Le lait cru, c’est-à-dire non pasteurisé, connaît un regain de popularité ces dernières années. Pourtant, de nombreux scientifiques et nutritionnistes mettent en garde contre les risques sanitaires liés à sa consommation. Décryptage.
Un engouement croissant pour le lait cru
Depuis quelques années, on assiste à un véritable engouement pour le lait cru. Les adeptes du « manger sain » et du retour au naturel plébiscitent ce produit non traité thermiquement. Ils lui prêtent de nombreuses vertus nutritionnelles et sanitaires : meilleur goût, présence de bonnes bactéries, meilleure digestibilité, etc.
Cet attrait pour le lait cru s’inscrit dans une tendance plus large de méfiance envers l’industrie agroalimentaire et ses procédés. La pasteurisation, qui consiste à chauffer le lait à haute température pour éliminer les bactéries potentiellement dangereuses, est particulièrement pointée du doigt. Ses détracteurs l’accusent de dénaturer le lait et de détruire ses bienfaits.
Des risques sanitaires avérés
Pourtant, la communauté scientifique est formelle : les risques liés à la consommation de lait cru sont bien réels. En effet, le lait non pasteurisé peut contenir des bactéries pathogènes comme Salmonella, Listeria, E. coli ou Campylobacter. Ces microbes proviennent le plus souvent d’une contamination fécale lors de la traite.
Lorsqu’elles sont ingérées, ces bactéries peuvent provoquer des toxi-infections alimentaires potentiellement graves : diarrhées, vomissements, fièvre, complications rénales, avortements chez la femme enceinte… Les personnes les plus à risque sont les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et les individus immunodéprimés.
Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) estiment que le lait cru est 150 fois plus susceptible de causer des maladies alimentaires que le lait pasteurisé. Entre 1993 et 2006, 60 % des épidémies liées aux produits laitiers impliquaient du lait cru ou des fromages au lait cru.
Des bénéfices non prouvés scientifiquement
Face à ces risques avérés, les bénéfices supposés du lait cru ne pèsent pas lourd dans la balance. La plupart ne reposent d’ailleurs sur aucune preuve scientifique solide. C’est le cas par exemple de l’idée selon laquelle le lait cru serait plus digeste et mieux toléré par les personnes intolérantes au lactose. Aucune étude sérieuse n’a pu le démontrer.
De même, contrairement à une idée reçue, la pasteurisation n’altère pas significativement la qualité nutritionnelle du lait. Les pertes en vitamines et minéraux sont minimes. Le lait pasteurisé reste une excellente source de calcium, phosphore, vitamines B2 et B12.
Quant à la présence de « bonnes bactéries » dans le lait cru, elle est loin d’être systématique. Et surtout, rien ne prouve que ces probiotiques naturels aient un quelconque effet bénéfique sur la santé. À l’inverse, le risque de contamination par des germes pathogènes est bien réel.
Vers une meilleure réglementation ?
Face à ces constats, de nombreux experts plaident pour un meilleur encadrement de la production et de la vente de lait cru. Aux États-Unis, sa commercialisation est interdite dans une vingtaine d’États. En Europe, les règles varient selon les pays, avec des degrés de tolérance plus ou moins grands.
En France, la vente de lait cru est autorisée mais très réglementée. Les producteurs doivent respecter des normes d’hygiène strictes et procéder à des contrôles réguliers. Le lait doit être réfrigéré immédiatement après la traite et vendu dans les 24h. Sur l’étiquette, la mention « lait cru » doit figurer clairement, avec un avertissement sur les risques pour les populations sensibles.
Malgré ces garde-fous, des contaminations sporadiques continuent de se produire. En 2016, plusieurs enfants sont tombés malades après avoir bu du lait cru provenant d’une ferme des Pyrénées-Atlantiques. Les analyses ont révélé la présence de Salmonella.
Privilégier le lait pasteurisé
Au final, le consensus scientifique est clair : les risques du lait cru l’emportent largement sur ses bénéfices hypothétiques. Pour les experts, le choix le plus raisonnable reste de privilégier le lait pasteurisé, dont l’innocuité est bien établie.
Certes, le lait cru peut avoir un goût et des qualités organoleptiques différentes, que certains apprécient. Mais d’un point de vue purement sanitaire, mieux vaut s’en tenir au lait traité thermiquement. C’est particulièrement vrai pour les populations à risque comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées.
Cela ne veut pas dire qu’il faut diaboliser le lait cru ou ceux qui choisissent d’en consommer. Mais il est important d’être bien informé des risques encourus. Et surtout, de respecter scrupuleusement les règles d’hygiène et de conservation pour limiter les dangers.
Car s’il y a bien une chose que partagent lait cru et lait pasteurisé, c’est la nécessité d’une chaîne du froid irréprochable, de la traite jusqu’au réfrigérateur du consommateur. Un lait mal conservé, qu’il soit cru ou pasteurisé, devient vite un bouillon de culture pour les bactéries. Et là, les risques ne sont plus hypothétiques, mais bien réels.
En conclusion, le débat sur le lait cru illustre bien la complexité des choix alimentaires aujourd’hui. Entre méfiance envers l’industrie, attrait pour le naturel et exigence de sécurité sanitaire, pas facile de s’y retrouver. Une chose est sûre : en matière de santé, le principe de précaution doit primer. Et en l’état actuel des connaissances, le lait pasteurisé reste l’option la plus sûre.