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La rougeole est de retour. Cette maladie virale hautement contagieuse, que l’on croyait reléguée aux oubliettes de l’histoire grâce à la vaccination, refait surface dans de nombreux pays, y compris ceux où elle avait quasiment disparu. Rien qu’en 2018, plus de 140 000 personnes en sont mortes dans le monde, majoritairement des enfants de moins de 5 ans. Pourtant, un vaccin sûr et très efficace existe depuis plus d’un demi-siècle. Alors pourquoi la rougeole persiste-t-elle ? Quels sont les symptômes et les complications de cette maladie ? Comment se transmet-elle ? Et surtout, comment s’en protéger ? Faisons le point sur cette infection qui reste un problème de santé publique majeur.
La rougeole de retour en France
Après des années de répit, la rougeole refait une apparition inquiétante dans la métropole lyonnaise. Depuis janvier 2024, l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes a détecté un “début d’épidémie localisée” avec 25 cas recensés dans le département du Rhône, principalement dans l’Est lyonnais.
Parmi ces malades figurent des bébés, des enfants et des adultes, dont certains enfants accueillis en crèche ont dû être hospitalisés. L’ARS constate désormais “des chaînes de transmission locale” avec une augmentation hebdomadaire des nouveaux cas.
Cette flambée épidémique n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis 2023, la région fait face à une recrudescence inquiétante de la rougeole, avec déjà une centaine de cas détectés notamment en Ardèche, Haute-Savoie et dans la Drôme. Des foyers épidémiques sont apparus dans des collèges après l’importation du virus par des élèves de retour de voyages à l’étranger.
Une maladie ancienne et dévastatrice
La rougeole est une très vieille connaissance de l’humanité. Dès le 9e siècle, le médecin perse Abū Bakr Muḥammad ibn Zakariyyā al-Rāzī en fait l’une des premières descriptions écrites. Mais le virus rougeoleux circulait probablement déjà depuis des millénaires, provoquant régulièrement des épidémies dévastatrices.
Avant l’arrivée de la vaccination dans les années 1960, la rougeole touchait presque tous les enfants. Rien qu’aux États-Unis, on estime que 3 à 4 millions de personnes contractaient la maladie chaque année. Parmi elles, 400 à 500 en mouraient, 48 000 étaient hospitalisées et 1000 développaient une encéphalite, une inflammation du cerveau pouvant laisser de lourdes séquelles.
La rougeole faisait des ravages encore plus terribles dans les populations sans immunité préalable contre le virus, comme lors de son introduction dans les Amériques par les colons européens au 16e siècle. En 1529, une épidémie a ainsi décimé les deux tiers des populations indigènes de Cuba. Au Mexique, au Honduras et dans l’empire inca, la moitié des autochtones ont été emportés par la maladie.
Un virus ultra-contagieux
Cette capacité de la rougeole à se propager comme une traînée de poudre s’explique par son extrême contagiosité. Le virus rougeoleux, de la famille des Paramyxoviridae, se transmet par les gouttelettes respiratoires d’une personne infectée lorsqu’elle tousse ou éternue. Il peut aussi survivre jusqu’à 2 heures dans l’air d’une pièce après son départ.
Résultat, 9 personnes sur 10 qui ne sont pas immunisées développeront la maladie si elles entrent en contact avec un malade. C’est l’un des virus les plus contagieux qui existent. Les personnes infectées peuvent transmettre la rougeole dès 4 jours avant l’apparition des signes jusqu’à 4 jours après. Elles sont particulièrement contagieuses pendant la phase prodromique de 2 à 4 jours précédant l’éruption cutanée, quand elles toussent beaucoup.
Des symptômes caractéristiques
Après une période d’incubation silencieuse d’une dizaine de jours en moyenne, la rougeole se manifeste d’abord comme un syndrome grippal avec une forte fièvre souvent supérieure à 40°C, une toux sèche, un écoulement nasal, une conjonctivite et une grande fatigue. Des petits points blancs (tâches de Köplik) peuvent aussi apparaître à l’intérieur des joues.
Puis 3 à 5 jours après le début des symptômes, le signe le plus caractéristique se déclare : une éruption cutanée de grandes plaques rouges qui démarre au niveau du visage et derrière les oreilles, avant de s’étendre progressivement sur tout le corps. Cette éruption, non prurigineuse, s’accompagne d’une nouvelle poussée de fièvre. Elle persiste environ une semaine avant de disparaître.
Des complications parfois graves
Dans la majorité des cas, la rougeole guérit spontanément en 7 à 10 jours. Mais environ 30 % des malades développent des complications. Les plus fréquentes sont les surinfections bactériennes comme les otites, laryngites, pneumonies. Plus rarement, la rougeole peut aussi provoquer des complications neurologiques sévères comme une encéphalite potentiellement mortelle ou laisser des séquelles comme une cécité ou une surdité.
Les enfants de moins de 5 ans, les adultes de plus de 20 ans, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées sont les plus à risque de développer des formes graves. Dans les pays en développement où la malnutrition et les carences en vitamine A sont fréquentes, la rougeole tue encore un enfant sur 100. Au niveau mondial, elle reste l’une des principales causes de mortalité infantile évitable par la vaccination.
Un vaccin très efficace
Heureusement, il existe un moyen simple et sûr de se protéger de la rougeole : la vaccination. Dès 1963, les premiers vaccins ont été mis au point par l’équipe du Dr John Enders à partir de la souche virale “Edmonston” isolée en 1954 chez un jeune garçon malade, David Edmonston.
En 1968, le Dr Maurice Hilleman a développé un vaccin amélioré en atténuant encore plus la souche virale par passages successifs sur des cellules d’embryon de poulet. Ce vaccin, commercialisé sous le nom de Rubeovax, est toujours utilisé aujourd’hui dans la plupart des pays au sein du vaccin trivalent ROR (rougeole-oreillons-rubéole).
Le vaccin contre la rougeole est extraordinairement efficace. Une seule dose suffit à protéger 93 % des enfants vaccinés. Avec deux doses, administrées à 12 mois puis entre 16 et 18 mois, l’efficacité grimpe à 97 %. Les effets secondaires sont le plus souvent bénins et transitoires : fièvre, éruption cutanée modérée. Les complications graves comme les réactions allergiques sévères sont exceptionnelles.
Vers l’élimination mondiale ?
Grâce à la vaccination, la rougeole a complètement disparu des Amériques depuis 2016. Mais l’objectif fixé par l’OMS d’éliminer la maladie dans le monde entier est encore loin d’être atteint. En cause : une couverture vaccinale insuffisante dans de nombreux pays, qui permet au virus de continuer à circuler.
Pour stopper la transmission, il faudrait en effet vacciner plus de 95 % des enfants avec deux doses, afin d’atteindre le seuil d’immunité collective. Mais en 2020, seulement 71 % de la population mondiale avait reçu la 2e dose. Dans certains pays pauvres, ce taux chute à moins de 50 % en raison d’un accès insuffisant aux vaccins.
Même dans les pays riches, les couvertures vaccinales stagnent, voire régressent, en partie à cause des mouvements anti-vaccins qui propagent des informations erronées sur de prétendus dangers de la vaccination. Plusieurs pays européens comme la France ont ainsi perdu leur statut d’élimination de la rougeole ces dernières années.
Vos questions fréquemment posées
La rougeole peut-elle avoir des conséquences à long terme sur la santé ?
Oui, même si la plupart des gens guérissent complètement de la rougeole, le virus peut parfois laisser des séquelles durables comme :
- Une cécité ou une surdité définitive en cas d’atteinte neurologique
- Un affaiblissement durable du système immunitaire pendant plusieurs années, augmentant le risque de contracter d’autres infections
- Une maladie neurologique rare mais fatale appelée panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) qui peut survenir 7 à 10 ans après l’infection initiale
Les femmes enceintes peuvent-elles se faire vacciner contre la rougeole ?
Non, le vaccin contre la rougeole étant un vaccin vivant atténué, il est contre-indiqué pendant la grossesse en raison d’un risque théorique pour le fœtus. Il est recommandé aux femmes en âge de procréer de vérifier qu’elles sont bien immunisées avant une grossesse. En cas d’exposition à la rougeole durant la grossesse, une prophylaxie par immunoglobulines peut être proposée. Le vaccin pourra être administré juste après l’accouchement, y compris en cas d’allaitement.
Combien de temps dure l’immunité contre la rougeole après la maladie ou la vaccination ?
L’immunité acquise après une rougeole est considérée comme définitive. Avoir eu la maladie protège à vie contre une nouvelle infection. Avec deux doses de vaccin, la protection est supérieure à 95% et considérée comme prolongée, probablement à vie également, même si le taux d’anticorps diminue progressivement au fil des années. Il n’y a pas besoin de doses de rappel à l’âge adulte si le schéma initial a été respecté.
Que faire en cas d’exposition à une personne atteinte de rougeole ?
Si vous avez été en contact avec un cas de rougeole, contactez rapidement votre médecin ou les autorités sanitaires locales. En fonction de votre statut vaccinal et de votre état de santé, une vaccination dans les 72h suivant le contact ou une prophylaxie par immunoglobulines pourront vous être proposées pour éviter de développer la maladie. Un isolement pourra aussi être recommandé le temps de la période d’incubation pour éviter de transmettre le virus à votre tour.
Le mot de la fin
La résurgence récente de la rougeole nous rappelle que même les maladies qu’on croyait vaincues peuvent resurgir dès qu’on baisse la garde. Tant que le virus continuera de circuler quelque part dans le monde, personne ne sera à l’abri. Se faire vacciner reste le meilleur moyen de se protéger individuellement et de protéger les autres, en empêchant le virus de se propager.