L’ARN messager est une nouvelle biotechnologie actuellement utilisée au travers des vaccins ARNm contre la Covid-19. Cette nouvelle technologie de vaccins, développée par les laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna, pourrait donner jour à de nouvelles possibilités thérapeutiques pour d’autres pathologies.
Voici quelques éléments pour comprendre ces possibilités thérapeutiques ainsi que les difficultés techniques qu’elles impliquent.
De l’ADN à la protéine : l’ARN messager
Le noyau de nos cellules contient notre ADN (ou Acide DésoxyriboNucléique), sous la forme de 46 longues molécules qui sont nos chromosomes. Nous héritons de cet ADN de nos deux parents.
C’est cet ADN qui détermine les caractéristiques de notre personne, par exemple notre apparence physique : la couleur de nos cheveux, de nos yeux ou de notre peau est déterminée par notre ADN.
Plus précisément, ce sont des portions de l’ADN appelées gènes qui portent de ces informations.
Les gènes sont les portions dites codantes de notre ADN, qui nous permettent de synthétiser toutes les protéines de notre organisme.

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Cette fabrication de protéine se réalise dans la cellule, mais pas dans le noyau. C’est là que l’ARN messager entre en jeu pour que les informations présentes au niveau de l’ADN dans le noyau puissent être exploitées.
L’ARN messager est tout simplement une copie d’un de nos gènes. Du fait de leur taille plus petite, l’ARN messager a la capacité de franchir la membrane nucléaire (membrane biologique délimitant les contours du noyau) pour être utilisé comme support d’informations dans la cellule.
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Réponse immunitaire : que sont les antigènes ?
Notre système immunitaire a pour fonction de préserver l’intégrité de notre organisme et d’éliminer toute présence étrangère comme par exemple les micro-organismes. Lorsqu’un ou des micro-organismes sont présents, comme des bactéries au niveau d’une coupure cutanée, ils déclencheront une réponse immunitaire.
En effet, notre système immunitaire va pouvoir reconnaître sur une bactérie des motifs moléculaires, le plus souvent des protéines, ou des portions de protéines (les peptides) étrangères au corps. Ces motifs moléculaires, qui permettent l’activation du système immunitaire, sont nommés antigènes.
La protéine Spike, antigène du SARS-CoV-2
Dans le cas du SARS-CoV-2, le virus qui provoque la Covid-19, les scientifiques savaient déjà que la protéine Spike était un bon antigène, c’est-à-dire que cette protéine virale était la plus apte à déclencher une réponse immunitaire. Cette information a été découverte en 2002 grâce aux études menées sur la première version du SARS-CoV, présentant une structure très similaire.

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Lorsque cette protéine Spike se trouve présente dans notre organisme, nous allons donc déclencher une réponse immunitaire et garder une mémoire de cette réponse. En cas d’infection par le virus, notre organisme sera donc déjà “immunisé”, c’est-à-dire capable de combattre plus rapidement le virus grâce à cette protéine spike présente à sa surface. En nous défendant plus efficacement contre le virus, cela permet une diminution des symptômes et des formes graves de la COVID-19.
Vaccins à ARN messager
Le principe d’un vaccin est d’entraîner le système immunitaire à se défendre contre un micro-organisme.
Dans les techniques de vaccination classiques, c’est le virus dénaturé ou une protéine de virus qui est injectée pour provoquer une réponse immunitaire qui pourra être conservée en mémoire et donc de s’immuniser.
La grande nouveauté technique du vaccin à ARN messager du SARS-CoV-2, est que des ARN messagers codant pour la protéine spike sont injectés au patient. Ces ARN messager vont être lus dans nos cellules qui vont elles-mêmes synthétiser les protéines spike qui déclencheront la réponse immune.
Stabilisation de l’ARN messager et vecteurs
La communauté scientifique a cru pendant très longtemps qu’il serait impossible d’exploiter les ARN messagers, car très facilement dégradés.
Techniquement il a fallu arriver à produire des ARNm de meilleure qualité (nucléotides modifiés, stabilisation des séquences, progrès sur les coiffes de ces brins d’ARN messagers).
De plus, pour que ces brins d’ARN messager puissent entrer dans nos cellules, il a également été nécessaire d’améliorer les vecteurs.
Dans ces vaccins, les brins d’ARN messagers sont encapsulés dans des petites vésicules graisseuses appelées liposomes, afin de les protéger jusqu’à l’intérieur de la cellule. Sans ce vecteur, les brins d’ARN messager seraient rapidement dégradés et ne pourraient pas rentrer dans les cellules.
Développement d’autres thérapies
Ce nouveau type de vaccins ouvre la porte à d’autres possibilités thérapeutiques. Ceci dit, la Covid-19 était un virus déjà bien connu et les scientifiques savaient que la protéine Spike constituait un excellent antigène permettant de cibler ce virus, grâce aux travaux menés en 2002 sur l’épidémie de Sars-CoV.
La protéine S permet d’induire une très forte réponse immunitaire, on dit qu’elle est très immunogène.
Le développement de vaccins à ARNm pour d’autres virus comme la dengue, ou la fièvre jaune n’est donc pas si simple, car il faut identifier les bons antigènes.
Cette technique de vaccins à ARN est également une potentielle nouvelle thérapie d’avenir pour le traitement des cancers.
Le principe serait de fabriquer un vaccin ARN messager qui code pour une protéine située en surface des cellules cancéreuses du patient.
Ce vaccin pourrait donc produire une réaction immunitaire forte et notre organisme deviendrait alors plus apte à détruire les cellules cancéreuses porteuses de ces protéines.
En effet, les cellules cancéreuses expriment des protéines appelées tumor-associated antigens(1) qui sont actuellement proposées et étudiées.
Néanmoins une difficulté toute particulière se pose, car selon les individus ces protéines varient.
Il faudrait alors développer des vaccins spécifiques à chaque patient. Pour ce faire, il s’agirait de réaliser dans un premier lieu une biopsie de la tumeur du patient, puis un séquençage génétique, et enfin de concevoir un vaccin unique à ce patient.
Ce projet de thérapie individualisée représente encore aujourd’hui des limites évidentes en termes de durée et de coûts. Attendons de voir !
Références