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On ne parle que de ça, de détox, de jeûne, de monodiète. Est-ce un effet de mode ou le témoignage d’un réel besoin, d’une nécessité de prendre soin de soi ? En tout cas, c’est un véritable phénomène de société et nous n’en sommes qu’au début.
Les médias se sont emparés du sujet ces dernières années, certains prônant ses vertus, d’autres les contestant. Quoi qu’il en soit, les projecteurs sont désormais braqués sur le jeûne et ses vertus préventives et curatives.
On doit cet engouement au célèbre documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, “Le jeûne, une nouvelle thérapie ?”, diffusé sur la chaîne ARTE. Il est également intéressant de noter que ce même documentaire porte le nom suivant en Allemagne : Le jeûne, les dernières découvertes scientifiques. Les Allemands ont, à juste titre, au moins 30 ans d’avance sur le sujet !
Depuis, de nombreuses émissions de télévision, de radio et de journaux en parlent, dont les derniers travaux de Valter D. Longo, gérontologue italo-américain et professeur de biologie spécialisé en biologie cellulaire et génétique, sur les vertus du jeûne et de la chimiothérapie combinés pour lutter contre le cancer.
Pour ou contre ? Ce que dit le monde médical…
Le monde médical français est encore très prudent sur ce sujet. Beaucoup de médecins le conseillent, mais encore très peu ouvertement. Depuis peu, la plupart des médecins s’accordent sur le jeûne de 16 heures consécutives, appelé aussi jeûne intermittent, dont les vertus sont admises par une majorité.
En France, malgré les nombreuses études et résultats cliniques de nos voisins allemands, russes et américains, nous avons encore du mal à intégrer la vision du jeûne dans une démarche aussi bien préventive que curative. Le dernier rapport de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur le sujet ne mentionne pas toutes les études et reste circonspect quant à l’éventuelle méthode d’analyse à mettre en place pour réaliser des études scientifiques sur le sujet. Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’espérer et encourager une étude française afin de mettre tout le monde sur la même longueur d’onde et de structurer les offres de jeûne en sécurisant la démarche pour les participants.
Ceci dit, de plus en plus de médecins recommandent le jeûne. D’ailleurs, beaucoup le pratiquent pour leur propre santé ! Cependant, cette pratique ne faisant pas encore partie de l’arsenal thérapeutique, un médecin est toujours vigilant pour conseiller cette pratique qui, autrefois, était une solution de premier choix pour les médecins. Hippocrate disait même : “Lorsque le corps est chargé d’humeurs impures, faites-lui supporter la faim, elle assèche et purifie.” Enfin, certains centres à la pointe de la recherche la suggèrent, mais toujours timidement…
Quelle acceptation dans la société ?
Le regard de la société française sur le jeûne est véritablement en train de changer. Il y a quelques années, le jeûne pouvait être synonyme d’appartenance à une secte. Aujourd’hui, même les plus grands chefs d’entreprise s’y mettent, une véritable culture de la désintoxication et du jeûne émerge : hauts fonctionnaires, médecins, cadres, dirigeants, toutes les couches de la société sont intéressées, des plus riches aux moins aisés.
Bien sûr, il existe encore une crainte chez les personnes qui ne sont pas assez informées sur le sujet et le fait d’arrêter de manger pendant quelques jours suscite souvent quelques inquiétudes. Ces personnes considèrent le régime alimentaire actuel comme un véritable succès, alors pour elles, s’abstenir de manger relève presque de la folie, voire d’un retour en arrière.
Les différentes motivations
La première motivation du jeûne est souvent le besoin de faire une pause, de prendre soin de soi et de faire un petit nettoyage intérieur pour un temps.
Aujourd’hui, de nombreux participants aux programmes de jeûne cherchent également à prévenir les maux du quotidien et à préserver notre précieuse santé !
Par ailleurs, la perte de poids reste une motivation importante pour la plupart des personnes à notre époque. Cependant, lorsqu’ils découvrent les bienfaits du jeûne sur leur santé physique, celle-ci devient rapidement secondaire pour la majorité des jeûneurs.
L’occasion d’un nouveau départ pour mieux s’alimenter
La plupart des jeûneurs témoignent que les effets de cinq jours de jeûne leur procurent des bénéfices pendant plusieurs mois.
Ajoutons qu’une cure de jeûne permet d’entretenir l’envie de prendre soin de soi (plutôt que d’être dans une optique de “devoir”). Le fait est qu’une cure de jeûne, sa préparation et tout ce qu’elle implique en termes d’organisation n’est pas anodin. La plupart des gens veillent donc à ne pas gâcher ce qui a été entrepris, mais plutôt à le préserver. C’est aussi une question de bon sens : quand on se sent bien, on a tout simplement envie de continuer à ressentir cet état de bien-être et de le prolonger. Beaucoup de personnes profitent du jeûne pour arrêter de fumer, ralentir leur consommation de café, de viande rouge, de produits raffinés, etc.
Et le plus spectaculaire, c’est que la plupart d’entre elles témoignent que cela se fait tout seul, avec très peu d’efforts. Surprenant !
La popularité des cures de jeûne
En France, quelques personnalités ont été des précurseurs, comme Désiré Mérien avec le jeûne hygiénique, qui consiste en un jeûne hydrique et beaucoup de repos. Dans cette pratique du jeûne, l’effort est banni, ce qui s’oppose à la pratique du jeûne et de la randonnée, développée notamment par Gisbert Bolling, créateur de la Fédération française du jeûne et randonnée, qui compte aujourd’hui des dizaines d’organisateurs, respectant tous une charte de fonctionnement. D’autres organisations voient également le jour, comme le mouvement “Jeûne et Bien-être”, “VitaDetox & Cie”, etc.
Des séjours de jeûne sont organisés depuis 25 ans en France, mais l’engouement général pour cette pratique date de 2012, année de sortie du célèbre documentaire sur le jeûne.
Si la majorité des cures de jeûne proposées aujourd’hui sont accompagnées par des naturopathes, et des accompagnateurs en montagne pour les séjours de jeûne et randonnée, il est toujours conseillé, avant de choisir un centre, de se renseigner sur les compétences et les qualifications des accompagnateurs.
Entre gratuité et séjour de luxe…
Jeûner est-il coûteux ? Tout dépend de la structure que vous choisissez. Aujourd’hui en France, vous trouverez des offres de cures de jeûne dans des centres d’hébergement, allant du gîte ou de la chambre d’hôtes à l’hébergement 5 étoiles. Il y en a pour tous les budgets, de 400 euros pour des séjours sous tente à 3 000 euros dans des lieux et sites exceptionnels.
Mais si la pratique du jeûne à la maison est gratuite, mieux vaut être accompagné pour la première fois afin de se familiariser avec les mécanismes physiologiques de cette démarche. Et si notre santé le permet, pourquoi ne pas le faire ensuite chez soi ? Cependant, l’entreprendre à l’extérieur éventuellement en combinaison avec une randonnée, au sein d’un groupe de personnes qui partagent la même démarche et se soutiennent mutuellement, est un vrai plus, comme un rendez-vous annuel pour prendre soin de soi.
À l’origine, une tradition religieuse
Si les bienfaits pour la santé du jeûne sont connus et reconnus depuis toujours, c’est avant tout son lien avec la vie spirituelle qui l’a inscrit dans toutes les traditions du monde.
Même si les différentes formes de religion et de spiritualité adoptent des pratiques spécifiques du jeûne ou lui donnent un sens qui leur est propre, la pratique du jeûne s’est toujours inscrite dans une volonté d’élévation de soi et de développement de sa force spirituelle. Qu’elle soit pratiquée de manière plus ou moins extrême, ou sur une période plus ou moins longue, elle est dans tous les cas indiquée pour développer sa vie spirituelle. L’objectif est de se rapprocher de “Dieu”, quel que soit le nom qu’on lui donne.
À cet égard, dans la plupart des cas, le jeûne ne consiste pas seulement à restreindre son alimentation. Il est également associé à une restriction de la parole, du sommeil ou de la sexualité. Il s’agit donc d’un moment privilégié pour développer un rapport différent à la vie quotidienne et aux autres. En effet, s’il incarne un processus d’intériorité, il ne prend sa véritable dimension que dans l’ouverture à l’autre. Dans cette perspective, il a souvent été associé à la prière et au partage et peut aussi être vécu dans un esprit festif.
À chacun son jeûne
Chaque tradition propose une pratique différente du jeûne : il peut s’agir d’une privation totale ou partielle d’aliments solides ou liquides. Sa durée est également fluctuante : de quelques heures, lorsqu’il est recommandé de ne prendre qu’un seul repas par jour ou qu’il est interdit de manger avant ou après une certaine heure, à de longues périodes de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines.
Au-delà du point commun qui lie toutes les traditions religieuses et spirituelles sur la pratique du jeûne, celui-ci a également une signification différente selon les cultures et les religions. Ces différentes traditions diffèrent dans leur compréhension du lien entre le corps et l’âme. En effet, le dualisme corps-âme, très présent chez les Grecs, a profondément marqué la culture occidentale et s’oppose à l’unité entre le corps et l’âme qui sous-tend d’autres traditions, comme la tradition orientale. Dès lors, le jeûne s’effectue avec ou contre le corps. Dans le premier cas, le corps est considéré comme un véhicule de la vie spirituelle et le jeûne, en purifiant le corps, doit favoriser l’expérience spirituelle. Dans le second cas, le corps est considéré comme un obstacle à l’élévation de l’âme, et le jeûne est vu comme une méthode pour supprimer les méfaits de la chair.
Dans tous les cas, il est intéressant de noter que toutes les traditions spirituelles ou religieuses, en dehors de l’appel au jeûne, partagent la recommandation d’une forme de modération en matière d’alimentation, bien loin de la surconsommation moderne. Il semble y avoir un consensus sur la nécessité de la sobriété pour développer un équilibre dans sa vie quotidienne.
Les différentes traditions de jeûne
Dans la tradition judaïque, les références au jeûne sont nombreuses. Conçu à l’origine comme une action collective, il était destiné à prévenir ou à mettre fin à une calamité. C’était une manière de demander la compassion et le pardon de Dieu, d’expier ses fautes et d’implorer l’aide divine. Aujourd’hui encore, le jeûne est un moyen d’intensifier l’expérience religieuse et d’expier les péchés ou de commémorer les tragédies nationales. C’est avant tout un acte collectif. Le jeûne le plus important reste celui de Yom Kippour, qui prépare à la communion avec Dieu. Il faut noter que pour Yom Kippour, l’interdiction de manger et de boire est associée à l’interdiction de se baigner, de se parfumer, de porter des chaussures en cuir ou d’avoir des relations sexuelles. Il convient de noter que l’ascétisme n’a jamais été une partie importante du judaïsme. “Il ne croit pas que la liberté de l’âme humaine peut être gagnée uniquement en subjuguant la chair”, selon Jean-Claude Noyé, auteur du Grand Livre du jeûne. Dans la tradition juive, l’univers physique et les plaisirs terrestres occupent une place essentielle et sont au service de Dieu. Cela s’oppose à la conception grecque, pour laquelle l’âme est bonne et le corps mauvais. C’est la voie du milieu, qui exclut également la surabondance des plaisirs charnels et la violence excessive envers le corps.
Dans le christianisme, le désir fondamental est de conformer sa vie à celle du Christ. Le carême, le jeûne le plus important, est un processus de purification de la vie spirituelle et s’accompagne d’une pratique accrue de la prière et de la charité. Le jeûne est donc considéré comme une imitation de Jésus et de son jeûne de 40 jours dans le désert. Tout au long de l’histoire du christianisme, de nombreuses traditions de jeûne ont adopté comme leitmotiv la lutte contre les révoltes de la chair. Le jeûne avait une fonction traditionnelle d’humble pénitence et d’élévation spirituelle. Le christianisme considère le corps comme insubordonné, et le jeûne prend le pouvoir sur lui. Cependant, bien que le jeûne fasse partie intégrante de la tradition chrétienne, il fut progressivement oublié, l’Église accordant de plus en plus de dispenses aux fidèles, notamment aux riches. De plus, n’étant plus expliqué de manière pédagogique et associé à un sens spirituel, le jeûne n’était plus perçu que comme une obéissance à l’Église : lorsque l’Église perd son autorité, elle perd aussi son importance aux yeux des croyants.
Plus récemment, on a assisté à un renouveau progressif du jeûne, influencé notamment par la place de plus en plus centrale accordée au corps dans la société et par la remise en question de la visibilité du jeûne dans les autres religions.
Dans l’islam, le jeûne constitue l’un des cinq piliers de la religion. Le Prophète pratiquait le jeûne régulièrement et il est considéré comme méritoire et bénéfique. C’est une façon de demander la grâce et un moment privilégié pour la charité. Le ramadan, le jeûne central de l’islam, consiste en la privation de nourriture solide et liquide de l’aube au coucher du soleil et s’accompagne d’une interdiction de fumer et d’avoir des relations sexuelles. Plus important encore, il doit être accompagné d’une intention, car, selon l’islam, les actions ne sont bonnes que si l’intention qui les sous-tend est bonne. Le jeûne du Ramadan est aujourd’hui une pratique largement suivie, associée à une période de vie familiale et amicale.
Le bouddhisme, quant à lui, en tant que voie médiane, encourage le non-attachement à la nourriture plutôt que la privation excessive. Le Bouddha a atteint l’illumination non pas pendant les jeûnes qu’il a longtemps pratiqués, mais après avoir renoncé à un ascétisme extrême. Néanmoins, la modération est professée comme une ligne de conduite.
Dans l’hindouisme, la conception dominante de la pratique alimentaire est que “si la nourriture est pure, l’esprit est pur, la conscience du soi véritable s’établit et lorsque cette conscience est assurée, tous les liens qui retiennent l’âme au monde se relâchent”. C’est cette conception qui est à l’origine du végétarisme. Pour les Hindous, le jeûne est une expression de leur vie religieuse, une marque de dévotion et de sacrifice à une divinité. Le jeûne le plus important est celui qui précède la fête de Ganesh et dure 15 jours. Dans cette partie du monde, le jeûne est traditionnellement conçu comme une méthode permettant de transformer les états de conscience. Ainsi, on retrouve ce concept dans la pratique du hata yoga, où le jeûne permet de libérer l’énergie absorbée par la digestion au profit du développement de la vie spirituelle.
Du collectif et spirituel au personnel et thérapeutique
Finalement, il est remarquable de constater que le jeûne s’inscrit dans les traditions de façon avant tout collective et au service de la vie spirituelle. Les pratiques individuelles n’étaient pas les plus enseignées et les bienfaits sur la santé ne constituaient pas d’objectif primordial. À l’inverse de l’engouement actuel, qui met avant tout l’accent sur une démarche personnelle et au bénéfice de la santé.