Le cadmium est un métal lourd toxique reconnu. Longtemps ignoré du grand public, il est aujourd’hui au centre de multiples alertes sanitaires en France. Médecins, toxicologues et chercheurs s’accordent : ce polluant, présent dans l’alimentation courante, les sols agricoles et certains produits industriels, représente une source d’exposition chronique préoccupante.
Un métal toxique bien connu des scientifiques
Depuis plus de 30 ans, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le cadmium comme cancérogène certain pour l’être humain. Il est aussi identifié comme toxique pour les reins, le foie, les os, et possiblement le système cardiovasculaire.
Sa particularité : il s’accumule lentement dans le corps, avec une demi-vie estimée entre 10 et 30 ans. Autrement dit, les expositions ponctuelles ou faibles peuvent produire des effets à long terme. Les manifestations cliniques sont souvent tardives.
Alimentation : principale voie d’exposition
Dans la population générale, l’alimentation constitue la première source d’exposition au cadmium. L’Anses estime que cette voie représente plus de 95 % de l’apport total.
Les aliments les plus contributeurs sont :
- Les céréales (pain, pâtes, riz) ;
- Les pommes de terre ;
- Les légumes à feuilles (salade, épinards) ;
- Les fruits de mer (moules, huîtres) ;
- Certains abats (rognons, foie).
Même les produits issus de l’agriculture biologique peuvent en contenir. Le cadmium n’est pas un résidu de pesticide ou d’additif, mais un contaminant d’origine environnementale.
Des sols français largement contaminés
En France, la contamination des sols agricoles est ancienne et diffuse. Elle est principalement liée à l’usage intensif d’engrais phosphatés, dont certains contiennent du cadmium en quantité significative. Ce phénomène est documenté depuis plusieurs décennies.
Des médecins, regroupés au sein de collectifs d’alerte sanitaire, soulignent que les régions agricoles utilisant ces fertilisants sont exposées à une pollution chronique, qui peut atteindre les chaînes alimentaires. Les boues d’épuration épandues sur les terres contribuent également à cette charge en métaux lourds.
Le cas du cancer du pancréas
Plusieurs travaux scientifiques récents, relayés dans les médias, renforcent le lien entre exposition chronique au cadmium et le développement de certains cancers, notamment celui du pancréas.
Ce cancer est particulièrement préoccupant en raison :
- De son pronostic défavorable ;
- De son diagnostic souvent tardif ;
- Et de la difficulté à l’associer à des causes environnementales précises.
Le lien n’est pas exclusif, mais des études épidémiologiques pointent un risque accru dans les zones ou professions exposées au cadmium. Cela inclut aussi bien l’exposition professionnelle que l’exposition alimentaire continue.
Des médecins réclament une action nationale
Dans une tribune publiée début juin, des médecins libéraux, généralistes et spécialistes ont demandé aux pouvoirs publics la mise en place d’un plan national de lutte contre la pollution au cadmium. Ils pointent :
- Une absence de surveillance régulière des teneurs dans les sols et dans les aliments ;
- Une sous-estimation des risques par les autorités sanitaires ;
- Et un défaut d’information du public sur les sources d’exposition.
Le collectif appelle à une révision des politiques agricoles, à une meilleure réglementation des engrais et à des études de biosurveillance plus étendues.
Des données biologiques inquiétantes
L’exposition au cadmium est mesurable dans le corps humain, notamment dans l’urine. Des analyses récentes montrent que la quasi-totalité des personnes testées présentent des traces détectables, parfois à des niveaux dépassant les valeurs de référence.
Les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’atteintes rénales sont plus vulnérables aux effets du cadmium, en raison d’une moins bonne capacité d’élimination ou de protection biologique.
Pas de réglementation suffisante à ce jour
L’Union européenne a fixé des teneurs maximales de cadmium dans certains aliments. Toutefois, des experts jugent que ces seuils ne garantissent pas une protection optimale. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d’ailleurs abaissé en 2021 la dose hebdomadaire tolérable de cadmium, estimant que les expositions alimentaires dans plusieurs pays, dont la France, dépassent encore ce seuil.
Pourtant, aucune révision réglementaire majeure n’a été adoptée depuis pour mieux encadrer les teneurs dans les engrais, ni pour systématiser la surveillance des aliments à risque.
Une pollution persistante difficile à éliminer
Le cadmium présente une caractéristique majeure : il ne se dégrade pas dans l’environnement. Une fois dans le sol, il y reste pendant des décennies. Il est absorbé par les plantes et pénètre dans la chaîne alimentaire, sans possibilité de l’éliminer facilement.
Cette pollution dite “diffuse” ne se limite pas à quelques zones industrielles. Elle concerne la quasi-totalité des surfaces agricoles, y compris les zones périurbaines, et peut s’accentuer avec certaines pratiques d’irrigation ou d’épandage.
Quelles solutions possibles ?
La réduction de l’exposition au cadmium passe par une combinaison de mesures à plusieurs niveaux :
- Diversifier les sources d’aliments ;
- Éviter la surconsommation d’aliments très accumulateurs (comme les abats ou certains crustacés) ;
- Ne pas fumer (le tabac est une source directe de cadmium).
Le mot de la fin
Le cadmium ne fait pas de bruit, mais ses effets sont mesurables, documentés et durables. Il incarne les défis d’une pollution environnementale lente, invisible, mais à fort impact sanitaire. L’ensemble des acteurs — scientifiques, agriculteurs, professionnels de santé, institutions — s’accordent à reconnaître l’urgence d’agir, notamment à travers des actions coordonnées de surveillance, de réglementation et d’information.