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La metformine est un médicament oral prescrit depuis des décennies pour traiter le diabète de type 2. Mais au-delà de ses effets anti-diabétiques bien connus, de récentes découvertes suggèrent que la metformine pourrait également avoir des propriétés permettant de ralentir certains processus liés au vieillissement et d’augmenter ainsi l’espérance de vie en bonne santé.
Qu’est-ce que la metformine et comment agit-elle ?
La metformine appartient à la classe des biguanides, des composés capables de diminuer la production de glucose par le foie. Son mécanisme d’action principal consiste à réduire la néoglucogenèse hépatique, c’est-à-dire la synthèse de nouvelles molécules de glucose à partir de précurseurs non glucidiques comme le lactate, les acides aminés ou le glycérol.
La metformine agit en activant l’AMPK (AMP-activated protein kinase), une enzyme clé qui régule le métabolisme énergétique cellulaire. L’AMPK est activée en cas de stress énergétique, lorsque les niveaux d’ATP sont bas dans la cellule. Une fois activée, l’AMPK stimule les voies cataboliques produisant de l’ATP, comme la glycolyse et la β-oxydation des acides gras, tout en inhibant les voies anaboliques consommatrices d’ATP.
Au niveau du foie, l’activation de l’AMPK par la metformine inhibe l’expression des enzymes de la néoglucogenèse, réduisant ainsi la production de glucose hépatique à jeun ou en postprandial. Cet effet hypoglycémiant de la metformine en fait le traitement de première intention dans la prise en charge du diabète de type 2.
Des effets sur le vieillissement des animaux
Au-delà de son action anti-diabétique, il a été démontré dans des études sur l’animal que la metformine est capable de prolonger la durée de vie et de retarder l’apparition de marqueurs du vieillissement.
Chez le ver C. elegans, modèle classique pour étudier le vieillissement, la metformine augmente la durée de vie moyenne de près de 40 %. L’analyse des mécanismes impliqués a montré que la metformine active des voies de signalisation augmentant la résistance au stress oxydatif dans les mitochondries et stimulant l’autophagie, le processus cellulaire de recyclage et d’élimination des composants endommagés.
Chez la souris, il a également été rapporté que la metformine améliore plusieurs marqueurs liés à la longévité. Elle réduit le déclin cognitif lié à l’âge, maintient la fonction cardiaque et vasculaire, et retarde l’apparition de cataractes et de tumeurs. Dans un modèle de souris obèses et diabétiques, la metformine augmente leur durée de vie de près de 6 mois, soit 10 % de plus que les souris non traitées.
Ces résultats prometteurs chez l’animal ont conduit à s’intéresser aux effets potentiels de la metformine sur le vieillissement humain et la longévité.
Quels sont les effets sur la longévité humaine ?
Bien que la metformine soit prescrite aux patients diabétiques depuis des décennies, ce n’est que récemment que des chercheurs ont commencé à s’intéresser à ses effets à long terme sur le vieillissement et la durée de vie.
La metformine réduit la mortalité chez les diabétiques
Une première indication est venue d’études épidémiologiques montrant que les patients diabétiques traités par metformine vivent en moyenne plus longtemps que ceux recevant d’autres traitements anti-diabétiques.
Par exemple, une étude portant sur plus de 180 000 patients diabétiques a révélé que le taux de mortalité était de 15 % inférieur chez les patients sous metformine comparé aux patients sous sulfamides hypoglycémiants. Même comparés à des non-diabétiques, les patients sous metformine avaient une mortalité réduite de 30 %, suggérant un effet protecteur dépassant la simple régulation de la glycémie.
Une étude récente portant spécifiquement sur des patients diabétiques hospitalisés pour COVID-19 confirme que le traitement par metformine est associé à une mortalité de 34 % inférieure par rapport aux patients ne recevant pas ce médicament. Là encore, cet effet protecteur ne semble pas lié au simple contrôle de la glycémie.
Bien que le lien de causalité doive encore être définitivement établi, ces résultats épidémiologiques constituent un premier indice que la metformine pourrait effectivement avoir des propriétés bénéfiques sur la longévité, au-delà de son action anti-diabétique.
Des essais cliniques en cours pour tester les effets “anti-âge” de la metformine
Encouragés par ces résultats prometteurs, plusieurs essais cliniques à grande échelle sont actuellement en cours pour évaluer directement les effets de la metformine sur les processus de vieillissement et la durée de vie chez l’homme.
L’essai TAME (Targeting Aging with Metformin) vise à inclure 3000 participants âgés de 65 à 79 ans en bonne santé. La moitié recevra un placebo tandis que l’autre moitié sera traitée avec une forte dose de metformine sur une période de 5 ans. L’objectif principal est de déterminer si la metformine peut prévenir ou retarder l’apparition de maladies liées à l’âge comme les maladies cardiovasculaires, le cancer ou la démence. Des marqueurs biologiques du vieillissement seront également mesurés.
Un autre essai nommé MILES (Metformin in Longevity Study) vise quant à lui à recruter 3000 participants âgés de 70 à 80 ans qui seront suivis pendant 5 à 7 ans. Là aussi la metformine sera administrée contre placebo à des doses croissantes. En plus de la survenue de maladies liées à l’âge, l’étude évaluera des marqueurs physiologiques et moléculaires pouvant refléter un vieillissement ralenti, comme la composition corporelle, la fonction rénale ou le profil épigénétique.
Ces deux essais cliniques de grande envergure sont cruciaux pour déterminer si la metformine possède réellement des propriétés permettant de prolonger la durée de vie en bonne santé chez l’homme. Les premiers résultats sont attendus dans les 5 à 10 prochaines années.
Quels mécanismes d’action sur la longévité ?
Bien que de nombreuses zones d’ombre subsistent, des travaux récents commencent à élucider les mécanismes moléculaires qui pourraient sous-tendre les effets bénéfiques de la metformine sur la durée de vie.
Tout d’abord, il a été montré que la metformine agit en stimulant des voies de signalisation impliquées dans l’augmentation de la résistance au stress et la réparation des dommages cellulaires, notamment via l’activation de l’AMPK ou de la voie mTOR.
La metformine favorise également l’élimination des cellules sénescentes, ces cellules dysfonctionnelles qui s’accumulent avec l’âge et sécrètent des molécules pro-inflammatoires. Or l’élimination des cellules sénescentes améliore les fonctions physiologiques et prolonge la durée de vie chez la souris.
Enfin, il a été montré très récemment que la metformine agit en stimulant la méthylation de l’ADN, une modification épigénétique cruciale pour l’expression des gènes. Chez la souris, la metformine augmente la méthylation de certains gènes clés impliqués dans l’inflammation, le stress oxydatif et le vieillissement.
Ce qu’il faut retenir
Bien que de nombreuses inconnues demeurent, les récentes découvertes sur les effets “anti-âge” potentiels de la metformine sont enthousiasmantes. Ce médicament oral bon marché et sûr, prescrit depuis 60 ans pour traiter le diabète, pourrait également permettre de ralentir certains processus de vieillissement et d’augmenter ainsi notre “espérance de vie en bonne santé”.