Une vaste étude nord-américaine montre qu’une part non négligeable des cancers du sang chez l’enfant et l’adolescent est associée aux doses de rayonnements reçues lors d’examens d’imagerie, en particulier les scanners, avec un risque qui augmente avec la dose cumulée et pourrait expliquer environ 10 % des cas dans la cohorte étudiée(1).
Ce que montre l’étude
Près de 3,7 millions d’enfants nés entre 1996 et 2016 ont été suivis jusqu’à 21 ans au sein de six systèmes de santé aux États‑Unis et en Ontario, avec un total de 35,7 millions de personnes‑années, et 2 961 cancers hématologiques ont été diagnostiqués, principalement des cancers lymphoïdes (79,3 %), puis myéloïdes et leucémies aiguës (15,5 %).
Les chercheurs ont quantifié la dose reçue par la moelle osseuse via l’imagerie médicale et mis en évidence une relation dose‑réponse nette : plus la dose cumulée augmente, plus le risque relatif de cancer du sang s’élève. Rappelons que l’imagerie sauve des vies, mais implique des rayonnements ionisants, surtout en tomodensitométrie (CT), et plaide pour minimiser les expositions sans sacrifier la qualité des soins pédiatriques.
Des chiffres qui comptent
Parmi les enfants exposés à au moins 1 mGy, l’exposition moyenne était de 14,0 mGy, proche d’un scanner cérébral unique estimé à 13,7 mGy, tandis que ceux ayant développé un cancer affichaient en moyenne 24,5 mGy. Le risque relatif passe à 1,41 pour 1–<5 mGy, 1,82 pour 15–<20 mGy, et 3,59 pour 50–<100 mGy, confirmant une progression graduelle avec la dose reçue par la moelle.
L’excès d’incidence cumulée jusqu’à 21 ans, chez les enfants exposés à ≥30 mGy (moyenne 57 mGy), est estimé à 25,6 cas supplémentaires pour 10 000, ce qui, ramené à la cohorte, suggère qu’environ 10,1 % des cancers hématologiques pourraient être attribuables aux rayonnements d’imagerie.
Scanner, radios, et balance bénéfices‑risques
Attention : tous les examens ne se valent pas en termes de dose, et l’étude rappelle que les radiographies délivrent des doses bien plus faibles que les CT, même si les radios thoraciques restent l’examen le plus fréquent chez l’enfant. Et alors ? Le message est opérationnel : d’un côté, la CT de la tête est l’examen CT le plus courant et, à elle seule, est associée à une fraction notable des cancers subséquents dans les enfants qui y ont été exposés; de l’autre, quand c’est possible, on peut privilégier des modalités sans rayonnements comme l’échographie ou l’IRM.
Concrètement, que faire en clinique
Les auteurs recommandent d’optimiser les protocoles pour réduire la dose, de n’imager que lorsqu’un bénéfice clinique net est attendu, et d’utiliser la dose la plus basse compatible avec un diagnostic fiable, en particulier pour la CT. Pour situer l’ordre de grandeur, le risque relatif pour 30 mGy vs 0 mGy est de 1,76, et l’excès relatif par 100 mGy est estimé à 2,54, ce qui souligne l’importance des stratégies ALARA (as low as reasonably achievable) en pédiatrie.
Un signal robuste, sans alarmisme
Le design de cohorte rétrospective, l’ampleur des données et la modélisation renforcent la solidité du signal épidémiologique entre dose moelle‑osseuse et hémopathies malignes avant 21 ans. Les chercheurs insistent : l’imagerie reste un outil clé, mais la radiosensibilité particulière des enfants et leur longue espérance de vie imposent de compter chaque mGy et de justifier chaque cliché.
Sources éditoriales et fact-checking