Depuis des milliers d’années, des rituels aromatiques et des massages sont prodigués avec les huiles essentielles pour équilibrer corps et âme. De nos jours, l’étude biochimique des molécules constituantes de ces essences a été élevée au niveau d’une science : l’aromatologie.
Sommaire
L’aromathérapie est référencée partout dans le monde en tant que médecine alternative. La notion de “thérapie” implique l’action de soigner, mais peut-on réellement soigner alors que les caractéristiques essentielles de ces huiles sont ciblées sur des effets physiologiques et psychologiques ? Il est évident que la notion de traitement associée à la volatilité des substances peut laisser pensif sur l’action réelle de ces huiles essentielles. Le concept original de l’aromathérapie reposait sur la présomption que les composés volatils et hydrophobes contenus dans les huiles essentielles représentaient l’ensemble de la bio-activité de la plante. Malheureusement, cette notion est clairement erronée ! Car les huiles essentielles ne peuvent pas exhiber les mêmes propriétés que la plante entière dont elles sont issues, du fait de leur contenu en molécules actives, très spécifique.
Les molécules des huiles essentielles appartiennent à la famille des terpénoïdes. Les huiles essentielles sont obtenues soit par extraction à la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, soit par des procédés mécaniques appropriés sans chauffage. Leur extraction ne doit pas entraîner de changement significatif dans leur composition moléculaire. Les huiles essentielles sont miscibles uniquement dans l’alcool et les huiles végétales (ou minérales), elles sont inflammables (point éclair très bas pour certaines) et ne contiennent aucun corps gras.
Le concept moderne d’aromathérapie repose sur l’utilisation de substances aromatiques actives, aux actions naturelles et non invasives, pour aider le corps et l’esprit à retrouver un équilibre normal ; ce concept ne se limite pas au traitement d’un symptôme ou d’une pathologie.
Les activités biologiques et pharmacologiques des huiles essentielles sont conditionnées par les différents facteurs et paramètres qui peuvent affecter les résultats des études (espèces, facteurs écologiques et conditions environnementales).
Les origines
L’utilisation des huiles aromatiques a une très longue et honorable histoire. La tradition médicinale de l’art de la pratique de l’aromathérapie a été attribuée conjointement à l’Égypte ancienne et à la Chine, il y a plus de 4 500 ans. Les Chinois ont découvert le passage transdermique des actifs, les Égyptiens cherchaient le suc magique propre à calmer la douleur et à soigner les maladies chroniques. Ils avaient compris les propriétés anti-putréfaction des huiles aromatiques et des résines, et furent les premiers dans la découverte du potentiel des parfums.
Aristote, Hippocrate, Caton l’Ancien, Dioscoride, Galien, botanistes et médecins grecs et romains ont posé les premières pierres de la phytothérapie en étudiant l’action du végétal sur le retour à l’équilibre physiologique. Le plus réputé des “alchimistes” fut le philosophe-médecin perse Avicenne (XIe siècle), auteur du Canon de la médecine. Son intérêt pour les sciences l’amena à s’intéresser à l’entraînement à la vapeur pour extraire les huiles essentielles. Il mit au point le premier alambic comportant un serpentin réfrigéré, de façon à abaisser le point d’ébullition des huiles et de libérer les composés volatils par addition d’eau ou de vapeur. Au XIIe siècle, les plantes aromatiques portaient le nom de “parfums d’Arabie”.
Des croyances circulaient autour des odeurs : les mauvais effluves étaient synonymes de maladie, de peste, de contamination, tandis que les senteurs subtiles étaient censées prévenir les maladies. De retour des Croisades, les chevaliers rapportèrent l’invention de l’alambic à la vapeur d’eau ainsi que l’utilisation des huiles essentielles.
Au XVIIe siècle, René Descartes réfuta l’idée que les composés aromatiques puissent avoir un effet sur le corps via le cerveau. Au XVIIIe siècle, il fut suggéré que des maladies corporelles pussent être plus facilement atténuées ou guéries par l’émotionnel, par l’esprit, que par des médicaments.
La renaissance moderne de l’aromathérapie a commencé en France avec le travail d’un pharmacien, René-Maurice Gattefossé, d’un médecin, Jean Valnet, d’une infirmière, Marguerite Maury. Ils furent les pionniers de la naissance de l’aromathérapie moderne.
Gattefossé fut un des premiers à utiliser le terme d’aromathérapie. Une explosion survenue dans son laboratoire lui occasionna de graves brûlures. Menacé par la gangrène, il rinça sa main dans une solution d’huile essentielle de lavande et fit cesser la gazéification du tissu. Il consacra sa vie à l’aromathérapie. Valnet, chirurgien français, a utilisé des huiles essentielles sur des blessures et des brûlures de soldats pendant la guerre d’Indochine. Il fabriqua son propre complexe d’huiles essentielles. Marguerite Maury utilisa les huiles essentielles dans divers départements cliniques.
La véritable vocation scientifique des huiles essentielles est née avec la connaissance de leurs compositions, de leurs chémotypes (Pierre Franchomme), et des propriétés que l’on pouvait associer aux molécules qu’elles contenaient (Pr Jacques Pellecuer).
Comment ça marche ?
Composés complexes, les huiles essentielles se caractérisent par une odeur puissante. Ce sont des métabolites secondaires des plantes. Elles sont en général obtenues par distillation à la vapeur d’eau. Observées depuis les temps anciens, les activités de ces essences présentent des spectres variés d’activité : antiseptique, bactéricide, virucide et fongicide.
Renfermant un très grand nombre de composés, elles ne semblent pas avoir de cibles cellulaires spécifiques. Leur structure lipophile leur permet de traverser la bicouche membranaire des micro-organismes étrangers (bactéries, virus et champignons), de déstabiliser leur intégrité cellulaire et de favoriser leur perméabilité membranaire avec une fuite ionique. Dans le cas des infections virales, les huiles essentielles vont inactiver les mécanismes d’absorption membranaire des virus par destruction des protéines virales de la capside.
Ces mécanismes d’action démontrent que les huiles essentielles ne sont pas que de sympathiques arômes ; nombre d’entre elles possèdent des propriétés spécifiques de lutte contre les parasites de notre organisme.
Quels bienfaits ?
L’aromathérapie repose sur la théorie selon laquelle l’inhalation ou l’absorption d’huiles essentielles déclenche des changements dans le système limbique, c’est-à-dire dans la partie du cerveau associée à la mémoire et aux émotions. Celui-ci peut, à son tour, stimuler les réponses physiologiques des systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire. Deux mécanismes de base peuvent être mis en évidence : le premier relève de l’influence des arômes sur le cerveau, spécialement sur le système limbique en rapport avec le système olfactif, l’autre est en relation directe avec les effets pharmacologiques. Les huiles essentielles ne “guérissent” pas, mais aident l’organisme à trouver un chemin naturel pour se soigner et améliorer sa réponse immunitaire.
De multiples études portent sur des propriétés particulières de certaines huiles essentielles vis-à-vis de certaines bactéries. Mais comment les interpréter, selon les espèces d’essences aromatiques, leur origine géographique, leur période de récolte, leur composition, les méthodes d’analyse utilisées, les concentrations choisies…
De plus, les huiles essentielles affichent une remarquable efficacité en complémentarité des antibiotiques. Par ailleurs, la réponse des huiles essentielles dépend de la dose utilisée. Si l’huile essentielle de palmarosa présente la plus forte activité antibactérienne, l’huile essentielle d’arbre à thé est en majorité bactéricide par nature, mais bactériostatique (ne faisant que prévenir l’infection bactérienne) à faible concentration.
Quelles sont les molécules les plus actives des huiles essentielles ?
Les phénols sont des molécules aromatiques qui présentent le plus grand potentiel antibactérien. Parmi eux, citons le carvacrol (thym, origan, sarriette), l’eugénol (clou de girofle), le thymol (thym). Au même rang que les phénols, on peut trouver l’aldéhyde cinnamique de l’huile essentielle de cannelle.
Les monoterpénols stimulent les défenses immunitaires et permettent d’accompagner la lutte contre les agents infectieux ; par exemple le linalol (thym), le géraniol (palmarosa, thym, citronnelle, rose, géranium), le thuyanol (marjolaine, thym), le terpinéol (arbre à thé, genévrier, eucalyptus radié), l’eucalyptol (ravintsara, Eucalyptus globulus, saro)…
Les cétones terpéniques sont mucolytiques, anti-inflammatoires et présentent des activités complémentaires aux monoterpénols dans les traitements des états infectieux. On trouve par exemple la verbénone (romarin), la thuyone (hélichryse, thym, sauge), la menthone (menthe poivrée), la bornéone (romarin), la carvone (menthe verte, aneth)…
Les aldéhydes terpéniques sont plutôt caractéristiques d’une action calmante et sédative, antibactérienne pour les formes sporulées, mucolytique, par exemple citral (verveine, orange, citron), citronellal (citronnelle, Eucalyptus citriodora, mélisse)…
Au niveau des propriétés antivirales des huiles essentielles, il semble que les capsides des virus soient fragilisées par les molécules de phénols et de monoterpénols.
Les huiles essentielles interviennent également sur la sphère nerveuse. Elles peuvent être utilisées en accompagnement complémentaire des traitements de patients atteints de dépression ou de symptômes dépressifs secondaires à des pathologies chroniques. Les huiles essentielles d’agrumes, de lavande fine, de mélisse, de camomille romaine, de marjolaine à coquille, d’ylang-ylang ou de jasmin délivrent des parfums de relaxation. Les huiles essentielles de romarin, de citron, de lavande et d’orange utilisées chez des personnes atteintes d’Alzheimer ont montré une amélioration générale des fonctions cognitives.
On peut aussi recourir à l’aromathérapie en cas de problèmes cutanés, dentaires, rhumatoïdes, digestifs, respiratoires, de migraines…
Limites et contre-indications
Les huiles essentielles sont considérées par de nombreux aromathérapeutes et consommateurs comme des substances totalement sans danger.
Pourtant, elles peuvent irriter la peau et les muqueuses et provoquer des réactions cutanées allergiques. Celles dont la viscosité est faible peuvent, lors d’une utilisation par voie orale, pénétrer dans les poumons et les endommager.
Il existe des huiles essentielles toxiques, qui ne doivent jamais être consommées par voie orale (comportant des molécules agressives pour les muqueuses), des huiles essentielles qui, même en usage cutané, doivent être appliquées avec une extrême prudence… Si les huiles essentielles peuvent être inhalées, ingérées ou appliquées, la voie de première réaction est l’inhalation du fait de leur caractère très volatil.
La toxicité de certaines huiles essentielles (le camphre et l’eucalyptus peuvent engendrer des convulsions chez le jeune enfant, la cannelle peut être toxique à forte dose pour le foie, les huiles essentielles riches en cétones comme les romarins à verbénone et camphré peuvent être neurotoxiques à forte dose…) peut être liée à la sensibilité, mais surtout à l’âge ou l’état de la personne réceptrice (personnes fragiles ou âgées, personnes sous traitement médical).
Conseils incontournables pour une utilisation sécurisée des huiles essentielles
Les huiles essentielles doivent être conservées hors de portée des enfants et des animaux de compagnie. Les flacons doivent être équipés de bouchons de sécurité. Certaines (riches en phénols ou en cétones) sont fortement déconseillées pour les enfants de moins de sept ans et les femmes enceintes ou allaitantes.
Les huiles essentielles ne doivent jamais être employées pures sur la peau, mais toujours diluées dans des substances vectrices comme les huiles végétales. Avant utilisation, les personnes sensibles doivent effectuer un test pour vérifier la sensibilité et éviter une réaction allergique.
Les huiles essentielles ne doivent être utilisées par voie interne que sur prescription ou conseil d’une personne spécialisée : attention à l’automédication, aux incompatibilités avec certains traitements médicaux.
Il ne faut jamais appliquer d’huiles essentielles dans les yeux, les oreilles, la bouche ou sur des muqueuses. Il ne faut pas se toucher les yeux après avoir mis des huiles essentielles sur les doigts. Il ne faut jamais injecter d’huiles essentielles par voie intramusculaire ou intraveineuse. Il faut cesser d’employer une huile essentielle qui entraîne une irritation, une sensibilité, une photosensibilisation…
Les essences d’agrumes sont photosensibilisantes ; c’est pourquoi il ne faut pas s’exposer au soleil avant au moins 20 minutes après application.
Il faut être prudent dans l’utilisation des huiles essentielles en cas de problèmes cardiaques, d’hypertension, d’épilepsie, de problèmes rénaux ou respiratoires. En cas de situation médicale sérieuse, il est préférable de s’adresser à un professionnel médical avant tout essai.
Prudence quand même !
Comme le bon vin, l’huile essentielle bio de qualité est chère, mais elle présente des avantages non négligeables ! Elle permet par exemple d’éviter d’inhaler des pesticides ou des métaux lourds, ce qui peut arriver avec une huile essentielle conventionnelle.
L’utilisation des huiles essentielles requiert des connaissances et une expérience. Les différentes voies d’administration sont très spécifiques : toutes les huiles essentielles ne peuvent pas être ingérées, toutes les huiles essentielles ne peuvent pas être diffusées… Il est préférable de demander conseil à un professionnel de santé.
Et en dernier point, il faut savoir lire ! Une famille de plantes comprend plusieurs espèces, et chaque espèce peut donner une huile essentielle dont la composition est précise et dont les activités sont définies : si quelqu’un entend dégager ses bronches par une inhalation à l’huile essentielle d’Eucalyptus citriodora, il calmera certes ses douleurs de rhumatismes et fera fuir tous les insectes mais n’obtiendra aucun des bénéfices de l’Eucalyptus globulus qui est indiqué pour cela.
L’aromathérapie est donc un art, qui doit être scientifiquement encadré !