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Des lésions et inflammations musculaires surviennent généralement après une séance d’entraînement. S’il est vrai qu’un certain degré d’inflammation permet de limiter les dommages, il peut être bénéfique de réduire l’inflammation dans une certaine mesure pour améliorer la récupération.
Les techniques de récupération qui consistent en une immersion du corps dans un environnement froid, telle que l’immersion en eau froide et la cryothérapie, sont devenues populaires. Mais de nombreuses questions demeurent : y a-t-il une différence entre ces techniques quant à leurs effets immédiats et leurs effets sur le long terme ? Sont-elles meilleures que la réalisation d’un simple exercice à faible intensité pour la récupération ? Quelles sont les recommandations générales ? Cela fait beaucoup de questions auxquelles je vais tenter de répondre.
L’objectif de l’étude(1) que nous allons décrypter était de comparer les effets de l’immersion dans l’eau froide (IEF) et de la cryothérapie corps entier (CCE) sur la vitesse de récupération après un entraînement de musculation éprouvant chez des sportifs. Les différences entre ces deux méthodes de récupération ont été étudiées jusqu’à 72h après l’entraînement.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Les 10 hommes participant à cette étude ont été décrits comme étant sportifs. Pour être admissibles, les volontaires ne devaient pas avoir subi de blessure aux ischio-jambiers au cours des six mois précédant l’étude, et ils devaient s’abstenir de tout entraînement 48 heures avant les épreuves physiques. Les caractéristiques spécifiques des participants sont présentées dans le tableau ci-dessous.
Protocole de l’expérimentation
Les participants ont effectué 5 séries de 15 répétitions de leg curls excentriques uniquement sur un dynamomètre isocinétique réglé à 60°/s (ce qui signifie que la vitesse de contraction était constante). Chaque répétition avait une durée de trois secondes, et trois secondes étaient données entre les répétitions.
Immédiatement après l’entraînement, les sujets ont donné une note évaluant la perception de l’effort (RPE) sur une échelle de 0 à 10 et tous les paramètres de récupération ont ensuite été mesurés. Il est important de noter que les RPE étaient similaires entre les différentes épreuves, indiquant ainsi que le même niveau de fatigue était ressenti après chaque séance d’entraînement. Les participants ont ensuite effectué soit l’IEF soit la CCE.
Chaque critère pour mesurer le niveau de récupération a été évalué à nouveau 24, 48 et 72 heures après l’entraînement. Comme il s’agissait d’une étude croisée, l’ordre des situations a été randomisé et les séances d’entraînement ont été séparées de deux semaines, de sorte que tous les participants aient connu à la fois l’IEF et la CCE.
Une illustration de ce protocole expérimental est présentée sur le schéma ci-dessous. À savoir que tous les sujets ont effectué deux séances de familiarisation pour s’entraîner avec le dynamomètre isocinétique dans les semaines précédant les séances de test.
Protocoles de récupération
L’IEF et la CCE ont tous deux eu lieu 5 minutes après l’épreuve physique.
- Pendant le protocole bain froid, les participants sont restés dans une piscine d’eau froide, en maillot de bain, et ont été immergés dans de l’eau froide jusqu’au cou pendant 10 minutes à une température de 10°C.
- Pendant la CCE, les participants sont restés dans une cryocabine (chambre froide) pendant 3 minutes à -110°C. La température était produite à partir d’azote liquide. Dans le cas de la CCE, les extrémités étaient couvertes par des gants, des chaussettes et des chaussons, et la hauteur des parois était suffisamment basse pour que la tête des sujets se trouve à l’extérieur de la cryocabine pour les protéger.
Résultats de l’étude
Les chercheurs ont utilisé la taille d’effet et la probabilité comme seule méthode d’analyse pour ces résultats. Il est important de savoir que dans l’étude examinée, la magnitude de la taille d’effet a été interprétée conformément aux directives de Hopkins(2).
Dans l’ensemble, l’immersion dans un bain froid a surpassé la cryothérapie corps entier pour de nombreux paramètres. La CCE n’a eu aucune taille d’effet en sa faveur pour les paramètres de récupération, et ce, à tous les moments. Il y a eu des tailles d’effet en faveur de l’IEF pour les paramètres et les moments suivants : saut sur une jambe (0,68) et bilatéral (0,63) après 72 heures (probabilité : effets modérés très probables), perception de la récupération après 24 heures (0,62 ; probabilité : effet modéré probable), douleurs musculaires après 48 heures (0,68 ; probabilité : effet modéré probable) et taux de créatine kinase après 72 heures (0,83 ; probabilité : effet modéré probable).
Les graphiques de la chronologie avec taille d’effet comprenant le saut avec contre-mouvement bilatéral, les douleurs musculaires et les taux de créatine kinase sont présentés ci-dessous.
Mes commentaires et interprétations
Dans l’ensemble, l’IEF a mieux réussi comparé à la CCE pour améliorer la récupération selon plusieurs critères, jusqu’à 72 heures après un entraînement éprouvant.
Ces résultats sont importants, car les informations relatives à la cryothérapie corps entier sont encore relativement rares, alors que les données sur l’immersion dans l’eau froide sont bien documentées. On peut citer comme exemple une méta-analyse des méthodes de récupération par le froid, publiée en 2013 et qui a démontré un effet plus significatif de l’IEF par rapport à la CCE pour la récupération ; toutefois, à l’époque, seules deux études utilisant la CCE ont pu être incluses dans cette analyse(3). Cela dit, d’autres analyses récentes de Mawhinney et al. (2017) montrent également que l’IEF est plus efficace que la CCE(4).
Divers mécanismes sont mis en avant pour expliquer comment le refroidissement du corps peut accélérer la récupération, notamment la vasoconstriction qui réduit le flux sanguin et donc l’inflammation, et l’influence sur le système nerveux qui diminue la sensation de douleur et améliore la perception de la récupération.
La vasoconstriction se produit involontairement en réponse à des températures froides. Les vaisseaux sanguins se rétrécissent pour essayer de maintenir les organes internes au chaud ; cependant, la température des muscles continuera de baisser dans le cas de l’IEF du fait de la plus grande conductivité thermique de l’eau. En effet, l’étude de Mawhinney a montré que l’IEF entraînait des réductions plus importantes du flux sanguin et de la température musculaire que la CCE dans les 40 minutes suivant un entraînement d’endurance(5).
Il semble que la réduction du flux sanguin contribue à atténuer la réponse inflammatoire immédiate causée par un effort physique. Il faut donc être prudent dans cette réaction, car il est avéré qu’un certain degré d’inflammation contribue à faciliter le processus de récupération après un entraînement(6), et il n’est donc pas judicieux d’atténuer complètement cette réaction inflammatoire.
Néanmoins, les manifestations d’une trop grande réaction inflammatoire comprennent des gonflements et des douleurs dans les jours qui suivent un effort, lesquels pouvant nuire aux performances. Fort heureusement, la diminution de la circulation sanguine dans les cas d’IEF a été associée à une diminution des gonflements(7) et des douleurs(8) dans les jours qui suivent un entraînement éprouvant.
Pour compléter cette analyse des mécanismes d’action de l’IEF, il faut également comprendre que diverses cytokines (protéines libérées par le système immunitaire) augmentent l’activité des nocicepteurs (généralement considérés comme des “récepteurs de la douleur”), ce qui accroît la sensibilité à la douleur(9). Par conséquent, une légère réduction de l’inflammation et donc de l’activité des cytokines et des myokines (cytokines libérées par les muscles squelettiques) atténuera l’activité des nocicepteurs et diminuera la perception de la douleur. Dans la présente étude(10), la perception de la récupération a été améliorée avec l’IEF par rapport à la CCE, ce qui démontre que cette réduction de l’activité des nocicepteurs s’est probablement produite.
À ce stade, il pourrait être assez convaincant d’utiliser l’IEF pour accélérer la récupération. Cependant, il y a deux éléments qui doivent être abordés pour cerner pleinement ce sujet et déterminer l’utilité de l’IEF. Ces deux éléments sont les suivants :
- Nous savons que la récupération active à faible intensité (c’est-à-dire la marche ou le vélo) peut accélérer la récupération, alors pourquoi s’embêter avec le côté pénible de trouver une installation pour exploiter l’IEF ?
- L’étude que nous venons d’examiner ne portait que sur la récupération immédiate, mais que se passe-t-il lorsque l’IEF est répétée régulièrement, disons après chaque séance d’entraînement pendant 12 semaines ?
Examinons maintenant quelques données, afin de répondre à ces deux questions.
Récupération active à faible intensité
Bien que les informations actuellement examinées semblent soutenir l’utilisation de l’IEF pour la récupération, il faut souligner que l’une des limites de la présente étude est que l’IEF n’a pas été comparé à une méthode pratique et simple de récupération active telle que la marche ou le vélo à une intensité faible.
Une autre étude récente, de Peake et al. (2017), a montré que l’IEF n’améliorait pas plus la récupération lors d’un entraînement de type musculation qu’une simple session de vélo de 10 minutes à faible intensité(11). En outre, cette étude a mesuré le taux de cytokines et constaté que l’IEF ne réduisait pas autant la réponse inflammatoire que la session de vélo, remettant en question la pertinence de l’IEF. Il est important de noter que dans l’étude de Peake, les participants s’entraînaient avec des mouvements isotoniques à vitesse régulière, alors que dans l’étude d’Abaidia et al., les participants effectuaient des contractions excentriques uniquement à une vitesse constante de trois secondes par contraction. Par conséquent, l’étude actuellement examinée peut avoir causé des dommages musculaires plus importants, créant des conditions plus favorables au succès de l’IEF. Cependant, bien que ce dernier point ne puisse être vérifié, cela apporte une explication envisageable.
Ceci dit, d’un point de vue pratique, ces conclusions sont assez importantes dans la mesure où elles nous amènent à nous poser la question : Pourquoi consacrer du temps et des efforts à l’utilisation de l’IEF si nous pouvons simplement faire du vélo ou de la marche pendant 10 minutes après l’entraînement pour bénéficier des mêmes avantages ?
Utilisation régulière de l’immersion dans l’eau froide
Ce n’est pas parce qu’une méthode est efficace à court terme qu’elle l’est forcément à long terme. Les raisons peuvent être que l’organisme s’adapte aux effets de cette action, ou que les mécanismes immédiats, au niveau cellulaire et moléculaire, n’ont pas de répercussions sur les performances immédiates, mais qu’ils ont un impact sur l’adaptation à long terme s’ils sont répétés régulièrement. Cette dernière considération est probablement en jeu ici. Pour étudier cela, Roberts et ses collaborateurs (2015) ont fait s’entraîner 21 hommes ayant au moins une année d’expérience en musculation, 2 fois par semaine pendant 12 semaines, et les ont répartis en deux groupes(12).
Les chercheurs ont soumis un groupe à une séance de 10 minutes d’IEF immédiatement après chaque session d’entraînement pendant les 12 semaines. L’autre groupe a simplement effectué du vélo à faible intensité pendant 10 minutes après chaque séance. Après les 12 semaines, le groupe effectuant du vélo a augmenté sa masse musculaire et sa force au niveau du bas du corps de manière beaucoup plus importante que le groupe IEF.
Par ailleurs, Roberts et ses collaborateurs ont également publié une deuxième analyse dans le même article, et ces résultats peuvent en partie expliquer l’infériorité de l’IEF par rapport à la récupération active à long terme. La deuxième analyse portait sur une expérience croisée dans laquelle les participants ont effectué deux entraînements de musculation du bas du corps, chaque session étant suivie soit d’une IEF, soit de vélo à faible intensité. Les chercheurs ont mesuré les signaux anaboliques en examinant l’enzyme mTOR, qui déclenche la synthèse des protéines musculaires, et également l’activité des cellules satellites entre 2 et 48 heures après l’entraînement. Il a été observé que les individus ayant bénéficié de l’IEF avaient une réduction significative de ces signaux anaboliques (diminuant probablement la synthèse des protéines musculaires) et de l’activité des cellules satellites entre 2 et 48 heures après l’entraînement. Cette deuxième étude réalisée par Roberts et al. portait sur des individus différents de ceux de la première étude de 12 semaines, mais la deuxième analyse fournit une explication logique de la raison pour laquelle l’IEF a entraîné une hypertrophie et une prise de force moins importante sur 12 semaines par rapport à la récupération active sur vélo.
En bref, une dégradation de la réponse anabolique au niveau des cibles de mTOR atténue probablement la synthèse des protéines musculaires, qui contribuent à la récupération et peuvent être liées à la croissance musculaire(13).
De plus, les cellules satellites sont activées lorsque suffisamment de dommages musculaires sont causés et servent à réparer les muscles squelettiques et à donner des noyaux, ce qui permet d’augmenter la taille des muscles. De ce fait, il est clairement déconseillé de bloquer la synthèse des protéines et l’activité des cellules satellites si l’on veut que les muscles puissent se développer.
Êtes-vous toujours convaincu que l’IEF est la meilleure solution pour une meilleure récupération ? En réalité, elle semble être une stratégie acceptable à court terme, mais sa surutilisation pourrait bien être préjudiciable. Un exemple d’utilisation à court terme pourrait être celui des athlètes Strongman ou de CrossFit qui ont plusieurs épreuves dans la même journée. À court terme, l’atténuation des signaux anaboliques peut ne pas suffire à avoir un effet négatif ; mais comme nous le voyons dans les recherches de Roberts, lorsque l’IEF est répétée régulièrement, les altérations des signaux anaboliques s’additionnent pour diminuer les progrès à long terme. Par conséquent, si l’IEF est utilisée comme stratégie de récupération, elle doit être utilisée avec parcimonie (c’est-à-dire une fois par mois au maximum), mais ne doit pas être utilisée de manière systématique. Si vous choisissez d’utiliser l’IEF à certains moments, le protocole suivant est recommandé :
- Submerger le corps jusqu’au cou.
- Restez dans l’eau pendant 10 minutes.
- Avoir une température de l’eau d’environ 10-12°C
Ce qu’il faut retenir
- L’immersion dans l’eau froide est plus efficace que la cryothérapie corps entier pour accélérer la récupération après l’entraînement.
- L’immersion dans l’eau froide peut réduire l’inflammation et les douleurs dans les jours qui suivent l’entraînement.
- Même si l’immersion dans l’eau froide est efficace, son efficacité n’est pas absolue par rapport à une méthode simple de récupération active comme la marche ou le vélo à faible intensité.
- L’utilisation régulière de l’IEF (deux fois par semaine pendant 12 semaines) atténue l’hypertrophie et la prise de force par rapport à une simple activité de récupération active à faible intensité.
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Sources éditoriales et fact-checking