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La une des journaux s’est récemment fait l’écho d’une pollution aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) autour de plusieurs sites industriels en France, provoquant l’inquiétude des riverains et des associations écologistes. Derrière ce nom barbare se cachent des milliers de molécules invisibles, omniprésentes et indestructibles qui contaminent progressivement l’ensemble de la planète.
Hélas ! Nous utilisons et rejetons depuis plusieurs décennies dans l’environnement ces milliers de produits chimiques de synthèse aux propriétés étonnantes. Le revers de la médaille ? Ces substances que l’on pensait miraculeuses s’accumulent inexorablement dans les sols, les eaux et les organismes vivants, y compris l’humain.
Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) font partie de ces produits chimiques devenus aujourd’hui de sérieuses menaces sanitaires et environnementales. Inventées dans les années 30 pour leurs propriétés antiadhésives et hydrophobes hors du commun, elles équipent désormais une multitude d’objets du quotidien.
Mais leur incroyable résistance aux dégradations en fait des polluants tenaces qui voyagent sur de très longues distances, s’accumulant dans les chaînes alimentaires. Associées à divers effets toxiques sur la santé, elles sont aujourd’hui détectées partout sur la planète : des pôles aux tropiques, des sommets alpins aux grandes profondeurs océaniques.
Dans cet article, nous allons explorer l’histoire et les propriétés uniques de cette vaste famille de composés chimiques, leurs usages dans notre société moderne, leurs impacts déjà constatés ainsi que les défis qu’elles représentent pour notre environnement et notre santé collective.
Définition et propriétés
Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques aux propriétés très variées. Leur caractéristique commune est la présence de liaisons carbone-fluore, l’une des liaisons chimiques les plus solides en chimie organique.Cela leur confère des propriétés uniques :
- Antiadhésives et imperméabilisantes ;
- Résistantes aux fortes chaleurs ;
- Solubles à la fois dans l’eau et les graisses (amphiphiles).
Ces propriétés les rendent utiles dans de nombreux domaines industriels et produits de consommation courante depuis les années 1950 : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc.
Utilisation
Les PFAS sont utilisées dans des centaines de types de produits du quotidien :
- Vêtements et tapis anti-taches ;
- Emballages alimentaires anti-graisses ;
- Ustensiles de cuisine antiadhésifs (Téflon) ;
- Mousses anti-incendie ;
- Enduits protecteurs pour meubles, moquettes et tentures ;
- Produits d’étanchéité et d’isolation ;
- Peintures et vernis ;
- Cosmétiques (vernis à ongles, démaquillants, etc.).
On les retrouve également dans de nombreux procédés industriels (caoutchouc, plastiques, métallurgie, semi-conducteurs, etc.).
Bref, les PFAS sont partout autour de nous !
Persistance et accumulation dans l’environnement
Le revers de la médaille de cette famille de produits miracles est leur extrême persistance dans l’environnement, d’où leur surnom de “polluants éternels”.
Résistantes aux dégradations chimique et biologique, les PFAS peuvent persister durant des décennies une fois rejetées dans la nature. Elles migrent alors facilement vers les sols, les eaux souterraines et les rivières.
On les retrouve désormais partout sur la planète, y compris dans des régions reculées comme l’Arctique !
Par bioaccumulation le long des chaînes alimentaires, les PFAS remontent également dans les organismes vivants. Elles ont été détectées chez de nombreuses espèces animales… et l’Homme.
Effets sur la santé et l’environnement
Bien que les PFAS soient étudiées depuis relativement récemment, des effets nocifs avérés ou suspectés ont déjà été mis en évidence :
Chez l’humain
- Altération du système immunitaire ;
- Augmentation du cholestérol ;
- Hormones thyroïdiennes perturbées ;
- Dysfonctionnement hépatique ;
- Hypertension gravidique ;
- Baisse de la fertilité ;
- Retard de croissance in utero ;
- Cancer du rein et des testicules.
Chez les animaux
- Altération du foie et du système immunitaire ;
- Anomalies du développement ;
- Cancer.
Dans l’environnement
- Bioaccumulation chez les poissons et les mammifères ;
- Contamination des eaux souterraines et de surface ;
- Pollution de zones éloignées des sources de rejet initiales.
On soupçonne également des effets cocktail résultant de l’exposition simultanée à plusieurs PFAS.
Une réglementation balbutiante
Devant la menace grandissante que représentent les PFAS, des actions réglementaires se mettent progressivement en place aux niveaux international et national pour restreindre les PFAS les plus problématiques :
- La convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants encadre déjà certains PFAS comme le PFOS.
- L’Union Européenne a fixé des limites de concentration dans l’eau potable pour 20 PFAS.
- La production de PFOA et PFOS est désormais interdite dans de nombreux pays.
- D’autres PFAS font l’objet de restrictions progressives (interdiction future de production et d’usage pour le PFHxS par exemple).
Cependant, devant le nombre pléthorique de molécules PFAS existantes, une action globale s’avère complexe et de nouveaux composés non réglementés apparaissent en remplacement.
Une exposition humaine ubiquiste
L’être humain est exposé aux PFAS principalement par :
- L’alimentation, notamment les produits aquatiques qui bioaccumulent efficacement ces substances ;
- L’eau de boisson si elle est contaminée ;
- L’air intérieur et les poussières imprégnées des PFAS contenues dans les produits domestiques (tapis, canapés, ustensiles de cuisine, etc.) ;
- L’utilisation de certains produits du quotidien (cosmétiques, textiles, emballages alimentaires, etc.).
Des études biomonitoring aux États-Unis et au Canada ont détecté des PFAS dans le sang d’une très large majorité de la population.
Des sols pollués autour des sites industriels en France
En France, la contamination environnementale par les PFAS commence tout juste à être investiguée. Près de 1000 sites pollués ont déjà été recensés, mais beaucoup d’autres non encore explorés le sont probablement également.
Deux régions sont particulièrement concernées :
Autour de Lyon, d’importantes pollutions historiques ont été mises en évidence autour des usines Arkema et Daikin. On y a mesuré des taux record de PFAS dans les sols, les eaux souterraines et même le Rhône. Des PFAS ont également été retrouvés dans le sang des salariés et des habitants. Certains soupçonnent l’existence de clusters de cancers dans ces zones.
En Haute-Savoie, la responsabilité de l’usine 3M de Rumilly dans la contamination de sols et de cours d’eau est également pointée du doigt. Là encore, des investigations sont en cours pour déterminer l’étendue réelle de cette pollution aux PFAS et ses impacts sanitaires.
Des actions encore timides des pouvoirs publics
Face à l’ampleur de cette nouvelle menace environnementale et sanitaire, les réactions des pouvoirs publics apparaissent encore bien timorées :
- Quelques sites sont placés sous surveillance renforcée (Lyon, Rumilly) ;
- Des contrôles accrus des rejets industriels et de la qualité des eaux potables sont annoncés ;
- Un “plan d’action national PFAS” vient d’être lancé en 2023 par le gouvernement.
Mais les associations écologistes et les populations exposées réclament des actions beaucoup plus ambitieuses et contraignantes pour les industriels.
Enjeux et perspectives
Les PFAS représentent un défi sanitaire et environnemental majeur pour les années à venir. Voici certains des enjeux associés :
- Meilleure détection et quantification dans tous les milieux ;
- Évaluation des risques toxicologiques pour chaque PFAS individuellement ou mélangé ;
- Techniques efficaces de dépollution des sites contaminés ;
- Substitution des PFAS problématiques dans les produits de consommation ;
- Sensibilisation du public quant aux sources d’exposition évitables ;
- Surveillance sanitaire des populations exposées.
Bien que complexe, une gestion efficace de ces polluants ubiquistes est indispensable pour limiter leurs effets sur les écosystèmes et la santé humaine.