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L’engouement pour les tests ADN généalogiques ne cesse de croître ces dernières années. Ces kits vendus sur Internet à des prix abordables promettent de révéler nos origines ethniques et géographiques à partir d’un simple prélèvement de salive. Mais que valent réellement ces tests ? Sont-ils fiables et sans risques ? Éclairage sur un marché en plein essor qui soulève de nombreuses questions.
Un marché florissant aux promesses alléchantes
Ancestry, 23andMe, MyHeritage, autant d’acteurs majeurs qui se partagent aujourd’hui le marché très lucratif des tests ADN grand public. Pour moins de 100€, ces sociétés proposent d’analyser votre ADN afin d’établir la répartition de vos origines dans le monde et d’identifier de potentiels cousins génétiques.
Le principe est simple : après avoir commandé un kit sur Internet, vous recevez à domicile un tube dans lequel il vous suffit de cracher. Vous renvoyez ensuite votre échantillon de salive au laboratoire qui, quelques semaines plus tard, vous communique vos résultats sur une plateforme en ligne. Démocratisés grâce aux progrès du séquençage génétique, ces tests rencontrent un succès fulgurant, en particulier aux États-Unis où ils ont déjà séduit plus de 26 millions de personnes..
Mais l’engouement touche aussi l’Europe et la France, malgré un cadre légal beaucoup plus restrictif. On estime que 150 000 français contournent chaque année l’interdiction en vigueur dans l’Hexagone en commandant leur kit à l’étranger. Car au-delà d’une simple curiosité pour leurs racines, certains y voient l’opportunité de lever le voile sur des secrets de famille ou de retrouver des parents biologiques.
Une pratique dans l’illégalité en France
Pourtant en France, le recours aux tests génétiques en dehors d’un cadre médical, judiciaire ou scientifique est strictement prohibé. La loi de bioéthique de 1994 puis le code civil et le code pénal sont venus encadrer l’examen des caractéristiques génétiques qui ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche.
Concrètement, cela signifie que les tests récréatifs achetés sur Internet sont illégaux. Toute personne qui en ferait la demande s’expose à une amende de 3 750€(1). Quant aux sociétés qui réalisent ces tests sans agrément, elles risquent 15 000€ d’amende et un an d’emprisonnement(2). Mais dans les faits, la loi est peu appliquée et facilement contournée, les kits étant livrés sans difficulté en France par des laboratoires basés à l’étranger.
Cette interdiction fait figure d’exception en Europe où la plupart des pays autorisent ces tests, moyennant parfois certaines conditions. La France, avec la Pologne, fait de la résistance. Et le gouvernement a confirmé récemment, dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, son refus de légaliser ces tests, invoquant des risques pour les utilisateurs.
Quelle fiabilité pour les résultats ?
Car au-delà des questions juridiques, c’est bien la fiabilité et la pertinence de ces tests qui cristallisent les inquiétudes. À commencer par les résultats sur les origines ethniques, principale promesse marketing des entreprises du secteur. Selon plusieurs généticiens, il convient d’interpréter ces pourcentages d’ascendance avec prudence.
En effet, les tests se basent sur des panels de référence, sortes d’échantillons d’ADN de populations actuelles présumées homogènes et représentatives d’une région donnée. Mais ces panels comportent des biais, certaines populations étant surreprésentées par rapport à d’autres. De plus, les frontières géographiques et culturelles ne correspondent pas toujours aux réalités génétiques.
Ainsi, il est très difficile de différencier génétiquement un Allemand d’un Français. Les pourcentages varient aussi en fonction des bases de données de chaque entreprise et des algorithmes utilisés pour les calculer. D’où des résultats qui peuvent sensiblement différer d’un test à l’autre. Quant à la fiabilité des liens de parenté identifiés, elle dépend de la qualité et de la quantité des données accumulées par les sociétés.
Des conséquences familiales parfois lourdes
Au-delà de leur fiabilité relative, les tests génétiques récréatifs peuvent avoir des répercussions importantes sur le plan personnel et familial. En souscrivant à ces offres, les utilisateurs n’ont pas toujours conscience que les résultats sont susceptibles de révéler des informations sensibles sur leur entourage.
Ainsi, la découverte de nouveaux liens de parenté peut faire voler en éclat des secrets de famille soigneusement dissimulés pendant des décennies, comme une adoption cachée ou une filiation adultérine. Aux États-Unis, les médias se font régulièrement l’écho de ces histoires de pères biologiques retrouvés grâce aux tests ADN, avec leur lot de bouleversements et de drames familiaux.
En France, la réalisation d’un test de paternité est très encadrée et ne peut se faire que sur décision de justice. Mais en pratique, les tests vendus sur Internet permettent de contourner facilement cet interdit. Une situation qui inquiète les associations de personnes adoptées ou nées par don de gamètes, qui craignent des effets dévastateurs sur la construction identitaire et les relations familiales.
Vie privée : des données convoitées
Autre sujet sensible : le respect de la vie privée et la protection des données génétiques collectées par les sociétés de tests ADN. Car en envoyant leur échantillon de salive, les utilisateurs confient à ces entreprises des informations très intimes sur leur génome, potentiellement utilisables à d’autres fins que la seule généalogie.
Certes, les leaders du marché affirment crypter et sécuriser ces données génétiques stockées dans leurs bases. Ils assurent aussi ne pas les transmettre à des tiers sans l’accord explicite des personnes concernées. Mais les politiques de confidentialité varient d’une société à l’autre et les garanties apportées restent floues. Surtout, le risque de piratage ou de revente de ces données à des acteurs tiers (assurances, employeurs, laboratoires pharmaceutiques…) ne peut être totalement écarté.
D’autant que les données génétiques ont une valeur marchande et scientifique croissante. Certaines entreprises l’ont bien compris, en monnayant l’accès à leurs bases à des géants de la pharmacie pour développer de nouveaux traitements. Un modèle économique qui soulève des questions éthiques sur le consentement des utilisateurs et le respect de leur vie privée.
Vos questions fréquemment posées
Quels sont les différents types de tests ADN disponibles ?
Il existe plusieurs types de tests ADN : les tests de paternité, de maternité, de fraternité ou de lien de parenté en général, les tests d’ascendance ou d’origine ethnique, et les tests de prédisposition génétique à certaines maladies.
Quel est le prix d’un test ADN ?
Le prix d’un test ADN varie selon le type d’analyse et le laboratoire choisi. Comptez en moyenne entre 100 et 400 euros pour un test de paternité, et entre 50 et 200 euros pour un test d’ascendance.
Quels échantillons peuvent être utilisés pour un test ADN ?
La plupart des tests se font à partir d’un simple prélèvement de salive avec un écouvillon buccal. Mais il est aussi possible d’utiliser d’autres échantillons contenant de l’ADN comme des cheveux, du sang, du sperme ou des objets (brosse à dents, mégot…).
Combien de temps faut-il attendre pour recevoir les résultats ?
Les délais varient de 2 à 15 jours ouvrés selon les laboratoires et l’option choisie (en express ou non). Les résultats sont généralement envoyés par email et consultables en ligne.
Quelle est la fiabilité des tests ADN ?
Pour les tests de paternité, la fiabilité est supérieure à 99,99 % lorsque le père présumé est bien le père biologique. Pour les tests d’ascendance, la précision dépend de la qualité des bases de données de référence.
Un test d’ascendance permet-il de retrouver sa famille biologique ?
Les tests d’ascendance permettent d’identifier des cousins éloignés ayant aussi réalisé un test dans la même base de données. Mais retrouver ses parents biologiques reste très aléatoire et dépend du nombre de personnes testées.
Où faire un test ADN en France ?
Aucune entreprise ne propose de test ADN en France. Cependant certains sites étrangers vendent des kits ADN aux Français.
Le mot de la fin
S’ils permettent d’en savoir plus sur ses origines ou de retrouver des branches familiales perdues, les tests génétiques récréatifs soulèvent de nombreuses questions éthiques et sociétales. Leur fiabilité relative, leurs possibles répercussions psychologiques et familiales, ainsi que les risques d’atteinte à la vie privée invitent à la plus grande prudence.
En France, malgré l’interdiction légale, cette pratique continue de se développer, à l’abri des regards. Une situation qui appelle une meilleure information du public sur les enjeux de ces tests et sans doute une évolution de la législation pour mieux encadrer et sécuriser ces analyses génétiques en plein essor.
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Sources éditoriales et fact-checking