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La maladie du cerf zombie, en anglais « chronic wasting disease » (CWD), est une encéphalopathie spongiforme transmissible qui affecte les cervidés tels que les cerfs, les wapitis et les orignaux en Amérique du Nord.
Par certains aspects, cette maladie débilitante chronique des cervidés présente des similarités avec l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) plus connue sous le nom de maladie de la vache folle chez les bovins ou à la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme. Comme pour la crise de la vache folle dans les années 1990, la forte propagation récente de cette maladie chez les cervidés soulève des interrogations légitimes sur les risques de transmission à l’homme.
Interrogé par The Guardian, le Dr Cory Anderson, spécialiste de cette pathologie, explique : « Nous sommes confrontés à une maladie invariablement mortelle, incurable et hautement contagieuse. L’inquiétude réside dans le fait que nous ne disposons pas d’un moyen simple et efficace pour l’éradiquer, ni des animaux qu’il infecte, ni de l’environnement qu’il contamine ».
La maladie du cerf zombie expliquée
Qu’est-ce que c’est ?
La maladie débilitante chronique (MDC), aussi appelée encéphalopathie spongiforme des cervidés (ESC) est une maladie infectieuse fatale qui touche le système nerveux central des cervidés (cerfs, élans, caribous, rennes). Elle est provoquée par des agents infectieux appelés « prions », qui sont en fait des protéines cellulaires dont la conformation spatiale est anormale. Contrairement aux virus ou aux bactéries, les prions ne possèdent pas d’acide nucléique comme de l’ADN ou de l’ARN. Elle se comporte comme un « agent infectieux protéique ».
Chez les animaux infectés, ces prions induisent une dégénérescence spongiforme et une mort des cellules cérébrales. Cela se traduit par différents symptômes : amaigrissement sévère, troubles de l’équilibre, de la coordination des mouvements et de la marche, ou encore une production excessive de salive.
Comment se propage-t-elle ?
La transmission de l’ESC peut se faire de deux manières :
- Par contact direct entre animaux infectés et animaux sains (salive, urine, matières fécales).
- Par contact avec un environnement contaminé par des prions, via des surfaces (sols, végétation) ou des aliments souillés. En effet, les prions ont la capacité de persister pendant des années dans la nature.
Une fois installée dans un environnement, cette maladie est très difficile à éradiquer en raison de leur persistance environnementale.
Où est-elle détectée ?
Aux États-Unis, l’ESC sévit dans 31 États américains où elle décime les populations de cerfs. Le dernier foyer en date a été détecté en 2023 dans le célèbre parc national de Yellowstone avec près de 5 000 cerfs contaminés.
Au Canada, la maladie est active dans 3 provinces (Alberta, Saskatchewan et Québec). En Europe, elle touche principalement les pays nordiques comme la Norvège, la Suède et la Finlande. Mais des cas ont également été rapportés plus récemment en Asie, en Corée du Sud.
Risques pour les populations animales
L’encéphalopathie spongiforme des cervidés présente un risque majeur pour les populations de cerfs et autres cervidés. En effet, le taux de mortalité de cette maladie est de 100 % chez les animaux contaminés. Elle est donc extrêmement meurtrière.
De plus, une fois installée quelque part, il est très difficile de l’éradiquer en raison de la persistance environnementale des prions. Cela entraîne des dégâts importants sur les populations de cervidés locales avec un déclin marqué des effectifs.
Plusieurs espèces sont ainsi menacées, notamment les cerfs, les élans, les caribous et les rennes. Cette hécatombe chez les cervidés a également des impacts sur les traditions cynégétiques et l’économie qui en dépendent dans de nombreuses régions.
Menace de transmission à l’homme ?
Bien qu’elle sévisse chez les animaux sauvages d’Amérique du Nord depuis plus de 50 ans, aucun cas de transmission de la maladie du cerf zombie à l’homme n’a été rapporté à ce jour. Toutefois, la similarité de cette maladie avec certaines encéphalopathies animales ayant franchi la barrière d’espèce dans le passé, comme l’ESB, soulève des craintes légitimes.
Des études récentes ont en effet confirmé que la consommation de viande ou d’abats d’animaux infectés pouvait conduire à une transmission expérimentale à certains rongeurs de laboratoire ou primates non humains. Même si le passage à l’homme n’a jamais été observé jusqu’à présent, un risque potentiel ne peut donc être totalement exclu.
L’exemple de l’épidémie de « maladie de la vache folle » qui avait durement frappé le Royaume-Uni dans les années 1990, avec près de 200 000 bovins contaminés et 177 décès humains liés à la consommation de viande bovine infectée, rappelle cruellement que ce type de saut d’espèce n’a rien d’impossible.
Or on estime qu’aux États-Unis seulement, des dizaines de milliers de chasseurs consomment chaque année de la viande de cerf provenant de zones où la maladie est endémique. Le réservoir animal est donc immense, et le nombre d’humains potentiellement exposés particulièrement préoccupant.
Mesures de prévention et de contrôle
Face aux risques posés par l’expansion de cette maladie animale émergente, les autorités sanitaires nord-américaines ont mis en place différentes mesures pour tenter de la surveiller et la contrôler.
Des programmes de dépistage ont ainsi été instaurés pour suivre l’évolution de la prévalence de la maladie chez les populations de cervidés sauvages et d’élevage. Parallèlement, des restrictions sur les importations d’animaux vivants en provenance de zones infectées visent à limiter les risques de propagation à de nouvelles régions.
Les agences sanitaires diffusent également des recommandations à l’attention des chasseurs manipulant des carcasses potentiellement contaminées, comme le port systématique de gants et l’éviction de la consommation d’animaux présentant un comportement anormal. Dans les zones les plus touchées, il est aussi demandé aux traiteurs de viande de retirer et détruire certains tissus à risque (cerveau, moelle épinière) avant commercialisation.
Enfin, les efforts de recherche se poursuivent pour mieux comprendre l’épidémiologie de cette maladie émergente et évaluer plus précisément la réalité des risques de transmission inter-espèces. L’objectif est aussi de mettre au point des tests de dépistage ante-mortem sur l’animal vivant, et peut-être, à plus long terme, de développer des traitements ou des vaccins pour les animaux domestiques.
Le mot de la fin
Bien qu’à ce stade aucune transmission à l’homme n’ait été rapportée, une vigilance accrue est de mise au vu du potentiel zoonotique suggéré par les études animales. Il paraît donc essentiel de poursuivre les efforts de surveillance épidémiologique chez les animaux réservoirs, et de sensibiliser le public quant aux mesures de prévention à respecter.