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La France est confrontée à l’arrivée de nouvelles drogues de synthèse extrêmement puissantes et dangereuses : les nitazènes. Ces opioïdes, bien plus forts que la morphine et le fentanyl, ont déjà fait leur première victime dans l’hexagone au printemps 2023. Alors que les overdoses liées aux opioïdes synthétiques explosent aux États-Unis, notre pays n’est malheureusement pas épargné par ce fléau. L’association française des centres d’addictovigilance tire la sonnette d’alarme.
Des molécules issues de la recherche pharmaceutique
Les nitazènes forment une famille de composés de synthèse dérivés de la benzimidazole. Ils ont été développés dans les années 1950 par l’industrie pharmaceutique, qui cherchait à mettre au point des antalgiques plus puissants que la morphine. Mais ils n’ont jamais été commercialisés en raison des risques trop importants de dépendance et de surdose.
“Les nitazènes ont un potentiel thérapeutique limité à cause de leur dangerosité extrême”, explique le Dr Martin Travers, pharmacologue.
Après être tombées dans l’oubli, ces molécules sont réapparues en 2019 sur le marché des drogues illicites aux États-Unis, avant de se propager en Europe. La France est désormais touchée à son tour par ce phénomène inquiétant.
Composition et effets des nitazènes
La famille des nitazènes comprend plusieurs molécules, dont l’isotonitazène, le clonitazène, l’étonitazène et le métonitazène.
Ces substances chimiques agissent sur les mêmes récepteurs opioïdes que la morphine dans le cerveau, provoquant un effet euphorisant puissant. Leur puissance pharmacologique est très élevée, environ 500 fois supérieure à celle de la morphine, et 40 fois supérieure à celle du fentanyl dans le cas de l’isotonitazène.
Risques et effets indésirables
Les nitazènes présentent des risques très élevés pour la santé :
- Risque de surdose mortelle même avec de petites quantités ;
- Dépression respiratoire pouvant entraîner le coma ou la mort ;
- Symptômes de sevrage intenses en cas d’arrêt de la consommation ;
- Interactions dangereuses avec d’autres substances (alcool, benzodiazépines…).
La dangerosité des nitazènes est accrue par le fait qu’ils passent inaperçus dans les analyses toxicologiques standard. Leurs effets dévastateurs sont donc largement sous-estimés. Rien qu’aux États-Unis, ils seraient impliqués dans plus d’un décès sur dix par overdose d’opioïdes.
Signalements en France
En 2023, six signalements « marquants » concernant les nitazènes ont été recensés dans quatre régions de France : Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et La Réunion.
L’un des signalements concerne le décès d’un consommateur à Montpellier après avoir pris ce qu’il pensait être de l’héroïne. Deux autres cas concernent des patients plongés dans le coma à La Réunion après avoir consommé ces substances.
Ces signalements montrent que non seulement ces drogues circulent en France, mais qu’elles peuvent être vendues à l’insu des consommateurs, cachées dans ce qui est censé être de l’héroïne ou d’autres stupéfiants. Le risque d’overdose est alors décuplé.
Mesures de santé publique
Face à l’émergence de cette nouvelle menace, les autorités sanitaires françaises ont rapidement réagi. L’ANSM a ouvert une enquête nationale d’addictovigilance dès mars 2023 et alerte sur les risques de ces substances chimiques.
De leur côté, les centres d’addictovigilance ont diffusé des informations auprès des professionnels de santé, des usagers de drogues et du grand public pour les sensibiliser sur ce nouveau danger.
Il est recommandé aux usagers de se méfier de toute substance achetée illégalement, qui pourrait contenir des nitazènes à leur insu. La prudence est également de mise lors de la reprise de la consommation après une période d’abstinence, le risque de surdose étant accru.
Traitements et prise en charge médicale
En cas de surdose présumée aux nitazènes, il est impératif d’appeler immédiatement les secours (15, 112 ou 114 pour les personnes malentendantes).
Les urgentistes pourront administrer de la naloxone, un antidote qui inverse temporairement les effets de ces substances, en attendant une prise en charge hospitalière.
La naloxone doit également être considérée comme un outil de prévention essentiel pour les usagers de drogues et leurs proches.
En cas d’intoxication, le traitement est symptomatique : ventilation mécanique si nécessaire, traitement des complications. Un sevrage sous surveillance médicale sera ensuite entrepris.
Ce qu’il faut retenir
L’émergence des nitazènes en France est préoccupante en raison des risques sanitaires élevés que présentent ces nouveaux opioïdes de synthèse surpuissants. Même si peu de cas ont été rapportés pour l’instant, la vigilance est de mise de la part des pouvoirs publics et du corps médical.
Il est essentiel d’informer et de sensibiliser le grand public, notamment les usagers de drogues, sur la dangerosité de ces substances chimiques. Le dépistage et la prise en charge médicale des intoxications doivent également être renforcés par les professionnels de santé.