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D’après des études sur les animaux, la capsaïcine, le principe actif des piments, pourrait contribuer à améliorer les performances musculaires. Le but de l’étude(1) que nous allons décrypter était d’étudier les effets de la capsaïcine sur les performances en musculation, la perception de l’effort et les concentrations de lactate dans le sang chez des sportifs.
Décryptage de l’étude
Participants et méthodes
Participants
Cette étude a été réalisée avec la participation de dix sportifs ayant 3,5 ± 1,5 ans d’expérience en musculation et une fréquence d’entraînement moyenne de 5,3 ± 0,6 jours par semaine. Voir le tableau 1 pour les caractéristiques des participants.
Conception de l’étude
Cette étude a été réalisée en double aveugle avec placebo, de manière aléatoire et croisée. Les participants ont effectué 4 séries de squats avec 70 % de 1RM jusqu’à l’échec, 45 minutes après avoir consommé soit 12mg de capsaïcine purifiée en poudre, soit un placebo, sous forme de gélules, dans un ordre aléatoire. Ni les participants ni les chercheurs ne savaient s’ils recevaient le placebo ou la capsaïcine avant de procéder aux épreuves physiques de test. Avant le premier test, les sujets ont suivi deux séances de familiarisation pour se familiariser avec le test de 1RM et les équipements de contrôle. Par la suite, le premier des deux tests a été effectué, soit avec un placebo, soit avec de la capsaïcine. Le test a été renouvelé 7 jours plus tard avec le produit inverse. Le schéma 1 représente visuellement le déroulement du protocole.
Au cours des différentes épreuves du test, les participants se sont échauffés en marchant pendant 5 minutes, suivies de 15 répétitions à 30 % de 1RM. Ensuite, les individus se sont reposés pendant 5 minutes avant d’effectuer 4 séries (avec max de répétitions) à 70 % de 1RM avec un temps de repos de 90 secondes entre les séries. Les participants ont adopté une vitesse de déplacement classique et la profondeur a été contrôlée en touchant un banc à hauteur réglable (la profondeur précise n’a pas été communiquée).
Taux de lactate sanguin et perception de l’effort
La lactatémie a été relevée après chaque série, et 3, 5 et 30 minutes après la séance pour évaluer la concentration de lactate. L’échelle RPE de Borg 6-20 a été utilisée pour évaluer l’effort, avec un seul score RPE enregistré à la fin de chaque séance.
Composition corporelle, supplémentation et apport alimentaire
La taille, le poids et les épaisseurs des plis cutanés ont été mesurés pour estimer le taux de masse grasse et la masse maigre d’après le calcul de la densité à deux compartiments. Les participants ont été invités à s’abstenir de consommer des piments, des aliments épicés, de l’alcool ou tout autre stimulant pendant les 12 heures précédant chaque évaluation. Les apports alimentaires et les boissons au cours des 24 heures précédant les tests ont été contrôlés pour permettre de garder une cohérence dans les prises alimentaires entre les différents tests.
Une étude préliminaire sur 4 volontaires a été effectuée pour s’assurer que la dose de capsaïcine (12 mg purifiée) était bien tolérée, dans la mesure où elles ne causaient peu ou pas de troubles gastro-intestinaux. Comme la capsaïcine atteint sa concentration maximale après 45 minutes(2), les épreuves de squat ont été effectuées 45 minutes après l’administration du placebo ou du complément.
Résultats de l’étude
La charge de travail (répétitions x poids soulevé) était plus importante (p = 0,004) dans le groupe sous capsaïcine (3919,4 ± 1227,4 kg) par rapport au groupe sous placebo (3179,6 ± 942,4 kg). Étant donné qu’il s’agissait d’un croisement (c’est-à-dire que les mêmes participants avec la même 1RM ont effectué les deux essais), il s’agit d’une bonne comparaison. S’il y avait eu deux groupes de personnes différents, la comparaison n’aurait pas été valable, à moins que la force ne soit contrebalancée. On aurait plutôt évalué les différences de charge volumique relative (répétitions x pourcentage 1RM) ou de répétitions totales. À ce propos, le nombre total de répétitions était également plus élevé (p = 0,002) dans le groupe recevant la capsaïcine (42,6 ± 12,6 répétitions) comparativement au groupe recevant le placebo (35,1 ± 12,3 répétitions). Pour la charge de travail et le nombre total de répétitions effectuées, la taille d’effet d de Cohen indique une différence “modérée” entre les groupes (0,68 et 0,60, respectivement). Les graphiques 2 et 3 illustrent ces résultats de performance. Il n’y avait pas de différences significatives dans les taux de lactate sanguin entre les groupes ; cependant, le RPE était plus faible (p= 0,048) dans le groupe capsaïcine (17,2 ± 1,0) par rapport au groupe placebo (18,3 ± 1,7), ce qui a été décrit comme une “grande” différence (taille de l’effet 0,80).
Mes commentaires et interprétations
À première vue, cette étude est une véritable révélation pour la capsaïcine en tant que complément destiné à améliorer les performances sportives. La supplémentation avec 12 mg de capsaïcine purifiée a augmenté de façon significative la charge de travail et le nombre total de répétitions effectuées sur quatre séries de squats jusqu’à l’échec d’environ 20 % tout en diminuant simultanément le RPE d’environ 1 point sur une échelle de 6 à 20. L’ingrédient principal des piments, la capsaïcine, est plus communément connu comme un thermogène ou “brûleur de graisse” dans l’industrie des suppléments. Cependant, étant donné son faible effet sur la dépense énergétique et l’oxydation des graisses et ses effets incohérents sur l’appétit et la perte de poids(3), on pourrait considérer la capsaïcine comme un bon ergogénique plutôt que comme un produit amaigrissant.
Cependant, avant de commander en gros de la poudre de capsaïcine, il faut prendre en compte quelques éléments. Premièrement, il s’agit de la première et unique étude sur les performances en musculation et de suppléments de capsaïcine chez l’homme. En effet, il n’y a eu qu’une seule autre étude sur la capsaïcine et les performances musculaires, qui a été réalisée sur des souris(4). Bien que des effets positifs aient été rapportés dans les deux cas, nous devons nous rappeler que nous n’avons qu’une seule étude humaine et une seule étude animale montrant l’effet ergogénique potentiel de la capsaïcine sur les performances physiques. Par ailleurs, en 2012, Opheim et Rankin ont mené une étude sur des sprints répétés (sprints de 15×30 mètres avec des intervalles de repos de 35 secondes) dans laquelle ils n’ont constaté aucune différence de performance, de RPE ou de douleurs musculaires après sept jours de consommation d’un placebo ou de 3 g de poivre de Cayenne (contenant 25,8 mg de capsaïcine). Malheureusement, les athlètes qui ont pris un supplément de poivre de Cayenne ont rapporté une augmentation de 6,3 fois des troubles gastro-intestinaux(5).
Dans la présente étude, aucun sportif n’a signalé de troubles gastro-intestinaux. Compte tenu du peu de données disponibles, on ne sait pas si la disparité entre l’étude d’Opheim et de Rankin et la présente étude est due au dosage (25,8 mg contre 12 mg), à la forme (poivre de Cayenne contre capsaïcine purifiée) ou à des tests différents (musculation et sprint). En outre, nous devons considérer que la raison pour laquelle la performance des sprints répétés n’a pas été améliorée est peut-être due à la détresse digestive elle-même ; c’est-à-dire qu’il est possible que le poivre de Cayenne ait augmenté les performances des sprinters s’il n’avait pas eu de problèmes digestifs, et que les deux effets se soient annulés.
Les chercheurs de cette étude proposent deux mécanismes par lesquels la capsaïcine pourrait provoquer un effet stimulant sur les performances : 1) en réduisant la perception de la douleur et/ou 2) en augmentant la libération de calcium du réticulum sarcoplasmique, ce qui renforce la liaison des filaments d’actine et de myosine, améliorant ainsi la production de force(6). Utilisée par voie topique, la capsaïcine est un antidouleur connu(7) et pourrait vraisemblablement avoir des effets analgésiques lorsqu’elle est consommée par voie orale(8)(9). Étant donné les scores de RPE plus faibles observés avec la capsaïcine dans cette étude en combinaison avec une augmentation de volume de travail, il est possible que les deux mécanismes soient en jeu.
Néanmoins, il faut être prudent avant de se lancer dans une supplémentation. Pour résumer, nous avons 1) un mécanisme plausible, 2) des études animales montrant des résultats favorables, 3) une étude humaine montrant des troubles gastriques importants et aucun changement de performance, et 4) une autre étude humaine montrant aucun problème gastrique et une amélioration de la performance.
Par conséquent, je recommande d’attendre que des études supplémentaires confirment les résultats de la présente étude. Lorsqu’il n’y a rien à risquer à part de l’argent, je ne vois pas d’inconvénient à essayer un nouveau complément avec une première étude à l’appui, à condition qu’il soit également prouvé que cela est sans danger. Mais dans ce cas, il est fort possible que vous puissiez donner un nouveau sens à la chanson “Allumer le feu” de Johnny Hallyday plutôt que d’améliorer vos performances à la salle.
En conclusion, si vous décidez de challenger votre système digestif pour tenter de maximiser vos performances, pensez à la forme de capsaïcine que vous utilisez en complément. D’après ce que j’ai vu, la plupart des compléments disponibles sont sous forme d’extrait de poivre de Cayenne (la forme qui a causé une détresse gastro-intestinale importante dans l’étude sur le sprint). Étant donné que la gêne gastro-intestinale a été multipliée par 6,3, je pense que même en réduisant la dose de poivre de Cayenne de moitié pour obtenir à peu près la dose utilisée dans la présente étude, cela resterait problématique. Ainsi, il conviendrait de rechercher une forme de poudre purifiée pour éviter tout problème.
Ce qu’il faut retenir
- La consommation de 12 mg de poudre de capsaïcine purifiée 45 minutes avant un entraînement de musculation a augmenté le nombre de répétitions effectuées tout en diminuant simultanément le RPE.
- Une étude antérieure effectuée sur des sprints répétés a cependant montré que la supplémentation en capsaïcine délivrée avec du poivre de Cayenne n’apportait aucun bénéfice en termes de performance et entraînait une augmentation importante des maux d’estomac.
- Bien que la supplémentation en capsaïcine puisse éventuellement s’avérer efficace comme un complément ergogénique, étant donné le risque de troubles gastro-intestinaux, je recommande d’attendre la publication de nouvelles recherches avant d’y recourir.
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Sources éditoriales et fact-checking