Une étude publiée dans Thorax(1) s’appuie sur les données issues de l’essai américain PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial), portant sur 155 000 participants âgés de 55 à 74 ans suivis entre 1993 et 2009 pour les diagnostics de cancer, et jusqu’à 2018 pour les décès. Sur les 101 732 participants ayant complété un questionnaire détaillé d’alimentation à l’entrée, l’objectif était d’évaluer si la consommation d’ultra‑aliments transformés (UPF) était liée à un risque accru de cancer du poumon, y compris les types non‑à petites cellules (NSCLC) et petites cellules (SCLC).
Définition et exemples d’UPF
Les UPF désignent des produits prêts à consommer ou à réchauffer, fabriqués via plusieurs étapes industrielles, avec de longues listes d’additifs et conservateurs. Dans l’étude, ils incluaient notamment :
- Charcuteries de type lunch‑meat ;
- Sodas (avec ou sans caféine) ;
- Crèmes glacées, frozen yogurt ;
- Pizzas, hamburgers et hot dogs industriels ;
- Céréales du petit‑déjeuner, soupes et sauces toutes prêtes ;
- Margarine, confiseries, snacks salés, nouilles instantanées.
La consommation moyenne ajustée en énergie était d’environ 3 portions par jour, avec une plage allant de 0,5 à 6 par jour. Les plus consommés : charcuterie (11 %), sodas caféinés (~7 %) et sodas décaféinés (~7 %) .
Résultats principaux
Sur une durée moyenne de suivi de 12 ans, 1 706 cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués, dont 1 473 (86 %) NSCLC et 233 (14 %) SCLC. Dans le quartile supérieur de consommation d’UPF (plus de 3 portions/jour), on observe :
- 495 cas parmi 25 434 participants ;
- Contre 331 cas parmi 25 433 dans le quartile inférieur.
Après ajustement pour facteurs de confusion (tabagisme, qualité globale du régime alimentaire, etc.) :
- Risque global de cancer du poumon plus élevé de 41 % (HR = 1,41) ;
- NSCLC : +37 % (HR = 1,37) ;
- SCLC : +44 % (HR = 1,44). Ces résultats sont restés significatifs selon diverses analyses de sensibilité et sous‑groupes.
Limites de l’étude
- Étude observationnelle : absence de preuve de causalité,
- Incapacité à mesurer l’intensité du tabagisme,
- Alimentation relevée une seule fois au début du suivi : changements ultérieurs non pris en compte,
- Nombre de cas relativement limité, en particulier pour le SCLC .
Mécanismes possibles et explications
Les auteurs évoquent plusieurs facteurs :
- Faible valeur nutritionnelle des UPF (excès de sucre, sel, graisses saturées) ;
- Effet de déplacement : la consommation élevée d’UPF réduit l’apport de céréales complètes, fruits et légumes, connus pour leurs effets protecteurs contre le cancer ;
- Altération de la matrice alimentaire : processus industriels modifiant la biodisponibilité des nutriments ;
- Génération de contaminants toxiques (par exemple acroléine dans les saucisses grillées ou les confiseries) associés à des effets nocifs similaires à ceux du tabac ;
- Possibles interactions avec les matériaux d’emballage.
Perspectives et implications
Les chercheurs soulignent la nécessité de reproduire ces résultats dans d’autres populations et contextes géographiques. Si une relation causale était confirmée, la limitation de la consommation d’UPF pourrait contribuer à réduire le fardeau mondial du cancer du poumon . Ils insistent aussi sur l’essor global de la consommation d’UPF au cours des deux dernières décennies, dans tous les pays quel que soit leur niveau de développement, et son implication probable dans l’augmentation mondiale de l’obésité, des maladies cardiovasculaires, du diabète, du cancer et de la mortalité globale .
Le mot de la fin
Cette étude PLCO, menée aux États‑Unis sur plus de 100 000 participants âgés, démontre qu’un apport élevé en aliments ultra‑transformés est associé à une hausse du risque de cancer du poumon, toutes formes confondues (+41 %), avec des risques spécifiques de 37 % pour les NSCLC et 44 % pour les SCLC. Les limites méthodologiques empêchent la démonstration d’une causalité formelle.
Toutefois, l’accumulation d’arguments biologiques et le potentiel de politiques publiques ciblées justifient d’envisager la réduction des UPF comme mesure de prévention complémentaire, en complément de la lutte contre le tabagisme.