle. L’objectif est de gagner du muscle plus que de perdre du poids.
Réduire le stress chronique par des techniques de relaxation comme la méditation ou le yoga aide à diminuer le taux de cortisol et donc le stockage des graisses. Avoir un sommeil de qualité et en quantité suffisante est aussi essentiel.
Le mot de la fin
Le phénomène du « skinny fat » nous invite à reconsidérer notre vision de la santé et du poids. Être mince n’est pas toujours synonyme de bonne santé. C’est la composition corporelle, l’équilibre entre masse grasse et masse musculaire, qui importe réellement.
Face à ce problème de santé publique émergent, il est crucial de sensibiliser la population et les professionnels de santé. Intégrer la mesure de la composition corporelle et le dépistage des troubles métaboliques dans le suivi médical permettrait de mieux repérer et prendre en charge les personnes à risque.