La cryogénisation, également appelée cryonie, cryopréservation, biosatase ou hibernation, consiste à conserver des corps humains à très basse température dans l’espoir de pouvoir les réanimer dans le futur. Le principe est de vitrifier les tissus en abaissant rapidement leur température par perfusion de cryoprotecteurs puis en les plongeant dans de l’azote liquide à -196°C.
Cette technique est expérimentée depuis les années 1960, mais n’en est encore qu’à ses balbutiements. Seules quelques centaines de personnes dans le monde ont fait cryopréserver leur dépouille après leur mort dans l’espoir d’une éventuelle « résurrection ». Examinons plus en détails le processus et les enjeux de cette pratique controversée.
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Principe et techniques
Lorsqu’un patient décédé arrive dans une installation cryogénique, son corps est tout d’abord stabilisé et refroidi le plus rapidement possible. On procède à une perfusion de cryoprotecteurs tels que le glycérol ou le propanediol qui vont protéger les tissus pendant la descente en température.
Le corps est ensuite placé dans un container spécial où règne une température de -196°C, celle de l’azote liquide qui assure la conservation sur le long terme. À une telle température, toute activité biochimique est stoppée. Le corps peut théoriquement se maintenir dans cet état de stase pendant des siècles.
Cependant, ce processus endommage inévitablement les tissus. Les cristaux de glace qui se forment lors de la cryopréservation déchirent les membranes cellulaires. La réanimation pose donc un énorme défi scientifique et technologique. Il faudrait réparer ces dommages et rétablir la circulation sanguine dans un corps parfaitement viable et fonctionnel.
La communauté cryogénique
Les « cryoniciens », personnes qui choisissent de faire cryopréserver leur corps après leur mort, partagent un espoir commun : celui que la science et la médecine réaliseront assez de progrès dans le futur pour rendre possible leur réanimation. Certains signent dès leur vivant un contrat avec des sociétés spécialisées comme Alcor aux États-Unis ou KrioRus en Russie.
Il existe à l’heure actuelle environ 300 corps cryopréservés dans le monde, ainsi qu’une centaine de neuropatients, c’est-à-dire des personnes dont seul le cerveau a été conservé. Ces patients sont conservés dans de grands réservoirs d’azote liquide à température constante.

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Coûts et aspects légaux
Le coût de la procédure est très élevé : compter 80 000 dollars pour une cryopréservation corps entier et 25 000 dollars pour une neurocryopréservation. Ces frais doivent être réglés de leur vivant par les patients cryoniques. Certains constituent des assurances-vie pour couvrir les coûts.
Ces sommes couvrent les différentes étapes du processus (perfusion, refroidissement, stockage. ..) mais également le maintien à long terme dans l’azote liquide. De nombreux patients souscrivent une assurance-vie pour financer leur cryogénisation future.
Sur le plan légal, la situation est assez floue. Si la cryogénisation n’est pas formellement interdite, elle n’est pas non plus reconnue officiellement. La justice a été amenée à se prononcer dans quelques rares cas pour ou contre le respect des volontés du défunt cryogénisé.
En France par exemple, la cryogénisation a été interdite dans l’affaire Martinot en 2004. En revanche, la justice britannique a autorisé en 2016 la cryogénisation d’une adolescente de 14 ans contre l’avis du père. Le débat juridique et éthique est donc loin d’être tranché.
Perspectives et limites scientifiques
Selon les défenseurs de la cryogénisation, les progrès technologiques futurs devraient permettre de réparer les cellules endommagées par le froid et de ranimer avec succès les patients. Ils mettent en avant les récents progrès dans des domaines comme la cryobiologie, la nanomédecine ou le séquençage de l’ADN.
Toutefois, la communauté scientifique dans son ensemble reste très sceptique quant aux chances de succès de la cryogénisation. De nombreux experts soulignent qu’une réanimation est impossible avec les connaissances actuelles, et potentiellement même à l’avenir. En effet, le froid intense endommage les cellules de façon irrémédiable selon eux.
Même avec des progrès scientifiques majeurs, reconstituer un corps et une personnalité à partir de cellules détruites relèverait de la science-fiction. Les dégâts causés aux vaisseaux sanguins par la formation de cristaux de glace lors de la cryogénisation posent également problème. La toxicité des cryoprotecteurs utilisés est un autre facteur limitant les chances de succès.
Ce qu’il faut retenir
La cryogénisation permet certes de préserver des corps humains et animaux à très basses températures après la mort légale. Cependant, les dommages cellulaires causés par le froid intense limitent très probablement les chances de réanimation future.
Si les adeptes de la cryonie croient dur comme fer au progrès technologique, la communauté scientifique est elle très sceptique sur le sujet. Les chances de succès sont donc pour le moins hypothétiques, et le débat éthique autour de cette pratique est loin d’être clos.